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Optimisme, sincérité et simplicité, tels sont les maîtres-mots de ce documentaire qui pose son regard sur une classe de collège un peu particulière. Des enfants de 11 à 15 ans, originaires d'un peu partout sur Terre, issus de cultures variées et dotés de passifs bien différents, réunis autour d'un objectif commun : apprendre, ou plutôt perfectionner leur Français dans le but d'intégrer des classes "normales".

De manière générale, l'optimisme béat et unilatéral m'agace profondément. Difficile d'estimer l'influence du moment présent sur l'appréciation d'un tel documentaire, mais au-delà de cet enthousiasme chevillé au corps, La Cour de Babel distille une tendresse qui ne s'écarte jamais d'une vision réaliste des enjeux. Un optimiste lucide, en quelque sorte. Si la caméra de Julie Bertuccelli reste toujours douce et bienveillante, elle filme ces enfants avec une étonnante franchise. Des êtres pétris d'incertitudes, bouillonnants de questions identitaires et confrontés, en dépit de leur jeune âge, à des problématiques existentielles assez complexes qui donnent parfois le vertige.

La classe de la prof de Français Brigitte Cervoni est un microcosme singulier, une sorte de cocon protecteur qui libère la parole. Le petit théâtre d'un monde riche de sa diversité, où s'expriment naturellement l'innocence de l'enfance ainsi que l'énergie et les contradictions de l'adolescence. C'est un vent de fraîcheur et une remise en question généralisée qui fait naître un certain espoir dans cette école-là. On imagine bien que ce n'est pas du tout représentatif, mais peu importe. La maturité dont fait preuve la majorité des enfants est saisissante, et on en devine l'origine à travers les références fugaces à un passé difficile, souvent à l'origine de leur immigration en France.

C'est un choix de réalisation très pertinent : laisser en hors champ les conditions de vie personnelles des enfants, laissant le spectateur deviner la dureté de leur existence, tout à fait discrètement, au détour d'une réunion parents-profs ou d'autres rencontres. Une forme d'humilité et de respect salvatrice. Le regard se concentre ainsi sur la classe et sur une parole qui bouillonne malgré la difficulté que tous éprouvent pour s'exprimer. C'est une forme de violence trop souvent oubliée ou négligée et qui saute ici au yeux, tant on sent qu'ils peinent à exprimer correctement et spontanément leurs sentiments, leurs émotions. Il se dessine alors, peu à peu, des caractères variés et attachants, des manières d'être insouciantes et touchantes. Des enfants tellement différents dans leurs cultures et leur passé, mais en même temps tellement semblables dans leurs aspirations et l'avenir qui s'offre à eux. Et ça fait un bien fou.

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