Je m'attarde - Mot-clé - Agriculture le temps d'un souffle<br />2024-03-29T14:52:11+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearUn idiot à Paris, de Serge Korber (1967)urn:md5:a4d324f90a6794491c62a7cf164f9e4e2024-01-10T09:59:00+01:002024-01-10T09:59:00+01:00RenaudCinémaAgricultureAnarchismeBernadette LafontBernard BlierComédieDany CarrelFranceJean CarmetJean LefebvreMichel AudiardOrphelinParisPaul PréboistPierre RichardProstitutionRobert DalbanRuralitéVilleYves Robert <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/idiot_a_paris.jpg" title="idiot_a_paris.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/.idiot_a_paris_m.jpg" alt="idiot_a_paris.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Les pérégrination d'un bredin</strong></ins></span>
</div>
<p>Dans la catégorie des films de l'ancienne France, avec virée rurale et excursion citadine, naviguant au sein d'un casting extrêmement touffu, avec d'énormes morceaux de truculence et de belles grandes gueules, et permettant de redécouvrir des tableaux quotidiens du siècle passé, <ins>Un idiot à Paris</ins> est un très bon élément. Je ne connaissais <strong>Serge Korber </strong>que de nom, associé à des productions qui me donnaient envie de fuir au plus vite (<ins>L'Homme orchestre</ins>, <ins>Sur un arbre perché</ins>, et plus récemment <ins>Les Bidochon</ins>), et voilà que me tombe sur le coin du museau cette comédie intelligente, bien plus fine qu'il n'y paraît, drôle et très agréable à suivre.</p>
<p>Le premier constat arrive rapidement : comment se fait-il que <strong>Jean Lefebvre </strong>n'ait pas eu davantage d'opportunités dans des rôles de premier plan ? Je l'ai toujours connu cantonné à des personnages de seconde zone, alors qu'ici il explose littéralement tout sur son chemin, interprétation parfaite d'un ouvrier agricole considéré comme l'idiot de la région qui se retrouve seul et paumé dans les rues de Paris suite à une mauvaise boutade de gens de son village. Un périple qui commencera dans les anciennes Halles de Paris, peu avant le transfert du marché vers Rungis : une vertu documentaire, donc, cette déambulation en ces lieux et premier contact avec la capitale pour le personnage.</p>
<p>Il y a aussi l'articulation vraiment bien foutue, un peu approximative mais toujours fluide, entre les différents personnages alors qu'il y en a une sacrée tripotée. Dans le village, le décor est planté avec <strong>Robert Dalban </strong>le maire et <strong>Bernadette Lafont </strong>sa fille, ainsi que quelques locaux ayant peu de considération pour celui que tous appellent le bredin, comme <strong>Jean Carmet</strong>. Côté ville, c'est là que l'activité s'accélère : le premier vrai contact se fait avec <strong>Bernard Blier</strong>, propriétaire d'un commerce de viande en gros issu de l'Assistance publique qui prendra le héros sous son aile par solidarité entre orphelins — et accessoirement premier réceptacle des grandes tirades de <strong>Michel Audiard</strong>, plutôt en forme dans ce film, évitant les excès désagréables. Puis une série de seconds rôles délicieux emplissent l'espace, <strong>Dany Carrel </strong>dans le rôle de la prostituée qui rêve de campagne et qui donnera confiance à <strong>Lefebvre</strong>, et plein de rôles mineurs mais tout aussi réjouissants comme <strong>Paul Préboist </strong>en gardien de parc, <strong>Yves Robert </strong>en habitant lunaire, ou encore le tout jeune <strong>Pierre Richard </strong>en gendarme. Une comédie étonnamment plurielle, familiale et anar, tendre et acide, récit initiatique et ode à la verdure.</p>
<div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/img4.jpg" title="img4.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/idiot_a_paris/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-idiot-%C3%A0-Paris-de-Serge-Korber-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1322Notre pain quotidien, de King Vidor (1934)urn:md5:1efc2d669297045ce76e8276fe6a72002021-11-05T13:40:00+01:002021-11-05T16:54:10+01:00RenaudCinémaAgricultureBanqueCommunautéCommunismeEtats-UnisGrande DépressionKing VidorRuralité <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/notre_pain_quotidien/.notre_pain_quotidien_m.jpg" alt="notre_pain_quotidien.jpg, oct. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Don't worry Mary. I know things are hard now but we'll make it in the end."<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>J'aime beaucoup comment le film peut se diviser en deux composantes très antagonistes au regard de leurs effets : le côté très collectiviste du propos, qui plus est pour une production américaine (on imagine sans peine l'étendue des difficultés de <strong>King Vidor</strong> pour trouver un financement, dans un film qui en plus n'est pas très aimable à l'égard des banques), avec cette célébration joyeuse du bien commun, du sens du partage et des bienfaits de la cohésion de groupe ; mais aussi la dimension tragiquement unilatérale de tous les personnages, pétrifiés dans leur absence de psychologie, formant un décorum très bisounours dans lequel il suffit de dire "c'est pas bien" pour que les méchants changent d'avis et se rachètent instantanément une conscience. Malgré tout une œuvre compagnon de l'adaptation de <strong>John Ford </strong>des <ins>Raisins de la colère</ins> (1940 quand même, donc 6 ans plus tard), dans la catégorie portrait des déshérités de la Grande Dépression.</p>
<p>C'est d'ailleurs un des points forts du film : l'image qu'il renvoie de l'époque de la Dépression, vue depuis l'ère du New Deal. La vision que propose <strong>Vidor </strong>est incroyablement dépourvue de complexité, et si on compare son film à n'importe quel équivalent du côté soviétique de l'époque (type <strong>Dovjenko</strong>, <strong>Kalatazov</strong>, <strong>Barnet </strong>ou <strong>Eisenstein</strong>), on ne peut pas dire qu'elle lui soit très favorable. On est donc assez proche de cet état d'esprit d'exode des citadins vers les campagnes, couplé à une dénonciation des abus des banques et de l'égoïsme de la classe dominante. Le style n'est pas totalement nouveau pour <strong>Vidor</strong> mais tout de même, on atteint ici un niveau d'utopisme et d'optimisme franchement déconcertant, à faire pâlir les plus grands adorateurs de l'idéologie survivaliste collectiviste et autonome. <strong>Vidor </strong>nous fait une sorte de kolkhoze sur le sol américain, sous la forme d'une coopérative agricole où tout le monde a sa place, qu'il soit croque-mort ou violoniste. Autant dire qu'on se situe à un niveau de complexité très peu élevé. Pour compléter le tableau, il faut tout de même ajouter que <ins>Notre pain quotidien</ins> sort une quinzaine d'année avant <ins>Le Rebelle</ins>, adaptation d'un roman d'<strong>Ayn Rand </strong>qui célèbrera quant à lui un individualisme jusqu'au-boutiste : une bien étrange juxtaposition.</p>
<p>En revanche j'ai beaucoup apprécié les élans lyriques du film qui se font encore plus fort dans le dernier segment, dans une allusion probablement biblique qui m'échappe : tout le travail pour construire un canal d'irrigation et dévier un cours d'eau jusqu'aux champs de maïs souffrant de la sécheresse est assez fantastique. Même s'il ne faut pas oublier qu'il y a derrière une célébration du travail (en commun, certes), inclination déjà un peu plus étatsunienne, l'arrivée salvatrice de l'eau quasi-purificatrice vient un peut atténuer le versant "tout le monde il est gentil" du film. Mais quand même : cet optimisme hystérique laisse pantois.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/notre_pain_quotidien/.arbre_m.jpg" alt="arbre.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/notre_pain_quotidien/.arrivee_m.jpg" alt="arrivee.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/notre_pain_quotidien/.champ_m.jpg" alt="champ.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/notre_pain_quotidien/.discussion_m.jpg" alt="discussion.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/notre_pain_quotidien/.pont_m.jpg" alt="pont.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/notre_pain_quotidien/.travaux_m.jpg" alt="travaux.jpg, oct. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Notre-pain-quotidien-de-King-Vidor-1934#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1009Les Bêtes, de Ariane Doublet (2001)urn:md5:d9f9745657e6d7f7beef240fc8e20f342021-10-17T22:33:00+02:002021-10-18T09:30:41+02:00RenaudCinémaAgricultureAnimalDocumentaireElevageRuralitéVacheVétérinaire <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.betes_m.jpg" alt="betes.jpg, oct. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Quel métier !"</strong></ins></span></div>
<p>Le plan initial donne le ton : on y voit un vétérinaire derrière une vache, en pleine fouille, un bras enfoncé jusqu'à l'épaule dans le cul de l'animal (il se trouve que chez la vache, l’éloignement des ovaires correspond exactement à la dimension d'un bras d'homme ; chez l'éléphant, les dimensions tombent un peu moins bien), l'autre tenant un portable afin de régler un détail administratif en lien avec son cabinet. "Quel métier !", dit-il pour conclure la séquence, et en effet, on ne peut qu'éprouver une compassion sans borne à l'égard de ces quatre vétérinaires qui sillonnent une région rurale normande. Le documentaire d'<strong>Ariane Doublet</strong>, s'il ne prétend à aucun esthétisme de la belle image (ici provenant d'une caméra amateur peu gracieuse), ne s'interdit pas un certain travail de composition pour mettre en valeur, par le cadre, un certain nombre d'actions opérées par ces professionnels — faisant notamment intervenir des bovins. Mais c'est surtout en termes de montage, simple mais efficace, que la réalisatrice s'amuse à alterner entre vie semi-citadine et vie agricole, d'un côté pour soigner les petits bobos d'un chien ou d'un chat et de l'autre pour gérer un prolapsus utérin faisant suite à une mise-bas. Deux mètres d'organes en dehors de l'animal, ce n'est pas rien.</p>
<p>Très clairement <ins>Les Bêtes</ins> n'est pas un documentaire à recommander largement, car c'est le genre de témoignage qui passionnera les personnes ayant une inclination pour la chose paysanne, pour les bizarreries du monde agricole (et ses contrastes avec l'urbain), mais qui laissera les autres dans l'indifférence, très probablement. De mon côté je trouve cela plutôt fascinant, et la malice de <strong>Doublet </strong>à opposer délicatement les deux mondes comme le jour et la nuit, l'affection très forte des propriétaires d'animaux de compagnie et le détachement minimum nécessaire d'un éleveur vis-à-vis de son troupeau (ce qui n'interdit pas une affection différente), est un vrai régal.</p>
<p>Certaines répliques sont vraiment collector. Le vétérinaire souffle dans les naseaux d'un veau nouveau-né pour libérer les voies respiratoires et crache, avant que l'éleveur ne lui réplique "c'est moins bon que le whisky ça !". Un éleveur au sujet d'une brebis mourante : "on peut la récupérer ?", le véto, hésitant quant au sens de la récupération, comprenant enfin : "ah vous voulez la manger ? oui oui vous pouvez" pour terminer quelques secondes plus tard "j'ai jamais vu ça, des intestins dehors comme ça". Au sujet d'un chien ayant avalé une aiguille à tricoter : "y'a du fil bleu madame", et après avoir sorti l'objet "ah non mais je comprends pas, j'ai pas cousu avec du fil bleu".</p>
<p>Fin des années 1990 / début des années 2000 obligent, le spectre de la vache folle est partout en arrière-plan, conduisant à des abatages obligatoires malgré l'absence de cas avéré dans la région à ce moment-là. La modernité des élevages intensifs rôde également dans les parages. Mais c'est naturellement la diversité tragicomique des situations qui prend le dessus, le matin dans un cabinet d'un blanc immaculé pour retirer un caillou de l'estomac d'un chien et l'après-midi dans une ferme souillée de bouses pour réaliser une échographie in utero d'une charolaise sous la pluie. Notons tout de même qu'il faut avoir l'estomac bien accroché car certaines séquences sont assez crues (mais sans aucune forme d'excès) : l'incision d'une vingtaine de centimètres sur le flanc d'une vache tout à fait consciente, debout et relativement calme, pour aller se balader dans ses intestins à plusieurs bras, ne laissera pas indifférent. Quel métier...</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.chien_m.jpg" alt="chien.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.frontale_m.jpg" alt="frontale.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.operation_m.jpg" alt="operation.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.radio_m.jpg" alt="radio.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.retournement_m.jpg" alt="retournement.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.telephone_m.jpg" alt="telephone.jpg, oct. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Betes-de-Ariane-Doublet-2001#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1012Symphonie paysanne, de Henri Storck (1944)urn:md5:d026b0c5790287e6ef3ac8145f9752042021-03-27T19:24:00+01:002021-03-27T19:25:05+01:00RenaudCinémaAgricultureAnimalDocumentaireFauchageLyrismePaysanRuralitéTerre <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.symphonie_paysanne_m.jpg" alt="symphonie_paysanne.jpg, mar. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Poème pastoral sous l'Occupation<br /></strong></ins></span></div>
<p><strong>Henri Storck </strong>vise assez nettement une forme de lyrisme pastoral en structurant sa <ins>Symphonie paysanne</ins> en 4 ou 5 mouvements, quatre saisons et un mariage paysan. En partant du printemps et en progressant jusqu'à l'hiver, c'est tout le cycle de l'agriculture et de la paysannerie qui se déroule doucement, non sans un certain didactisme pesant qui s'empresse de décrire minutieusement tout ce qui se passe à l'écran. Non pas que les commentaires soient invariablement superflus, mais on peut aisément imaginer une version allégée qui aurait laissé un peu plus de place à la pure poésie graphique. Et ce d'autant plus que le son n'est pas en prise directe, que la voix off est collée a posteriori, et qu'on ne sera pas amené à "rencontrer" les principaux intéressés qui défilent devant la caméra.</p>
<p>Ah, c'était l'époque où à chaque problème répondait une solution technique ou une promesse de solution technique, qu'elle soit chimique ou mécanique. Les machines balbutiantes facilitent déjà grandement le travail des paysans (en faisant passer le temps de fauchage de l'hectare de trois jours à trois heures, par exemple), il y a de la "graisse de chat" (j'ai eu un peu peur, mais c'est parce que je ne connaissais pas cette appellation de la lanoline) pour les crevasses des mains lorsqu'il faut travailler la terre gelée en hiver, et pour lutter contre l'invasion de doryphores on pouvait à l'époque se contenter d'épandre... de l'arsenic.</p>
<p>Une sacrée époque transparaît de ce documentaire tourné entre 1942 et 1944, embrassant tout de même très joliment les rituels paysans au rythme des saisons — et des paysans, donc. Un poème tourné vers la terre, avec un petit "côté carte postale pour citadin", et assorti d'une variation sur le thème de la vie et la mort, avec la passation en fin de film entre un père mourant et le fils. Il évoque autant les animaux que les plantes et céréales, reléguant à de nombreuses occasions l'humain en arrière-plan. De cette poésie du réel émerge une filiation naturelle avec les travaux de <strong>Flaherty </strong>puis <strong>Epstein</strong>, dans un contexte toutefois bien différent, l'agriculture française en 1944... Le printemps avec la naissance des poulains et le travail de sols ; l'été avec la récolte des céréales et la fenaison pour nourrir les animaux ; l'automne avec le battage, la récolte des patates et des betteraves dans le vent et la pluie ; l'hiver avec le froid qui enveloppe le tout.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.soleil_m.jpg" alt="soleil.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.foin_m.jpg" alt="foin.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.champ_m.jpg" alt="champ.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.arbre_m.jpg" alt="arbre.jpg, mar. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Symphonie-paysanne-de-Henri-Storck-1944#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/934L'Arbre aux sabots, de Ermanno Olmi (1978)urn:md5:df34c6a317e59622570336c4786c5d6c2020-06-25T16:57:00+02:002020-06-25T18:15:06+02:00RenaudCinémaAgricultureErmanno OlmiItalieNaturalismePaysanReligionRuralitéTerreVieillesse <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>
Chroniques paysannes
</strong></ins></span></div>
<p>C'est la mort de sa grand-mère, au milieu des années 60, et surtout des notes de ses grands-parents sur lesquelles il tomba en 1976 qui poussa <strong>Ermanno Olmi </strong>à écrire et réécrire le sujet de <ins>L'Arbre aux sabots</ins>, chronique paysanne d’une petite communauté de Bergame à la fin du 19ème siècle. Cette dimension personnelle est sans doute à l'origine de plusieurs dispositions (à commencer par le choix du lieu et des acteurs non-professionnels) qui contribuent à faire de ces trois heures une fresque intimiste aussi intense. Comme si le témoignage de ces quatre familles de métayers, dans leur environnement, avec le régisseur et le prêtre qui rôdent dans les parages, se faisait de manière simple et naturelle, comme s'il s'agissait d'un documentaire, sans effort, sans accroc. En ce sens (et en ce sens uniquement) pas si éloigné de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Emploi-de-Ermanno-Olmi-1961"><ins>L'Emploi</ins></a> ou <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Fiances-de-Ermanno-Olmi-1963"><ins>Les Fiancés</ins></a>. Comme un cousin italien éloigné des films et séries <ins>Heimat</ins> de <strong>Edgar Reitz</strong>, croisé avec le vieux couple décrit dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Cousin-Jules-de-Dominique-Benicheti-1972"><ins>Le Cousin Jules</ins></a> ou les portraits de <strong>Depardon </strong>dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Profils-Paysans-par-Raymond-Depardon-2000-2004-et-2008"><ins>Profils paysans</ins></a>.</p>
<p>Une grande ferme en métairie exploitée par des familles de paysans pauvres, entre l’automne 1887 et l’été 1898, et c’est à peu près tout, sur le papier. <strong>Olmi </strong>tisse avec une grande sobriété le fil de leurs histoires presque indépendantes, reliées par le lieu et leur condition mais avec très peu d’interactions entre les quatre groupes. Mais sobriété ne signifie pas sécheresse émotionnelle ici, bien au contraire : derrière le parti pris de sa reconstitution minutieuse, et au-delà de ses détails techniques (dialecte bergamasque, activités agricoles, objets du quotidien paysan, rapport à l’animal), il se dégage de cette chronique une grande sensibilité et une grande justesse sur des thèmes variés (les liens familiaux, l’importance première du travail, la présence de la religion). La marque de l’attachement d’<strong>Olmi </strong>pour cette réalité perdue, comme s’il cherchait à en raviver les souvenirs tout en maintenant une forme supérieure de pudeur pour décrire cette condition paysanne. Il dira à propos du film "si j'insiste sur une certaine tendresse, c'est parce que les sentiments sont, pour les pauvres, le seul patrimoine".</p>
<p>Ainsi passe le temps et défilent les saisons, dans un cadre magnifiquement photographié, selon quelques arcs narratifs croisés au montage, avec le travail communautaire en perspective omniprésente : l’épluchage et égrainage des épis de maïs qui ont séché pendant tout l’automne, la mise à mort et la préparation du cochon sous la neige pour Noël, la plantation des semis de tomates à proximité de la grange dont la chaleur des pierres assurera une récolte précoce, ou encore des événements familiaux comme un mariage et une naissance. Cette année passe avec une douceur paradoxale et une tranquillité étonnante, sans nier la dureté de certains aspects, le long d’un chemin partagé entre sa tendance documentaire et ses élans de poésie pragmatique. La séquence où le père d’un enfant qui a cassé son sabot lui en fabrique un nouveau en secret, pendant que le reste de la famille prie, à partir d’un bois qu’il est allé lui-même (outrepassant ses droits de simple exploité) couper chez le propriétaire, est d’une rare émotion. L’espace d’un instant, on fait abstraction des lourdes conséquences.</p>
<p><ins>L'Arbre aux sabots</ins> trouve un autre équilibre dans l’expression de la communauté, avec d’un côté un sentiment d’appartenance imposé par la promiscuité et l’isolement de la ferme, et de l’autre une série d’actes égoïstes (à l’image du secret pour faire pousser les tomates avant celles des voisins, ou encore la séquence géniale où le père Finard trouve une pièce d’or en plein meeting socialiste, le sourire aux lèvres et en pouffant, avant de le cacher sous le sabot d’un cheval) guidés avant tout par la situation de survie. Tous sont sujets aux prélèvements réguliers du régisseur dont l’injustice restera en toile de fond, tous partagent le même rapport à la nature fertile, tous partagent des moments intimes de rassemblement pour des veillées nocturnes, des services religieux et diverses tâches ménagères. La dernière séquence, dans laquelle une famille est chassée de chez elle et quitte la ferme dans la nuit noire, sous le regard des autres familles rassemblées dehors, rappelle aussi leur état de dépendance et leur injustice commune.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_01_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_01.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_02_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_02.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_03_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_03.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_04_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_04.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_05_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_05.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_06_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_06.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_07_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_07.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_08_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_08.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_09_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_09.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_10_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_10.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_11_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_11.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_12_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_12.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_13_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_13.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_14_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_14.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_15_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_15.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_16_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_16.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_17_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_17.jpg, juin 2020" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Arbre-aux-sabots-de-Ermanno-Olmi-1978#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/792Ravioli, la boîte à rêves, de Katja Gauriloff (2012)urn:md5:4f657c07fd8ec3716cd4b29b7d66aa2c2020-06-06T17:16:00+02:002020-06-14T11:29:48+02:00RenaudCinémaAgricultureAlimentationBrésilDocumentaireFinlandeFrancePolognePortugalRoumanieViande <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.ravioli_la_boite_a_reve_m.jpg" alt="ravioli_la_boite_a_reve.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Boîtes de Pandore à l'huile d'olive</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>Ravioli, la boîte à rêves</ins> : avec un titre pareil, on s'attend à un documentaire (potentiellement militant) sur la fabrication des raviolis en boîte. Sauf que c'est le titre international de cette coproduction à dominance finlandaise, "Canned Dreams", qui en annonce le mieux le contenu : si on navigue à travers 8 pays aux 4 coins du monde pour remonter à la source des matières premières qui constituent les raviolis et leur emballage, ce n'est pas tant pour ramener des images d'une mine brésilienne ou d'un élevage porcin danois. Il y a bien comme toile de fond des champs, des poulaillers, des abattoirs (à réserver à un public averti, à ce titre, même si <strong>Katja Gauriloff </strong>prend le soin de ne pas verser dans la provocation gratuite du choc graphique des entrailles ensanglantées) et des industries diverses, mais ce qui est mis sur le devant de la scène, très étonnamment, ce sont ces "rêves en boîte", ces bouts d'existence glanés au détour des lieux de travail plus ou moins conventionnels. Des instantanés d'ouvriers avec leurs lubies, leurs peurs, leur passé, leurs obsessions, leurs aspirations, explorés en voix off tandis que défilent les images de leur activité professionnelle, dans un même mouvement. De quoi suggérer qu'il y a bien plus que de la viande, du blé, des œufs et de l'huile d'olive dans ces boîtes de conserve.</p>
<p>Point de départ : une mine de fer et d'aluminium au Brésil, dans laquelle travaille une femme. Elle nous raconte très brièvement sa situation de mère de 12 enfants et l'absolue nécessité pécuniaire, même dérisoire, de son travail. C'est le métal qu'elle récolte à ciel ouvert, aux côtés d'une pelle mécanique, qui servira à fabriquer les boîtes de conserve à destination entre autres du marché européen. Point d'arrivée : un supermarché finlandais avec les fameux raviolis en conserve, fabrication française à partir d'ingrédients en provenance du Danemark, du Portugal, de Roumanie, et de Pologne. Entre les deux, une certaine idée du rêve européen.</p>
<p>Des bouts de réalité extrêmement pragmatiques, souvent très durs (c'est d'ailleurs un reproche qu'on pourrait formuler à l'encontre de cette sélection opérée au montage), accompagnés de sons de circonstance, forment un tissu totalement fortuit, à la lisière du rêve éveillé. Comme un songe mélancolique sur l'humanité laborieuse. Derrière le résultat de chaînes industrielles, on trouve des singularités. Derrière les éleveurs, les agriculteurs, et la horde de travailleurs dont on pourrait retrouver la photo formatée sur l'emballage de tel ou tel produit, il y a des histoires fort déroutantes. Ce jeune éleveur légèrement handicapé qui est empli d'amour pour ses cochons mais qui rêve de trouver une petite amie, cette vieille ramasseuse de tomates qui espère tenir bon jusqu'à ce que sa fille atteigne l'université qu'elle-même n'a pas pu atteindre elle-même, et surtout cet ouvrier patibulaire d'un abattoir polonais, rongé par l'infidélité de sa femme, qui ne pense qu'à une chose : couper les couilles de l'amant. Et tel que c'est montré, aussi surprenant que ça puisse paraître, c'est fascinant.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.portugal_m.png" alt="portugal.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.cochons_m.png" alt="cochons.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.usine_m.png" alt="usine.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.finlande_m.png" alt="finlande.png, juin 2020" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Ravioli-la-boite-a-reves-de-Katja-Gauriloff-2012#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/786Les Petites Fugues, de Yves Yersin (1979)urn:md5:1864b030c5f7997ba62be4ec469d8c1f2019-11-03T17:39:00+01:002019-11-03T17:41:58+01:00RenaudCinémaAgricultureAliénationEmancipationPaysanPoésieRuralitéSolitudeVieillesse <div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.petites_fugues_m.jpg" alt="petites_fugues.jpg, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.petites_fugues_B_m.jpg" alt="petites_fugues_B.jpg, nov. 2019" title="Les petites fugues, Affiche" />
</strong></ins></span>
</div>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Y'a qu'des cailloux !"</strong></ins></span>
</div>
<p>Une exploitation agricole familiale, avec ses champs de céréales, ses vergers, ses granges et ses habitations. Du fumier, des bottes de foin, des mobylettes appelées "vélos", des tracteurs. Des petits-déjeuners très matinaux pris sur la toile cirée, des pompes à gasoil actionnées manuellement, des tourne-disques portatifs pour diffuser la musique d'un 45 tours à l'ombre d'un pommier. Dans ce microcosme rural s'agite une famille élargie composée d'un couple d'agriculteurs un peu âgés, un fils qui souhaiterait moderniser l'entreprise contre l'avis de son père, une fille et son enfant dont on ne connaîtra pas le père, et deux personnes extérieures au cercle familial direct, un travailleur italien et un vieux valet de ferme, Pipe, qui a sans doute travaillé dans cette ferme toute sa vie. On est en Suisse, dans le canton de Vaud non loin de Lausanne, mais à quelques expressions idiomatiques près, en mettant le Mont Cervin de côté, cela pourrait être dans n'importe quelle campagne française dans les années 70.</p>
<p>Dans sa composante documentaire, <ins>Les Petites Fugues</ins> rappelle instantanément le cinéma de <strong>Depardon </strong>lorsqu'il avait embarqué sa caméra à l'intérieur des maisons de quelques agriculteurs peu loquaces dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Profils-Paysans-par-Raymond-Depardon-2000-2004-et-2008">Profils paysans</a></ins>. Son élan contemplatif très puissant, justifiant une durée assez conséquente, convoque plutôt <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Cousin-Jules-de-Dominique-Benicheti-1972"><ins>Le Cousin Jules</ins></a> de <strong>Dominique Benicheti</strong>. Mais ce qu'on ne voit pas venir, c'est le soupçon de poésie comique, tantôt burlesque, tantôt mélancolique, qui accompagne chacune des petites virées de Pipe — qui donnent au film son très beau titre. Dans ces moments-là proches de la comédie digne du muet, le protagoniste interprété par <strong>Michel Robin </strong>(âgé de 49 ans à l'époque, mais en paraissant 70) s'affiche en descendant de <strong>Tati</strong>, empreint d'une incroyable malice. Le travail sur le son souligne encore davantage ce rapprochement.</p>
<p>Sauf qu'on va bien plus loin que cela. Ça avait commencé avec l’acquisition d’une mobylette, grâce à son premier pécule touché pour sa retraite : l'apprentissage de la conduite lui a fait prendre goût aux escapades, petit à petit, et la figure de ce grand corps vouté et maladroit sur un vélomoteur constitue à elle seule un magnifique tableau. Chaque nouvelle petite échappée l'éloigne un peu plus de son travail, au grand dam de son patron, pour le rapprocher de l'oisiveté qu'appelle sa retraite. En filigrane s'écrit une histoire d'émancipation, chaotique et touchante. De manière plus ou moins consciente, pour échapper aux tensions de la ferme et à l'ennui qui guette, il parcourt les plaines et les montagnes, là où le vent le mène. Un planeur le mènera tout en haut de la vallée, mais il finira aussi par se retrouver au milieu d'un concours de motocross, fin saoul, dans un décor renvoyant un sentiment d'étrangeté aussi fort que celui de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Knightriders-de-George-A-Romero-1981"><ins>Knightriders</ins></a> de <strong>Romero </strong>avec ses chevaliers-motards.</p>
<p>Même dans les moments les plus difficiles, le ton reste cependant d'une parfaite bonhomie. Il n'y a pas une once de violence, et il en résulte une atmosphère presque merveilleuse, d'une beauté bucolique simple et directe d'où émerge parfois, certes, quelques soucis financiers ou familiaux. Mais la contemplation reste de mise. Il y a bien des ruptures de ton, mais elles accompagnent parfaitement Pipe dans son cheminement : l'incendie de son vélo suite à une virée trop alcoolisée, par exemple, marquera le début d'une nouvelle phase. Ses facéties s'expriment alors dans l'utilisation d'un appareil photo, séquence franchement réjouissante. Son émancipation le conduira jusqu'au sommet du Cervin, en hélicoptère, qui se conclura toutefois par une désillusion très amère : "Y'a qu'des cailloux !". Le bonheur, il le trouvera finalement dans la photo, avec la ferme et le fumier comme sujets de prédilection. Toutes ces parenthèses poétiques dans un cadre quasi ethnographique forment un portrait complexe, composé de mouvements contraires, entre aspirations émancipatrices et conditions aliénantes d'enfermement. Une chose est sûre : on n'oubliera pas la bouille de <strong>Michel Robin </strong>dans ce film.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.mobylette_m.png" alt="mobylette.png, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.lavage_m.png" alt="lavage.png, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.the_m.png" alt="the.png, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.table_m.png" alt="table.png, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.photo_m.png" alt="photo.png, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/petites_fugues/.tracteur_m.png" alt="tracteur.png, nov. 2019" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Petites-Fugues-de-Yves-Yersin-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/716