Je m'attarde - Mot-clé - Accident le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearL'Odyssée de l'Endurance, de Ernest Shackleton (1919)urn:md5:846c3e15ee9da6d10f0608a1979a7adf2023-03-29T21:28:00+02:002023-03-29T21:28:00+02:00RenaudLectureAccidentAntartiqueAventuresExplorationGlacierNeigePremière Guerre mondialePôle SudSauvetage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/odyssee_de_l-endurance/.odyssee_de_l-endurance_m.jpg" alt="odyssee_de_l-endurance.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"We failed to reach the South Pole. I turned back. I chose life over death for myself and for my friends, which is why I am here to tell you about it tonight."</strong></ins></span>
</div>
<p>Les deux grandes aventures exploratoires britanniques au pôle Sud qui ont marqué le début du XXe siècle ont été racontées dans deux documentaires muets, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Eternel-Silence-de-Herbert-Ponting-1924">L'Éternel Silence</a></ins> (1924, sur l'expédition Terra Nova menée par le capitaine <strong>Robert Falcon Scott </strong>de 1910 à 1912 pour atteindre le pôle et devancée par celle de l'équipe norvégienne de <strong>Roald Amundsen</strong>) et <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">South</a></ins> (1919). Dans le prolongement de ce dernier, <ins>L'Odyssée de l'Endurance</ins> est le récit autobiographique de l'explorateur <strong>Ernest Shackleton </strong>au sujet d'une autre mission magnifiquement et doublement ratée, de 1914 à 1917 : elle était composée de deux bateaux, l'Endurance (en partance des îles de Géorgie du Sud) censé déposer une équipée sur la côte nord du continent Antarctique pour une traversée en traîneau de mer à mer, et l'Aurora (en partance de la Nouvelle-Zélande) censé déposer des vivres sur le trajet de l'autre mission en partant du sud.</p>
<p>Et ce fut un véritable fiasco, autant l'Endurance que l'Aurora subirent les pires intempéries imaginables sous ces latitudes. Jamais l'Endurance n'accéda ne serait-ce qu'au point de départ de l'expédition sur la neige ferme, le bateau s'étant retrouvé prisonnier des glaces de mer (les fameux "packs" qui peuvent immobiliser un navire en une nuit et le broyer à petit feu) dans des conditions extrêmes (on parle de températures inférieures à -45°, des vents violents à plus de 200 km/h en rafales, des blizzards vecteurs d'engelures profondes et de gangrène, avec tous les risques sanitaires comme le scorbut). Jamais les dépôts de vivres et de matériel de l'Aurora ne servirent à quiconque, en conséquence, et à la différence de l'équipage de <strong>Shackleton</strong>, plusieurs personnes périrent sur la banquise dans des conditions assez dramatiques.</p>
<p>Mais <ins>L'Odyssée de l'Endurance</ins> parvient tout de même à trouver les ressources pour raconter, dans la douleur, l'histoire d'une exploration ratée transformée en une mission de sauvetage réussie, et ce d'autant plus que l'épopée a atteint des sommets de rocambolesque qui n'ont rien à envier à la fiction.</p>
<p>Il faut quand même relever un obstacle majeur à l'immersion dans le récit de <strong>Shackleton </strong>: la profusion de détails techniques sur la météo, sur l'état de la mer, sur l'orientation des différentes embarcations, sur l'horaire et les durées d'une multitude d'événements, et tout un tas d'éléments particulièrement accessoires qui rendent souvent pénible la lecture, à l'instar des cinquante premières pages essentiellement constituées d'observations sur la navigation entre la Géorgie du Sud et la banquise du pôle Sud. <strong>Shackleton </strong>ne brille pas par sa plume dans ces moments-là malheureusement assez nombreux.</p>
<p>Cela n'enlève en rien au grandiose de l'expédition et au caractère littéralement héroïque des 28 naufragés qui ont survécu pendant près de deux ans isolés sur un bout de glace, avec un stock de nourriture et de combustible extrêmement limité, vêtus d'une unique tenue et pourvus d'un unique sac de couchage. Inutile de préciser que le gore-tex n'existait pas à l'époque... Le sauvetage se déroula en plusieurs temps : d'abord, la dérive vers l'île de l'Éléphant pour établir un camp de fortune, puis un voyage en canot en équipe réduite de plus d'un millier de kilomètres (avec de grosses frayeurs : "<em>À minuit, j'étais au gouvernail. Soudain, vers le sud, m'apparut une ligne claire dans le ciel. J'en prévins les autres ; puis, après un instant, je compris que la clarté en question n'était pas un reflet dans les nuages, mais la crête blanche d'une énorme vague ! Après vingt-six ans de navigation, je connaissais l'océan dans toutes ses humeurs, mais jamais je n'avais rencontré sur ma route une vague aussi gigantesque. C'était un puissant soulèvement qui n'avait rien de commun avec les hautes lames coiffées de blanc, nos ennemies inlassables</em>") pour atteindre le sud de la Géorgie du Sud, la traversée de cette île à travers les glaciers et les crevasses digne d'une expédition d'alpinisme pour accéder au nord et surtout au point de rassemblement des baleiniers, pour finalement tenter de nombreuses missions de sauvetage (beaucoup de bateaux furent mobilisés sans succès) et récupérer le groupe resté coincé depuis 22 mois. Fatalement, au moment des retrouvailles, il y eut quelques difficultés à reconnaître un compagnon débarrassé de ses longs cheveux, de sa barbe, de sa crasse et de ses vêtements de gueux : "<em>Chose curieuse, ils ne reconnurent pas Worsley ; le bandit sale et chevelu qu'ils avaient quitté revenait pimpant et rasé. Ils le prenaient pour un des baleiniers. Soudain ils comprirent qu'ils parlaient à celui qui, pendant un an et demi, avait été leur plus proche compagnon</em>". Une part importante du plaisir tient en outre à la description des conditions de survie des différents groupes, il est passionnant d'apprendre comment ces hommes ont su gérer les stocks, réduire les rations, et rationaliser l'accès aux ressources. Vraiment incroyable comment des léopards de mer, des manchots, et mêmes parfois des oiseaux comme les albatros constituaient une source de provisions (viande pour l'alimentation et graisse pour l'entretien du feu) indispensable.</p>
<p>Ironie de l'histoire jusqu'au bout, l'équipage découvrit en renouant avec l'humanité en 1917 que la Première Guerre mondiale n'était pas terminée (une des raisons qui complexifia la mission de sauvetage) : tous furent impliqués d'une certaine manière et certains y moururent. <strong>Shackleton</strong>, c'est une part du mythe non-vérifiée, aurait recruté l'essentiel de l'équipage en ayant rédigé l'annonce suivante : "<em>Men Wanted for hazardous journey. Small wages, bitter cold, long months of complete darkness, constant danger, safe return doubtful. Honour and recognition in case of success</em>". Il n'y avait résolument pas tromperie sur la marchandise.</p>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/south/trajet.png" title="trajet.png, août 2017"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/south/.trajet_m.png" alt="trajet.png, août 2017" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Odyssee-de-l-Endurance-de-Ernest-Shackleton-1919#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1151L'Affaire Mattei, de Francesco Rosi (1972)urn:md5:92aca66ecef74ff72fcc68520d9dc1602023-01-15T23:17:00+01:002023-01-15T23:17:00+01:00RenaudCinémaAccidentAlgérieAssassinatEnergieEtats-UnisFrancesco RosiGian Maria VolontéGuerreItalieMafiaPétrole <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/affaire_mattei/.affaire_mattei_m.jpg" alt="affaire_mattei.jpg, déc. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Ennemi public n°1<br /></strong></ins></span>
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<p><strong>Enrico Mattei </strong>était un personnage italien qui avait réussi dans les années 60 à se mettre à dos une quantité invraisemblable de sociétés, d'institutions, et d'intérêts divers diversement dangereux. Il est mort dans un accident d'avion, potentiellement et très probablement plutôt un attentat commis par l'un des très nombreux candidats au meurtre.</p>
<p>En premier lieu, ce pourrait être un ordre de compagnies pétrolières américaines car il avait vertement remis en cause leur monopole dans la gestion de l'approvisionnement du pétrole en Italie — il avait baptisé "les Sept Sœurs" les plus grandes compagnies pétrolières de l'époque. Officiellement mandaté en mai 1944 pour liquider la compagnie Agip, il apprend que de gros gisements de méthane situés dans la région de Milan sont convoités et il décide de maintenir la société dans le giron de l'État afin d'en faire l'instrument privilégié du développement et de l'indépendance énergétique du pays. Premier gros mauvais point pour son intégrité physique. Il était également accusé d'avoir soutenu et financé le FLN pendant la guerre d'Algérie, en échange de concessions pour le groupe Ente Nazionale Idrocarburi (ENI) public à l'époque. De quoi tendre la SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, ancienne DGSE) française de l'époque, voire l'OAS. Son successeur figure également dans la liste des suspects.</p>
<p>Le constat est déjà édifiant, et pose le film davantage comme une source de questions que comme pourvoyeur de réponses.</p>
<p>Mais les ennuis ne s'arrêtent pas là, puisque le réalisateur <strong>Rosi </strong>engagea le journaliste <strong>Mauro De Mauro </strong>afin d'enquêter pour les besoins de ce film dossier, et ce dernier finira enlevé à Palerme, son corps n'ayant jamais été retrouvé. Là aussi plusieurs hypothèses se bousculent, témoignant la volonté tenace de certains de maintenir des affaires enterrées : les Carabinieri pensaient que sa mort était due à une enquête précédente du journaliste sur le trafic de drogue, là où la police nationale privilégiait la piste mafieuse (mafia ou autre). En tous cas, dans le genre du film-dossier, difficile de faire plus communiquer les deux côtés de la caméra. Sans parler de l'assassinat de <strong>Pasolini </strong>en 1975, son roman inachevé <ins>Pétrole</ins> ayant pour sujet l'identité des assassins de <strong>Enrico Mattei</strong>.</p>
<p>Quoi qu'il en soit, un gros paquet d'emmerdes entoure ce film, qui arbore par ailleurs une chronologie éclatée et une structure peu conventionnelle. Le tissu socio-culturo-économico-politique est très dense, et le film reste éprouvant à regarder par ses logorrhées incessantes. <strong>Mattei</strong>, qui se disait enivré par le succès "l’homme italien le plus important depuis Jules César", aura manifestement eu une mort à la hauteur. <strong>Gian Maria Volonté</strong>, présent dans les deux films ayant obtenu la Palme d’or à Cannes en 1972 (celui-ci et <ins>La classe ouvrière va au paradis</ins>), s’impose clairement. Le film, bien que tumultueux et en un sens brouillon (en tous cas difficile à suivre dans son montage intense), est un support à de très nombreuses réflexions assez folles.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/affaire_mattei/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/affaire_mattei/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, déc. 2022" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/affaire_mattei/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, déc. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Affaire-Mattei-de-Francesco-Rosi-1972#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1095Le Sang du damné, de Hideo Gosha (1966)urn:md5:ac961ccb1c1fddb17ed525ae7c4653ed2022-12-20T15:07:00+01:002022-12-20T15:31:11+01:00RenaudCinémaAccidentArgentAssassinatFilm noirGangsterHideo GoshaJaponMeurtrePrisonTatsuya Nakadai <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sang_du_damne/.sang_du_damne_m.jpg" alt="sang_du_damne.jpg, nov. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Noir nippon</strong></ins></span>
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<p>Un peu décevant ce <strong>Gosha</strong>, qui a la différence d'autres de ses grands films comme <ins>Le Sabre de la bête</ins>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Trois-Samourais-hors-la-loi-de-Hideo-Gosha-1964"><ins>Les Trois Samouraïs hors-la-loi</ins></a> ou encore <ins>Goyokin, l'or du shogun</ins>, ne prend pas pour cadre le chanbara mais lorgne très clairement et très fortement du côté du film noir, avec des influences américaines notables. J'aimerais bien un jour recenser tous ces films japonais de l'âge très classique (la décennie 1960 grosso modo) qui arborent des attributs hérités de l'autre côté de la production planétaire : comme chez <strong>Imamura </strong>(en pensant à <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Cochons-et-Cuirasses-de-Shohei-Imamura-1961"><ins>Cochons et cuirassés</ins></a>), cela passe notamment à travers le recours à une musique jazzy qui sonne presque faux — ou du moins qui détonne dans cet environnement. Presque. C'est drôle de voir les protagonistes évoluer dans des lieux très connus, la salle de boxe, la boîte de strip-tease, l'embarcadère de port, la casse, avec une petite particularité ici tout de même : une centrale électrique et une station d'épuration, la touche bonus en matière de monde en perdition que doit traverser un homme à sa sortie de prison chargé de tuer trois personnes pour de l'argent.</p>
<p>Et ce pauvre damné, qui traîne son sort comme un boulet (il a tué par accident un homme et sa fille, laissant une veuve), c'est <strong>Tatsuya Nakadai </strong>: autant dire qu'il aide beaucoup le film et fait office de contrepoids à un scénario parfois vraiment très lourd. Autant on peut apprécier la diversité des lieux quand bien même ce serait des passages obligés du genre, autant on peut regretter plusieurs aspects de cette histoire. Il y a un côté répétitif dans l'exécution de la basse besogne, avec à chaque fois le héros qui arrive trop tard et récupère une victime (celle qu'il devait tuer, précisément) dans ses derniers instants de vie lui indiquant la marche à suivre pour son enquête. Ça en devient vraiment mécanique et très peu immersif, alors que l'autre piste, celle des deux malfrats hongkongais qui semblent animés par un intérêt voisin, est pleine de promesses. Le fait qu'ils fassent le sale boulot à sa place est une disposition qui aurait pu être bien plus fertile il me semble.</p>
<p>Au final, <strong>Nakadai </strong>est pris dans un engrenage qui lui fait perdre la foi pour ce sale boulot et lui donne envie de comprendre la mécanique à l'œuvre et les intérêts partisans derrière tout ce bazar sanglant. Une imagerie du gangster japonais bien loin des codes nationaux de l'époque comme chez <strong>Fukasaku </strong>ou <strong>Suzuki</strong> par exemple, travaillant une fibre esthétique très classieuse et arborant une sorte de quête rédemptrice au milieu d'un univers vérolé par l'avidité. Au terme du voyage particulièrement tragique, il aura en un sens regagné sa dignité, même si la mélancolie n'atteint pas les sommets escomptés. La figure de la gamine devenue orpheline, aussi, est un supplément « mignon gratuit » qui est un peu trop indigeste, un supplément de sentimentalisme dont on se serait en tout état de cause bien passé.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sang_du_damne/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2022" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Sang-du-damne-de-Hideo-Gosha-1966#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1090L'Enfer blanc du Piz Palü, de Arnold Fanck et Georg Wilhelm Pabst (1929)urn:md5:1eb8d7c1e12485a1daedbd8793beb21f2022-12-12T09:51:00+01:002022-12-12T09:52:49+01:00RenaudCinémaAccidentAllemagneAlpesAlpinismeCinéma muetDolomitesGeorg Wilhelm PabstLeni RiefenstahlLune de mielMontagneNatureNeigeRomanceSauvetage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/enfer_blanc_du_piz_palu/.enfer_blanc_du_piz_palu_m.jpg" alt="<img src="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/ "="" public="" renaud="" cinema="" enfer_blanc_du_piz_palu="" .enfer_blanc_du_piz_palu_m.jpg""="" >"="" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Traque au sommet<br /></strong></ins></span>
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<p>Incroyable épopée autant montagneuse que romantique située essentiellement dans une région alpine des Dolomites, marquée par une introduction traumatique par excellence : un alpiniste voit sa femme mourir dans un accident, une chute mortelle dans une crevasse lors de leur ascension du Piz Palü en pleine lune de miel. Sur la base de ce petit bout de scénario, on pourrait presque identifier une parenté avec <ins>Cliffhanger</ins> si l'on n'avait pas peur d'un tel hiatus... Mais en un sens, <ins>L'Enfer blanc du Piz Palü</ins> reste l'un des premiers grands spectacles cinématographiques en milieu montagneux et l'un des derniers films de <strong>Leni Riefenstahl</strong> avant qu'elle ne passe derrière la caméra pour <ins>La Lumière bleue</ins>.</p>
<p>Sur la durée conséquente de 2h30, on peut relever quelques problèmes d'ordre technique, à commencer par une certaine répétitivité au sein de certaines séquences : l'appel des secours notamment, depuis la corniche où les protagonistes sont bloqués lors du dernier temps fort, à la fois prisonniers et réfugiés, se fait un peu trop insistant et nuit de manière assez drastique à l'intensité de la situation. Il manque aussi une certaine construction psychologique des personnages, qui se fait usuellement par les dialogues dans cet écrin du muet, mais ici réduits à un minimal vraiment extrême. La folie du docteur Krafft consécutive à la mort de son épouse est également sujette à quelques passages un peu exagérés autour d'une nouvelle obsession, partagés entre le désuet et le suranné.</p>
<p>Mais ce film de <strong>Arnold Fanck </strong>(aidé par <strong>Georg Wilhelm Pabst</strong>) regorge, en parallèle de ces réserves, de morceaux savoureux en matière d'opposition entre une humanité désireuse de repousser ses limites et la nature qui se pose en frein majeur aux ambitions prométhéennes des alpinistes téméraires. L'accident inaugural, les différentes ascensions au milieu de ces étendues de neige immaculée, la mission de sauvetage sous la forme d'une expédition nocturne, et toute une série de plans tournés dans un cadre saisissant de haute montagne. La mise en scène de ce Piz Palü est le véritable point fort du film, avec son manteau neigeux, ses falaises glacées, ses crevasses, ses stalactites en train de fondre, ses tempêtes glaciales, ses avalanches, et autant de réactions face aux tentatives des pauvres petits humains.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/enfer_blanc_du_piz_palu/.img1_m.png" alt="img1.png, nov. 2022" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Enfer-blanc-du-Piz-Palu-de-Arnold-Fanck-et-Georg-Wilhelm-Pabst-1929#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1086Délit de fuite, de Mikio Naruse (1966)urn:md5:5f75d3d40e6e1e8b711fd4a3943d7ac72022-04-07T12:10:00+02:002022-04-07T12:10:00+02:00RenaudCinémaAccidentFuiteHideko TakamineJaponMikio NaruseVengeanceVoiture <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/delit_de_fuite/.delit_de_fuite_m.jpg" alt="delit_de_fuite.jpg, févr. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Symétries de la souffrance<br /></strong></ins></span>
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<p>Thématique très originale et style surprenant dans la filmographie de <strong>Mikio Naruse</strong>, pour son avant-dernier film. Première fois que le thème de la vengeance apparaît aussi frontalement, voire apparaît tout court — il me reste pour trancher à voir le reste de ses plus de 90 films en tant que réalisateur... L'effet de contraste est plutôt agréable et me pousse à surnoter légèrement, car ici tout est étonnamment lisible et directement accessible, avec pour corollaire l'absence d'épiphanie finale qui m'attendait dans les dernières minutes de tous les grands films de <strong>Naruse</strong>, de <ins>Nuages flottants</ins> à <ins>Tourments</ins> en passant par <ins>Le Grondement de la montagne</ins>.</p>
<p>Une trajectoire presque rectiligne, qui suit le destin d'une femme interprétée par <strong>Hideko Takamine</strong>, fidèle parmi les fidèles de <strong>Naruse </strong>: mère élevant seule son fils, elle le perd brutalement suite à un accident de voiture impliquant un délit de fuite auquel on assiste en parfaite connaissance de cause. Il s'agit en réalité de la femme d'un riche industriel automobile qui conduisait une voiture de sport en compagnie de son amant. Dans la panique, pensant que le gamin allait bien, elle décide de s'enfuir de peur de laisser s'éventer cette histoire d'adultère. <ins>Délit de fuite</ins> se concentrera presque entièrement sur la démarche de la mère éplorée dans sa volonté de faire éclater la vérité autour de l'accident, au sein d'un réseau dense de silences cherchant à dissimuler les événements.</p>
<p>Il y a en toile de fond la description d'une certaine modernité japonaise, dans les années 60, présentée comme sous influence capitaliste occidentale à travers l'omniprésence de la voiture, hautement symbolique. Le final est aussi d'une teneur didactique en matière de sécurité routière relativement ridicule. Mais en regard de cela, il y a surtout le double portrait de ces deux femmes, presque en miroir, avec deux formes très distinctes de malheurs et de souffrances. Le film déploie une très belle tension à ce niveau-là, en montrant un calvaire noué, une symétrie dérangeante, un malaise permanent. Avec en prime quelques expérimentations visuelles surprenante chez <strong>Naruse</strong>, avec déformation chromatique de la photo et plans anguleux pour accompagner la folie de <strong>Takamine</strong>.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/delit_de_fuite/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, févr. 2022" />
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<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La catastrophe de Kychtym<br /></strong></ins></span>
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<p>Quel est le troisième plus grave accident nucléaire de l'histoire après Tchernobyl et Fukushima ? C'est la méconnaissance globale de la réponse qui a poussé <strong>Sebastian Mez </strong>à s'aventurer dans les environs du complexe nucléaire Maïak, situé près de la ville russe d'Oziorsk, là où se produisit la catastrophe de Kychtym le 29 septembre 1957. Une contamination radioactive résultant de l'explosion de 80 tonnes de déchets à cause d'une panne du système de refroidissement dans une usine de retraitement de combustible nucléaire en Union Soviétique : dans la région, on a cru que la Troisième Guerre mondiale avait commencé. 200 personnes meurent sur le coup, 300 000 personnes reçoivent une dose de radiation supérieure au seuil admissible, et pourtant aucune information ne passera à travers les mailles de la censure soviétique : ni pour les habitants, ni pour le reste du monde qui découvrira les événements à la faveur de la perestroïka, 30 ans plus tard.</p>
<p>Aujourd'hui, dans cette région de l'Oural du Sud, le niveau de pollution radioactive est l'un des plus élevés au monde. La rivière Tetcha transporte encore la contamination dans l’océan Arctique, des incendies disséminent encore des particules radioactives dans les régions alentours. <strong>Sebastian Mez </strong>raconte l'histoire non pas d'un point de vue encyclopédique mais plutôt par le témoignage des personnes qui habitent encore aujourd'hui dans ces lieux, pour certains à quelques dizaines de mètres de la rivière puissamment contaminée. La beauté irréelle de ces paysages captés dans un noir et blanc très contrasté (peut-être trop) saisit le sujet sur le vif, tout de suite, renvoyant une image intense de la menace toxique. Un film sous la forme d'un hommage aux gens qui persistent là, dans un style résolument contemplatif.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metamorphoses/.img1_m.png" alt="img1.png, déc. 2021" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metamorphoses/.im3_m.png" alt="im3.png, déc. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metamorphoses/.img4_m.png" alt="img4.png, déc. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Metamorphoses-de-Sebastian-Mez-2013#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1023Cybèle ou les Dimanches de Ville-d'Avray, de Serge Bourguignon (1962)urn:md5:a8157a89588807a13176c188c4c1cdb92021-01-02T18:00:00+01:002021-01-02T18:01:09+01:00RenaudCinémaAccidentAmnésieAmourEnfanceOrphelinRomanceScandaleTraumatisme <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/dimanches_de_ville_d-avray/.dimanches_de_ville_d-avray_m.jpg" alt="dimanches_de_ville_d-avray.jpg, déc. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Amour pur<br /></strong></ins></span></div>
<p>La première séquence de <ins>Cybèle ou les Dimanches de Ville-d'Avray</ins> ne laisse absolument pas présager ce qui suivra. Dans un montage éclaté et chaotique, on y voit un pilote d'avion de chasse foncer sur une petite fille, dans ce qui ressemble à un accident en Extrême-Orient. Sans doute s'agit-il d'une réminiscence du protagoniste interprété par <strong>Hardy Krüger</strong>, qui aurait donc involontairement tué une enfant en Indochine. Cela constitue en tous cas le seul élément de contexte dont on dispose pour comprendre l'état de Pierre, survivant du crash mais souffrant d'amnésie et probablement d'autres séquelles post-traumatiques. Au temps présent, on le voit avec son amie infirmière qui lui semble entièrement dévouée, tendre, amoureuse et compréhensive. Alors qu'il la raccompagne à la gare de Ville-d'Avray, il rencontre de manière fortuite une petite fille de 10 ans, Françoise (un faux nom), abandonnée par son père dans un orphelinat religieux : l'image de cette enfant et le parallèle avec celle qu'il pense avoir tuée à l'autre bout du monde seront le point d'ancrage d'une relation extraordinaire, forcément surprenante, entre les deux. À la faveur d'un quiproquo le confondant avec le père, une amitié aussi forte que sincère se noue, et tout le film aura pour objet l'étude de ce lien unique fait d'amitié intense et de complicité pure.</p>
<p>Évidemment, cette réunion de deux êtres souffrant de deux formes distinctes de solitude ne se fera pas sans échos scandaleux au sein de la communauté. Sans jamais chercher à alimenter frontalement l'opprobre, en ne se laissant à aucun moment aller à des divagations psychologisantes, <strong>Serge Bourguignon </strong>esquisse un portrait d'une tendresse incroyable. La clé de voûte du film, ce qui en sous-tend tout l'intérêt et en constitue tout le sel, porte sur la nature ambivalente de cette relation. S'il s'agissait de son véritable père, tout le monde y verrait un acte d'amour filial et paternel, personne n'y trouverait quoi que ce soit à redire. C'est d'ailleurs ce sur quoi porte l'essentiel du film, qui se concentre sur cette complicité déroutante sans jamais évoquer l'inceste, et en reléguant la vindicte populaire au dernier temps du récit — qui très clairement ne se termine pas sur un happy end, mais laisse bien loin la thématique du bouc-émissaire et de l'animosité des foules d'un <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Panique-de-Julien-Duvivier-1956"><ins>Panique</ins></a> (<strong>Julien Duvivier</strong>, 1947) ou d'un <ins>Furie</ins> (<strong>Fritz Lang</strong>, 1936). Le thème de l'injustice, lui, en revanche, est bien présent, avec comme un soupçon de parenté avec l'excellent film de <strong>Tony Richardson</strong>, <ins>Mademoiselle</ins> (1966).</p>
<p>Pour asseoir cette relation étrange entre un adulte de 35 ans et une enfant de 25 ans sa cadette, il y a d'un côté un personnage d'enfant étonnamment adulte, avec une composition très contrastée de la part de la toute jeune <strong>Patricia Gozzi </strong>(très singulière, hors des sentiers tracés par les canons de l'enfant mature), et de l'autre un adulte présentant un certain nombre de faiblesses qui détériorent sa relation avec sa petite-amie. C'est sans doute peu crédible sur le papier, mais cet amour pur bâti sur une confiance mutuelle et une complicité enfantine, on y croit naturellement, facilement. Il faut aussi noter la présence importante de deux personnages secondaires ayant bénéficié d'un soin appréciable dans leur écriture : la femme de Pierre, donc, à l'origine tout à fait ignorante de son autre relation, et un ami bienveillant figurant dans un cercle proche.</p>
<p>Ainsi voit-on essentiellement ces deux personnages esseulés errer chaque dimanche autour d'un étang, plongés dans leur complicité comme dans un monde imaginaire. L'ambiance est plutôt morose (la tonalité rappelle celle de <ins>Jeux interdits</ins> de <strong>René Clément</strong> sorti 10 ans plus tôt) en dépit de leur bonheur apparent, et la figure de l'enfant perdu oscille de manière très étonnante entre les deux. Le passif particulièrement flou de chacun (le manque d'informations est sans aucun doute volontaire, faisant des deux un duo de naufragés échoués on ne sait où) invite à aborder cette accointance indépendamment du reste, en se focalisant sur l'instant présent. On pourrait peut-être juste regretter quelques passages au symbolisme un peu trop épais, comme notamment lors de la séquence du repas d'amis au cours duquel Pierre s'amuse avec un verre, conduisant à une vision déformée de son entourage.</p>
<p>Personne n'aurait l'idée, il me semble, de filmer une telle chose aujourd'hui. Malgré la pureté platonique de leur relation, on suspecterait une myriade de mauvaises intentions. Pourtant, <ins>Cybèle ou les Dimanches de Ville-d'Avray</ins> reçut l'Oscar du meilleur film en langue étrangère et jouit d'un très grand succès aux États-Unis ainsi qu'au Japon. Sans doute que le positionnement du film au sein du cinéma français des années 60, vu d'aujourd'hui en tout état de cause, y est pour beaucoup : c'est un objet qui ne rentre pas dans les cases que l'on reconnaît classiquement, ni cinéma populaire, ni émanation de la Nouvelle Vague. En résulte un rapport encore plus complexe à l'œuvre, qui propose quoi qu'il en soit une vision très intéressante de détresses affectives croisées, baignant dans un isolement social qui n'empêche pas l'émergence d'une relation d'une pureté cristalline, loin des scandales.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/dimanches_de_ville_d-avray/.couple_m.jpg" alt="couple.jpg, déc. 2020" />
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