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The Social Network est le 8ème film de David Fincher, mettant en scène Jesse Eisenberg (déjà vu dans The Village de M. Night Shyamalan et To Rome with Love de Woody Allen), Justin Timberlake (vu l'année d'après dans In Time d'Andrew Niccol) et Rooney Mara (remarquée pour son interprétation de Lisbeth Salander dans le Millénium de David Fincher). Il s'agit d'un biopic nous replongeant au début des années 2000, aux origines quelque peu tumultueuses de la création d'une des entreprises les plus lucratives jamais créées sur Internet : Facebook.

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Le film s'ouvre sur un vif échange entre le jeune Mark Zuckerberg et sa petite amie, au terme duquel l'étudiant de la prestigieuse université de Harvard essuie une énième rupture. Cette discussion à bâtons rompus (1) est révélatrice de l'état d'esprit du prodige en herbe, génie de la programmation informatique mais doté d'un tempérament radicalement asocial le prémunissant de toute relation sentimentale « normale ». Asocial, certes, mais pas insensible : prédisposé à l'humiliation affective répétée, il décide de mettre en ligne sur l'intranet de son campus un programme douteux baptisé « Facemash », permettant de noter le physique de la gente féminine par le biais de photos piratées. Son cynisme et son arrogance démesurés trouvent ainsi dans ses compétences en informatique une échappatoire, un moyen de se défouler et de se vider de ce trop-plein de ressentiment accumulé.

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Facebook est donc né sur les cendres encore chaudes des sentiments made in Zuckerberg, mélange poisseux de voyeurisme et d'impudence. Facemash suscite un engouement tel que des personnes influentes du campus le sollicitent pour travailler à l'élaboration d'un site de rencontre appelé « Harvard Connection ». Il détournera par la suite ce projet à son avantage, avec l'aide de son seul véritable ami, pour lancer « The Facebook », prémices des réseaux sociaux exclusivement dédiés aux étudiants de l'université. Dépourvu de toute forme d'empathie et de ne serait-ce qu'un soupçon de sociabilité, c'est de manière tout à fait fortuite qu'il brisera les maigres liens qui constituaient son entourage et qui le reliaient à la vie en société. C'est devant les tribunaux, des centaines de millions de dollars en jeu, que l'histoire se conclura.

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Deux grandes incompréhensions entourent cependant la réception critique de The Social Network.
De manière assez étrange, beaucoup de gens n'ont pas été capables d'apprécier le film indépendamment de leur aversion pour le réseau social lui-même. Pourtant, le film n'est qu'une description clinique et historique de la naissance de Facebook, et non une ode aux amis virtuels et au narcissisme généralisé — c'est quasiment le contraire.
À l'opposé, de très nombreuses personnes ont vu en la personne de Mark Zuckerberg (et de Sean Parker, co-fondateur de la plateforme musicale Napster) un symbole de réussite — économique, et « donc » sociale pour beaucoup d'entre elles, malheureusement — chez cet étudiant devenu le self made man milliardaire mondialement connu et envié.
Ce dernier point incarne le symbole par excellence de notre époque, un phénomène particulièrement inquiétant et affligeant qui augure à mon sens de bien funestes lendemains. Il y a quelque chose de profondément malsain dans ce culte planétaire voué au personnage, lui qui a bâti son empire financier sur l'exploitation de pulsions parmi les plus viles que compte l'humanité.

(1) Jamais je n'avais vu des sous-titres s'étaler sur 5 lignes d'un écran télé, 16/9 de surcroît... (retour)

N.B. : Merci Yohann pour les échanges de points de vue sur le film, mis à profit dans ce billet.