Je m'attarde - Mot-clé - Cécité le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearSalt and Fire, de Werner Herzog (2016)urn:md5:f96f098717e7e60e98b681ba094e75672018-02-05T11:13:00+01:002018-02-05T11:36:52+01:00RenaudCinémaBolivieCécitéGael García BernalMichael ShannonSalar de UyuniVolcanWerner Herzog <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salt_and_fire/.salt_and_fire_m.jpg" alt="salt_and_fire.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="salt_and_fire.jpg, fév. 2018" /><div id="centrage">
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Signes de vie dans un cœur de pierre<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Quelle drôle d'expérience que celle qui consiste à parcourir la filmographie de <strong>Herzog </strong>par les deux bouts, avec d'un côté ses expérimentations totalement barjots des années 70 qu'il empile les unes après les autres comme les pierres fondatrices d'un ensemble extrêmement cohérent, et de l'autre des délires américains comme ce <ins>Salt and Fire</ins> sorti d'on ne sait trop où... Un sacré contraste.</p>
<p>Il y a tellement de choses qui sonnent faux, au niveau de l'interprétation et de certains éléments narratifs particulièrement artificiels... Et pourtant l'ensemble demeure à mes yeux très intrigant, inattendu, parfaitement et délicieusement incongru. Rien d'étonnant à ce que <strong>Herzog </strong>ait fini par atterrir en Bolivie dans le désert de sel d'Uyuní : un terrain de jeu pour lui, dans de telles conditions inhospitalières et de telles étendues paradoxalement magnifiques, à 4000 mètres d'altitude, rappelant par certains aspects son <ins>Fata Morgana</ins> en Afrique. On reconnaît aussi très bien son dernier mouvement, fauteuil roulant lancé vers l'horizon inutile. Mais j'ai du mal à comprendre comment une telle maladresse (si c'est ce dont il s'agit) est parvenue à s'insinuer jusque dans les strates profondes du récit parfois improbable et des dialogues souvent ampoulés. Rarement <strong>Michael Shannon </strong>aura été autant à côté de la plaque dans son rôle de PDG-terroriste, avec des tirades beaucoup trop sérieuses comme "<em>la vérité est la seule fille du temps</em>". Je n'y ai jamais cru.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salt_and_fire/.shannon_m.jpg" alt="shannon.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="shannon.jpg, fév. 2018" /></p>
<p>C'est bien simple, je ne peux m'empêcher de penser que quelque chose m'échappe et qu'il y a autre chose au-delà de ce plaidoyer écologique (sans pour autant nier son importance). Tout le discours sur la nécessité du changement de perspective, à grand renfort de peintures par anamorphose qui ne peuvent être saisies que sous certains angles ou dans certaines conditions particulières, me semble à des années-lumière du rapport qu'il entretenait jadis avec la frontière de la perception séparant les différentes interprétations du réel. La réalité n'existe pas en tant que telle, en une seule version des faits, cela faisait longtemps qu'on l'a compris chez <strong>Herzog</strong>. Non, il doit y avoir quelque chose au-delà de cette prise de conscience imposée, de ces chiffres qui ne se suffisent évidemment pas à eux-mêmes, de cette expérience humaine vécue de force pour accélérer la résistance. La dimension explicite jusqu'à l'écœurement paraît très nettement excessive, de manière presque volontaire, comme si elle renfermait autre chose.</p>
<p>Pourtant, le <strong>Herzog </strong>que j'aime beaucoup revient par la fenêtre : c'est notamment le cas à travers les personnages des deux enfants à la limite de la cécité. C'est un sujet d'étude qui relève presque du cas d'école dans son univers... Atahualpa et Huascar seront bientôt rendus aveugles par l'activité humaine et l'environnement rendu impur : de futurs inadaptés, des <strong>Bruno S.</strong> (cf. <ins>La Ballade de Bruno</ins> ou <ins>Bruno S. - Estrangement is death</ins>) en puissance, des <strong>Fini Straubinger </strong>(lire le billet de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Au-pays-du-silence-et-de-l-obscurite-de-Werner-Herzog-1971"><ins>Au pays du silence et de l'obscurité</ins></a>) en apprentissage. Mais avait-on besoin d'une telle image, en les utilisant dans cette sorte de rapprochement et de partage entre les êtres, par-delà la part incompressible d'incommunicabilité ? <strong>Herzog </strong>surprend, dans tous les sens du terme, avec d'un côté une histoire relativement fade (à commencer par le flashback) et de l'autre une dose d'incongruité extrêmement attachante. La musique est particulièrement étonnante tant elle détonne dans ce contexte de prise d'otage, avec une clarinette toute en dissonance, participant à la dimension irréelle de l'ensemble. La liberté globale au niveau du style est très appréciable, mais on est en droit de se demander si tous les flottements du film s'expliquent exclusivement par ce biais.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salt_and_fire/.salar_m.png" alt="salar.png" title="salar.png, fév. 2018" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salt_and_fire/.enfants_m.jpg" alt="enfants.jpg" title="enfants.jpg, fév. 2018" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Salt-and-Fire-de-Werner-Herzog-2016#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/486Au pays du silence et de l'obscurité, de Werner Herzog (1971)urn:md5:403f53a790914abf268f5bbecd452f762016-06-02T10:31:00+02:002016-06-02T09:40:28+02:00RenaudCinémaAllemagneCommunicationCécitéDocumentaireSurditéWerner Herzog <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/au_pays_du_silence_et_de_l_obscurite/.au_pays_du_silence_et_de_l_obscurite_m.jpg" alt="au_pays_du_silence_et_de_l_obscurite.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="au_pays_du_silence_et_de_l_obscurite.jpg, juin 2016" />
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>De l'ombre à la lumière<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p>En se concentrant uniquement sur ses premiers travaux, du milieu des années 60 à 1971, on peut déjà commencer à dégager une constante chez <strong>Werner Herzog</strong>, du côté documentaire. Il a une façon de filmer absolument indirecte, un effet résultant qui dépasse largement la somme des causes et des choses qui sont montrées à l'écran. Ici, quand on arrive à la fin du documentaire consacré à des personnes sourdes et aveugles, <strong>Herzog </strong>a construit ou plutôt reconstruit un univers tellement singulier, immersif, et pertinent, qu'on reste médusé devant cet homme qui enlace un arbre tout en devinant parfaitement la sensation incroyable qu'il est en train d'éprouver.</p>
<p>Mais pour en arriver là, <ins>Le Pays du silence et de l'obscurité</ins> emprunte le même chemin que Fini Straubinger, une vieille dame sourde et aveugle qui a pu entendre et voir dans son enfance. C'est par son intermédiaire qu'on pénètre dans l'univers fascinant de ses semblables et des éducateurs qui tentent de les aider. Force est de constater qu'il s'agit là d'un combat acharné, tant le handicap peut présenter des obstacles immenses en terme de communication et de comportement, en sachant qu'il semble y avoir autant de manifestations différentes que de sujets. Mais <strong>Herzog </strong>ne s'intéresse absolument pas au regard de la société ici, comme dans son précédent documentaire <ins>Avenir Handicapé</ins> : ce sont de toute façon des êtres éperdument seuls, isolés, incapables pour la plupart de se montrer en public.</p>
<p><img title="fini.jpg, juin 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="fini.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/au_pays_du_silence_et_de_l_obscurite/.fini_m.jpg" /></p>
<p>Non, ici, le regard est centré sur l'exploration du handicap, sur l'éveil aux autres sens, sur les prémices de modes de communication alternatifs : une paume sur laquelle on épelle les mots, une gorge sur laquelle on pose la main pour sentir les vibrations, autant de liens infimes et intimes qui les relient entre eux et au monde extérieur. Le toucher devient une nécessité, un sens qu'il faut développer, et <strong>Herzog </strong>rend parfaitement intelligible, via le travail incroyable de Fini, la problématique d'une communauté et de ses membres qui n'ont même pas conscience d'y appartenir. Naturellement, puisque leur vie n'est que solitude et isolation, loin du regard des autres... Et Fini n'aura de cesse de les tirer hors de leur monde silencieux et obscur.</p>
<p>Mieux encore, on parvient à entrevoir, grâce aux différents échanges et exemples, à quoi ressemble un monde pour qui les notions de parole et de vue n'existent tout simplement pas. En multipliant les cas de figure, les manifestations du handicap, les réactions à des perturbations extérieures (l'eau d'une douche ou d'une piscine, la fourrure d'un animal sauvage, mais aussi la rencontre avec une personne pareillement handicapée après des dizaines d'années d'isolation), l'image finale de l'homme en contact avec un arbre, son tronc, ses branches, son écorce et ses feuilles prend tout son sens. Ces moments d'ouverture et de communication avec le monde extérieur, ainsi que le chemin qu'il a fallu parcourir pour y parvenir, sont une magnifique illustration de leur émancipation. On se doute bien qu'on n'arrive à capter qu'une quantité infinitésimale de leur bonheur, mais la beauté du geste et ces visages qui s'illuminent soudainement sont inoubliables.</p>
<p><strong>Herzog </strong>a vraiment un talent hors du commun pour choisir et exploiter ses sujets.</p>
<p><img title="cactus.jpg, juin 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="cactus.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/au_pays_du_silence_et_de_l_obscurite/.cactus_m.jpg" /></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Au-pays-du-silence-et-de-l-obscurite-de-Werner-Herzog-1971#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/324