Je m'attarde - Mot-clé - Exploration le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearPamir (Pamir, krisha mira / Roof of the world), de Vladimir Erofeyev (1928)urn:md5:c356ef1a5dc34b996b936abb17cf61622024-02-28T10:22:00+01:002024-02-28T10:25:01+01:00RenaudCinémaAllemagneCartographieDocumentaireEthnologieExplorationMontagneNeigeRussieScienceTadjikistan <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/pamir.jpg" title="pamir.jpg, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.pamir_m.jpg" alt="pamir.jpg, févr. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Exploration précoce au Tadjikistan</strong></ins></span>
</div>
<p>De vieilles bobines abîmées par le temps agrémentées d'une piste sonore dissonante et anachronique qui vaut le détour pour la rareté du matériau autant que pour le sujet : une expédition russe et allemande montée pour aller explorer le massif alors inexploré du Pamir, point culminant de l'Union soviétique situé à l'est de l'actuel Tadjikistan ayant des ramifications jusqu'en Afghanistan, en Chine et au Kirghizistan. Le but de cette mission scientifique était de cartographier la région mais aussi de tenter l'ascension des sommets locaux (des cols à près de 6000 mètres d'altitude et des pics au-delà de 7000 mètres). Une très belle vieillerie à réserver toutefois aux amateurs de pépites antiques récemment déterrées.</p>
<p>Comme de nombreux documentaires de l'époque, au hasard <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924">L'Épopée de l'Everest</a></ins> de <ins>J. B. L. Noel</ins> (1924), une bonne partie est consacrée à une sorte d'étude ethnographique des populations locales croisées en chemin, tandis que l'expédition traverse rivières, montagnes et glaciers. De longs moments sont ainsi dédiés aux coutumes et à l'artisanat des groupes d'agriculteurs et d'éleveurs observés en toute sérénité, de la pratique de religions à la consommation d'opium. On devine ainsi la diversité de la mission qui comptait dans ses rangs des géologues, des ethnographes, des cinéastes, des alpinistes et divers chercheurs issus d'autres disciplines variées. Dans le style des documentaires d'exploration aux pôles comme <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">South</a></ins> de <strong>Frank Hurley</strong> (1919), le projet de l'exploration est présenté à l'aide d'une carte animée montrant les lieux traversés ainsi que la trajectoire prévue (et souvent adaptée aux imprévus), de Moscou jusqu'en Asie centrale, avec pour objectif l'établissement d'un camp de base à Och, au Kirghizistan actuel.</p>
<p>Une partie essentielle de ces voyages antédiluviens porte sur les préparatifs et les moyens de locomotion des vivres (à l'image de la très bonne série documentaire récente <ins>L'incroyable périple de Magellan</ins>), c'est-à-dire ici les centaines de chevaux et de chameaux réquisitionnés pour l'occasion. La partie ethnographique la plus saisissante est probablement celle qui s'intéresse à une tribu kirghize nomade et ses moyens de subsistance — essentiellement de la fabrication de produits laitiers à base de lait de chèvre et de jument, mais aussi la confection de vêtements ou la construction de yourtes, une communauté vivant en parfaite autonomie. À cette époque où la terre n'était pas cartographiée par satellite, ces gens partaient pendant des mois pour découvrir de nouveaux glaciers, s'improvisaient orpailleurs à 5000 mètres d'altitude, et partaient à la rencontre de populations sur lesquelles ils n'avaient aucune information a priori. </p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img1.png" title="img1.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img1_m.png" alt="img1.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img2.png" title="img2.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img2_m.png" alt="img2.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img3.png" title="img3.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img3_m.png" alt="img3.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img4.png" title="img4.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img4_m.png" alt="img4.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img5.png" title="img5.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img5_m.png" alt="img5.png, févr. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Pamir-de-Vladimir-Erofeyev-1928#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1359Quand on eut mangé le dernier chien, de Justine Niogret (2023)urn:md5:45701e7129dc7b798a5939a8437551ba2024-01-21T01:38:00+00:002024-01-23T20:13:46+00:00GillesLectureAntartiqueChienExplorationGlacierGéologiePôle SudScienceSurvie <p><img class="media-center" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.Quand-on-eut-mange-le-dernier-chien-Justine-Niogret_m.jpg" alt="" /></p>
<p>L'Antartique n'est pas une terre glacée étrangère en ces pages. Plusieurs fois <em>Renaud </em>s'est attardé sur les explorations britanniques et australiennes entre 1910 et 1917 à la conquête du <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?tag/Pôle Sud">Pôle Sud</a>, et il y a de quoi être médusé par la course que ces forcenés ont conduit. En marge de cette course acharnée, les trois protagonistes de l'histoire qui nous est racontée par <strong>Justine Niogret</strong> débarquent avec plusieurs autres membres de l’équipage du navire <em>L‘Aurora</em> en Janvier 1912 dans la<span> <em>baie du Commonwealth</em>.<br /></span></p>
<p>Ce petit roman aux chapitres ciselés retrace ainsi le périple du géologue australien <strong>Douglas Mawson</strong>. Ce scientifique n'en est pas à sa première expédition sur le continent blanc lorsque le 10 Novembre 1912, il part du <em>Cape Denison</em> accompagné de l'alpiniste suisse <strong>Xavier Mertz</strong> et du lieutenant anglais <strong>Belgrave Ninnis</strong> avec dix-sept chiens et deux traîneaux pour cartographier une partie inexplorée du sixième continent.</p>
<p>La part psychologique affleure avec une subtilité remarquable, brossant une amitié en construction dans des dialogues d'une authenticité palpable entre ces trois explorateurs. Les chiens - <em>des Groenlandais </em>- y tiennent une place centrale évidemment. Ce récit à l'écriture acérée parvient à atteindre sans y toucher des tonalités fantastiques lorsque ces hommes sont soumis à rudes épreuves, éprouvant leur abnégation physique et mentale à des niveaux extrêmes. C'est aussi la plongée au cœur de la psyché d'un survivant, perdu au milieu d'une immensité blanche qui se moque bien des existences humaines. </p>
<p>En résumé, <strong>Justine Niogret </strong>nous offre une œuvre littéraire à couper le souffle, à l'exception du blizzard. Ses notes en postface témoignent de l'ambition clairement atteinte !</p>
<blockquote><p>L'histoire écrite ici est-elle vraie? Oui.<br />L'histoire écrite ici est-elle vraie jusque dans les moindres détails? Non.<br />Ce récit est un récit d'héroisme, profond, humain, chaleureux: du moins, il tente de l'être.<br />Il nous a semblé que l'important était là. Ce récit est un récit d'ascèse et, tout comme Mawson l'a fait de son paquetage, nous avons mis de côté tout ce qui pouvait l'alourdir. La volonté de Mawson, son amitié pour ses deux compagnons ont la rigueur d'une lame de couteau. Il nous a semblé que l'affûter n'était pas hors de propos, bien au contraire.<br />Ce récit est le fruit de plusieurs années de travail strict. Si l'on y décèle une inexactitude, qu'on la pardonne au mieux. Il se voudrait le serviteur de cet héroïsme et, comme tout serviteur, il oublie parfois les défauts, légers, de ceux qu'il veut mettre en valeur. Qu'on lui pardonne aussi cette indulgence.</p>
</blockquote>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Quand-on-eut-mange-le-dernier-chien-de-Justine-Niogret-2023#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1341Les Rendez-vous du diable, de Haroun Tazieff (1959)urn:md5:afcaa41b840e8c8c422763058ba96dd62023-05-31T10:17:00+02:002023-05-31T09:19:49+02:00RenaudCinémaDocumentaireExplorationHaroun TazieffIndonésieItalieJaponPhilippinesPortugalSalvadorVolcanWerner Herzog <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/rendez-vous_du_diable.jpg" alt="rendez-vous_du_diable.jpg, avr. 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Conquête du volcanique</strong></ins></span>
</div>
<p>Aussi attachant que cabossé, ce premier long-métrage de <strong>Haroun Tazieff </strong>est une pépite documentaire qu'on croirait extraite avec difficulté des pentes graveleuses remplies de scories d'un volcan. La seule copie disponible aujourd'hui est une version de 45 minutes (l'originale est censée en durer 80) doublée en italien, avec pas mal de bouts de pellicules abîmés, tant au niveau du son que de l'image. Mais peu importe, quand on aime ce genre de voyage : c'est parti pour un tour d'horizon des connaissances en volcanologie à la fin des années 50, en passant par l'Europe, l'Indonésie, l'Afrique, et l'Amérique du Sud. L'objectif est souvent le même : s'approcher aussi près que possible des cratères et des éruptions, un peu comme <strong>Katia </strong>et <strong>Maurice Krafft</strong>, tel qu'en parlait <strong>Herzog </strong>récemment dans <ins>Au cœur des volcans</ins>.</p>
<p>À titre personnel il faut toujours que je fasse abstraction de <strong>Desproges </strong>et de ses "Trous Fumants", une intervention radio dans laquelle il se moquait gentiment du volcanologue et le comparait au <strong>Cousteau </strong>du dramatique <ins>Monde du silence</ins> — ce dernier, sorti en 1956, aurait d'ailleurs inspiré <strong>Tazieff</strong> pour son film.</p>
<p>On visite ainsi le Sakurajima et l'Aso-San au Japon, le Taal aux Philippines, l'Anak Krakatoa, le Sumbing et le Mérapi en Indonésie, l'Izalco au Salvador, le Stromboli et l'Etna en Italie, et enfin le Faïal au Portugal. Parti en exploration aux quatre coins du monde avec <strong>Pierre Bichet</strong>, peintre et accessoirement spéléologue, il sillonna la planète entre 1955 et 1957 et monta les images collectées un peu partout pour créer <ins>Les Rendez-vous du Diable</ins>. Le résultat est une collection de séquences assez insolites, un tour du monde des volcans actifs ou éteints et de leur exploration, avec tout ce que les marches d'approche peuvent comporter comme difficultés (épreuves d'escalade, dangers divers). Des éruptions de lave, de cendres et de fumées, caractérisées par leur apparente (et bien sûr fausse) lenteur typique, des coulées se transformant en amas de pierre : on navigue d'un volcan à l'autre entre des succès et des échecs relatifs, sans que les objectifs scientifiques ne soient toujours clairs, avec une certaine redondance dans les descriptions, mais au creux d'un spectacle visuel d'autant plus fascinant qu'on a l'impression d'accéder à des images un peu magiques, de par leur rareté (que ce soit le contenu du documentaire ou la pellicule physique elle-même).</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img8_m.jpg" alt="img8.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img9_m.jpg" alt="img9.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img10_m.jpg" alt="img10.jpg, avr. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rendez-vous_du_diable/.img11_m.jpg" alt="img11.jpg, avr. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Rendez-vous-du-diable-de-Haroun-Tazieff-1959#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1155L'Odyssée de l'Endurance, de Ernest Shackleton (1919)urn:md5:846c3e15ee9da6d10f0608a1979a7adf2023-03-29T21:28:00+02:002023-03-29T21:28:00+02:00RenaudLectureAccidentAntartiqueAventuresExplorationGlacierNeigePremière Guerre mondialePôle SudSauvetage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/odyssee_de_l-endurance/.odyssee_de_l-endurance_m.jpg" alt="odyssee_de_l-endurance.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"We failed to reach the South Pole. I turned back. I chose life over death for myself and for my friends, which is why I am here to tell you about it tonight."</strong></ins></span>
</div>
<p>Les deux grandes aventures exploratoires britanniques au pôle Sud qui ont marqué le début du XXe siècle ont été racontées dans deux documentaires muets, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Eternel-Silence-de-Herbert-Ponting-1924">L'Éternel Silence</a></ins> (1924, sur l'expédition Terra Nova menée par le capitaine <strong>Robert Falcon Scott </strong>de 1910 à 1912 pour atteindre le pôle et devancée par celle de l'équipe norvégienne de <strong>Roald Amundsen</strong>) et <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">South</a></ins> (1919). Dans le prolongement de ce dernier, <ins>L'Odyssée de l'Endurance</ins> est le récit autobiographique de l'explorateur <strong>Ernest Shackleton </strong>au sujet d'une autre mission magnifiquement et doublement ratée, de 1914 à 1917 : elle était composée de deux bateaux, l'Endurance (en partance des îles de Géorgie du Sud) censé déposer une équipée sur la côte nord du continent Antarctique pour une traversée en traîneau de mer à mer, et l'Aurora (en partance de la Nouvelle-Zélande) censé déposer des vivres sur le trajet de l'autre mission en partant du sud.</p>
<p>Et ce fut un véritable fiasco, autant l'Endurance que l'Aurora subirent les pires intempéries imaginables sous ces latitudes. Jamais l'Endurance n'accéda ne serait-ce qu'au point de départ de l'expédition sur la neige ferme, le bateau s'étant retrouvé prisonnier des glaces de mer (les fameux "packs" qui peuvent immobiliser un navire en une nuit et le broyer à petit feu) dans des conditions extrêmes (on parle de températures inférieures à -45°, des vents violents à plus de 200 km/h en rafales, des blizzards vecteurs d'engelures profondes et de gangrène, avec tous les risques sanitaires comme le scorbut). Jamais les dépôts de vivres et de matériel de l'Aurora ne servirent à quiconque, en conséquence, et à la différence de l'équipage de <strong>Shackleton</strong>, plusieurs personnes périrent sur la banquise dans des conditions assez dramatiques.</p>
<p>Mais <ins>L'Odyssée de l'Endurance</ins> parvient tout de même à trouver les ressources pour raconter, dans la douleur, l'histoire d'une exploration ratée transformée en une mission de sauvetage réussie, et ce d'autant plus que l'épopée a atteint des sommets de rocambolesque qui n'ont rien à envier à la fiction.</p>
<p>Il faut quand même relever un obstacle majeur à l'immersion dans le récit de <strong>Shackleton </strong>: la profusion de détails techniques sur la météo, sur l'état de la mer, sur l'orientation des différentes embarcations, sur l'horaire et les durées d'une multitude d'événements, et tout un tas d'éléments particulièrement accessoires qui rendent souvent pénible la lecture, à l'instar des cinquante premières pages essentiellement constituées d'observations sur la navigation entre la Géorgie du Sud et la banquise du pôle Sud. <strong>Shackleton </strong>ne brille pas par sa plume dans ces moments-là malheureusement assez nombreux.</p>
<p>Cela n'enlève en rien au grandiose de l'expédition et au caractère littéralement héroïque des 28 naufragés qui ont survécu pendant près de deux ans isolés sur un bout de glace, avec un stock de nourriture et de combustible extrêmement limité, vêtus d'une unique tenue et pourvus d'un unique sac de couchage. Inutile de préciser que le gore-tex n'existait pas à l'époque... Le sauvetage se déroula en plusieurs temps : d'abord, la dérive vers l'île de l'Éléphant pour établir un camp de fortune, puis un voyage en canot en équipe réduite de plus d'un millier de kilomètres (avec de grosses frayeurs : "<em>À minuit, j'étais au gouvernail. Soudain, vers le sud, m'apparut une ligne claire dans le ciel. J'en prévins les autres ; puis, après un instant, je compris que la clarté en question n'était pas un reflet dans les nuages, mais la crête blanche d'une énorme vague ! Après vingt-six ans de navigation, je connaissais l'océan dans toutes ses humeurs, mais jamais je n'avais rencontré sur ma route une vague aussi gigantesque. C'était un puissant soulèvement qui n'avait rien de commun avec les hautes lames coiffées de blanc, nos ennemies inlassables</em>") pour atteindre le sud de la Géorgie du Sud, la traversée de cette île à travers les glaciers et les crevasses digne d'une expédition d'alpinisme pour accéder au nord et surtout au point de rassemblement des baleiniers, pour finalement tenter de nombreuses missions de sauvetage (beaucoup de bateaux furent mobilisés sans succès) et récupérer le groupe resté coincé depuis 22 mois. Fatalement, au moment des retrouvailles, il y eut quelques difficultés à reconnaître un compagnon débarrassé de ses longs cheveux, de sa barbe, de sa crasse et de ses vêtements de gueux : "<em>Chose curieuse, ils ne reconnurent pas Worsley ; le bandit sale et chevelu qu'ils avaient quitté revenait pimpant et rasé. Ils le prenaient pour un des baleiniers. Soudain ils comprirent qu'ils parlaient à celui qui, pendant un an et demi, avait été leur plus proche compagnon</em>". Une part importante du plaisir tient en outre à la description des conditions de survie des différents groupes, il est passionnant d'apprendre comment ces hommes ont su gérer les stocks, réduire les rations, et rationaliser l'accès aux ressources. Vraiment incroyable comment des léopards de mer, des manchots, et mêmes parfois des oiseaux comme les albatros constituaient une source de provisions (viande pour l'alimentation et graisse pour l'entretien du feu) indispensable.</p>
<p>Ironie de l'histoire jusqu'au bout, l'équipage découvrit en renouant avec l'humanité en 1917 que la Première Guerre mondiale n'était pas terminée (une des raisons qui complexifia la mission de sauvetage) : tous furent impliqués d'une certaine manière et certains y moururent. <strong>Shackleton</strong>, c'est une part du mythe non-vérifiée, aurait recruté l'essentiel de l'équipage en ayant rédigé l'annonce suivante : "<em>Men Wanted for hazardous journey. Small wages, bitter cold, long months of complete darkness, constant danger, safe return doubtful. Honour and recognition in case of success</em>". Il n'y avait résolument pas tromperie sur la marchandise.</p>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/south/trajet.png" title="trajet.png, août 2017"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/south/.trajet_m.png" alt="trajet.png, août 2017" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a>
<div id="centrage"> <em>Clic clic clic pour agrandir !</em>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Odyssee-de-l-Endurance-de-Ernest-Shackleton-1919#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1151L'Éternel Silence, de Herbert Ponting (1924)urn:md5:5d695269cd3c90a85312574fea042dca2021-06-26T19:09:00+02:002021-06-28T11:53:22+02:00RenaudCinémaAntartiqueAventuresCinéma muetDocumentaireExplorationNeigePôle SudRevisionnage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.eternel_silence_m.jpg" alt="eternel_silence.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="eternel_silence.jpg, oct. 2017" />
<div id="centrage">
<p><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"It is a terrible disappointment and I am very sorry for my loyal companions. Great God! This is an awful place."<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><em>Première publication le 11-10-2017.</em></p>
<p><ins>L'Éternel Silence</ins> est un autre récit de voyage au Pôle Sud, une autre échappée documentaire vielle de cent ans, une autre expédition britannique magnifiquement ratée, racontée depuis l'intérieur de l'aventure à l'aide des différents appareils du photographe <strong>Herbert Ponting </strong>tout comme <strong>Frank Hurley</strong>, un autre photographe anglais, l'avait fait dans <ins>South</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">lire le billet</a>) quelques années auparavant. Si ce dernier film sortit en 1919, il contait les exploits nuancés de la troupe réunie autour de <strong>Ernest Shackleton</strong> pour une mission en Antarctique baptisée "Endurance" qui dura de 1914 à 1917. Le présent documentaire, bien que sorti 5 ans plus tard en 1924, s'attachait à décrire une autre expédition, "Terra Nova", menée par le Capitaine <strong>Robert Falcon Scott </strong>de 1910 à 1912 et donc antérieure dans les faits à celle précédemment évoquée. Cette mission constituait les premiers pas britanniques au véritable Pôle Sud, en janvier 1912... tandis que le noyau dur de l'expédition découvrait avec stupeur, sur place, que l'équipe norvégienne de <strong>Roald Amundsen </strong>les avait devancés de près d'un mois. "<em>It is a terrible disappointment and I am very sorry for my loyal companions... Great God! this is an awful place.</em>" peut-on lire dans ses carnets à ce sujet. Un coup du sort dont ils ne se remettront pas, les 5 membres de cette équipe réduite n'ayant jamais réussi à retrouver le camp de base, prisonniers des tempêtes exceptionnelles cet hiver-là, morts de faim et de froid à seulement quelques kilomètres d'un point de ravitaillement qu'ils n'auront jamais réussi à localiser. Le final puissamment tragique de <ins>L'Éternel Silence</ins>, en ce sens, est beaucoup plus proche d'un autre récit d'aventures sorti la même année : <ins>L'Epopée de l'Everest</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924">lire le billet</a>), de <strong>J.B.L. Noel</strong>, qui racontait la fin non moins tragique des deux alpinistes britanniques <strong>George Mallory </strong>et <strong>Andrew Irvine </strong>en haut de l'Himalaya.</p>
<p>Le schéma suivant, comportant les données cartographiques actuelles dont ne bénéficiait évidemment pas l'expédition à l'époque, résume la dernière partie de leur périple (<em>cliquer sur l'image pour l'agrandir</em>).</p>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/map.png" title="map.png"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.map_m.png" alt="map.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="map.png, oct. 2017" /></a>
<p>Les images de <strong>Herbert Ponting </strong>constituent un document précieux du début du XXe siècle et permettent, à travers le faisceau de tous les autres documentaires cités précédemment, de donner une idée plurielle de la course à l'exploration qui motivait l'époque et des risques notables qu'ont pu prendre les citoyens de l'Empire britannique pour tenter d'en asseoir la suprématie. De nombreux extraits du journal de bord de <strong>Scott </strong>abondent dans ce sens, en soulignant la recherche de la gloire et des honneurs à mettre au compte de la couronne. Ses toutes dernières notes, datées du 29 mars 1912, sont par ailleurs poignantes :
</p>
<blockquote><p>"Had we lived, I should have had a tale to tell of the hardihood, endurance and courage of my companions. These rough notes and our dead bodies must tell the tale."</p>
</blockquote>
<blockquote><p>"Every day we have been ready to start for our depot 11 miles away, but outside the door of the tent it remains a scene of whirling drift. I do not think we can hope for any better things now. We shall stick it out to the end, but we are getting weaker, of course, and the end cannot be far. It seems a pity but I do not think I can write more.<br /><br />R. Scott.<br /><br />For God's sake look after our people."</p>
</blockquote>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.pole_sud_m.jpg" alt="pole_sud.JPG" style="margin: 0 auto; display: block;" title="pole_sud.JPG, oct. 2017" />Exactement comme son compatriote <strong>Hurley</strong>, <strong>Ponting </strong>insiste sur la nature scientifique de la mission à un moment donné du documentaire, alors que l'expédition atteignait le rivage de la l'Île de Ross. Une longue séquence (plus longue que celle de <ins>South</ins>, et non dénuée d'un certain anthropomorphisme presque touchant) est ainsi consacrée à des observations d'ordre géologique et zoologique, décrivant les modes de vie d'animaux tels que des orques, des manchots Adélie (avec ici aussi, étonnamment, une référence à <strong>Chaplin</strong>), des Skua antarctiques, des phoques de Weddell. C'était la première fois qu'une caméra atteignait le continent antarctique et ces images revêtaient sans aucun doute un intérêt capital.</p>
<p><strong>Ponting </strong>accompagna <strong>Scott </strong>depuis la Nouvelle-Zélande jusqu'en Antarctique mais pas dans la dernière partie (fatale) de l'expédition jusqu'au Pôle Sud à proprement parler : il se contente ici de raconter l'épopée des cinq aventuriers malchanceux à l'aide de quelques schémas et du journal retrouvé bien plus tard. Exactement comme dans <ins>L'Épopée de l'Everest</ins>, il capte dans un élan mélancolique évident les derniers instants filmés des explorateurs en vie, en direction de leur but, saluant la caméra, tout sourire, avant de s'enfoncer dans le brouillard polaire.</p>
<p>Le reste du documentaire présente les aspects "classiques" et non moins intéressants de l'expédition, de sa préparation (avec notamment un bestiaire composé de chiens et de... poneys sibériens) à la découverte des premiers icebergs. Les images de la coque du navire déchirant la banquise sont saisissantes, et leur obtention (à l'aide d'une plateforme accrochée sur le côté, à l'avant du bateau) a elle aussi été mise en scène pour montrer l'investissement acharné de <strong>Ponting </strong>dans sa tâche. En outre, un peu comme <strong>Robert Flaherty</strong> avec un igloo dans <ins>Nanouk l'esquimau</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nanouk-l-Esquimau-de-Robert-Flaherty-1922">lire le billet</a>), <strong>Ponting </strong>a glissé sa caméra à l'intérieur d'une tente pour observer les conditions de vie spartiates de l'expédition finale : comment s'habiller, se déshabiller, cuisiner, et dormir dans un espace réduit et par des températures glaciales inimaginables.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.diner_m.jpg" alt="diner.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="diner.jpg, oct. 2017" /></p>
<p>En quittant la Nouvelle-Zélande au tout début de la mission, le capitaine <strong>Scott </strong>était conscient qu'une autre expédition concurrente, norvégienne, avait pour objectif identique la conquête du Pôle Sud : l'amertume qui se dégage de ses écrits, alors qu'il découvre la tente d'<strong>Amundsen </strong>à l'emplacement exact qui était censé marquer la victoire du courage et de la supériorité britannique, est immense. Elle nous parvient intacte, semble-t-il, cent ans plus tard.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.ponting_m.jpg" alt="ponting.jpg" title="ponting.jpg, oct. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.scott_m.jpg" alt="scott.jpg" title="scott.jpg, oct. 2017" />
<br />
<em>Le photographe <strong>Herbert Ponting</strong> et l'officier de la Royal Navy <strong>Robert Falcon Scott</strong>.</em>
</div>
<hr />
<p><em>Seconde publication le 26-06-2021.</em></p>
<p>Le cadre : l'âge héroïque de l'exploration en Antarctique (situé entre 1895 et 1922), que l'on compara à la course à l'espace dans les années 1960 qui se termina par l'alunissage le lundi 21 juillet 1969 au cours de la mission Apollo 11. On rejoint <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Rencontres-au-bout-du-monde-de-Werner-Herzog-2007"><ins>Rencontres au bout du monde</ins></a> de <strong>Werner Herzog</strong> (2007), en visite chez les pensionnaires de la base américaine McMurdo, en Antarctique.</p>
<p><strong>Robert Falcon Scott</strong>, un officier de la Royal Navy, est le leader de l'expédition Terra Nova menée entre 1910 et 1913 qui devait atteindre le pôle Sud. <strong>Scott </strong>a mené auparavant l'expédition Discovery en Antarctique de 1901 à 1904, pour explorer le littoral antarctique. Lorsqu'il quitte les côtes néozélandaises en 1910, il sait qu'une expédition norvégienne concurrente est également en lice, menée par l'explorateur <strong>Roald Amundsen </strong>— qui lui aussi disparaîtra (mais beaucoup plus tard, en juin 1928) en participant à une mission de recherche et sauvetage en bordure de la mer de Norvège.</p>
<p>Beaucoup d'expéditions et de films qui explorent les limites du monde tel qu'on le connaissait à un moment donné :<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919"><ins>South</ins></a> (1919, <strong>Frank Hurley</strong>) : l'échec (sans aucun mort au demeurant) de l'expédition britannique Endurance, emmenée par <strong>Ernest Shackleton</strong>, au départ des Îles Sandwich du Sud et en direction du pôle Sud, de 1914 à 1917. <br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nanouk-l-Esquimau-de-Robert-Flaherty-1922"><ins>Nanouk l'Esquimau</ins></a> (1922, <strong>Robert Flaherty</strong>) : le mode de vie d'une famille Inuit de la région de Port Harrison sur la côte Est de la baie d'Hudson au Canada, d'après le récit de <strong>Flaherty </strong>qui commença son expédition en 1914 et ce pour plusieurs années.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924"><ins>L'Epopée de l'Everest</ins></a> (1924, <strong>J.B.L. Noel</strong>) : l'ascension de l'Everest par deux alpinistes britanniques, <strong>George Mallory </strong>et <strong>Andrew Irvine</strong>, en 1924, qui périrent dans les hauteurs enneigées.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Moana-de-Robert-J-Flaherty-1926"><ins> Moana</ins></a> (1926, <strong>Robert Flaherty</strong>) : <strong>Robert Flaherty </strong>et sa femme à la rencontre d'une tribu polynésienne, pendant deux ans sur une île de l'archipel des Samoa, au milieu des années 1920.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Expedition-du-Kon-Tiki-de-Thor-Heyerdahl-1950"><ins>L'Expédition du Kon-Tiki</ins></a> (1950, <strong>Thor Heyerdahl </strong>) : l'expédition du Kon-Tiki, vers l'archipel polynésien depuis le continent sud-américain en 1947, au cours de laquelle le biologiste <strong>Thor Heyerdahl </strong>souhaitait démontrer une théorie d'ordre anthropologique.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Moonwalk-One-de-Theo-Kamecke-1972"><ins> Moonwalk One</ins></a> (2014, <strong>Theo Kamecke</strong>) : l'histoire du vol d'Apollo 11, avec Armstrong, Collins et Aldrin, entre liturgie mystico-philosophique absconse sur le thème de l'exploration spatiale et description matérialiste de plusieurs aspects de la mission.</p>
<p>Les défauts : les séquences animalières, sans doute plus étonnantes à l'époque, sont beaucoup trop longues et constituent le ventre mou du film. Après les poneys sibériens et les chiens de traineau, les pingouins, les manchots, et même le saut de chat sur la neige. La musique, ajout de la restauration, est souvent abominable.</p>
<p>Les qualités : un film censé illustrer les talents exploratoires de l'empire britannique se transforme en un film testamentaire faisant l'éloge, par défaut, de la grandeur de l'âme britannique prête à tous les sacrifices. La beauté de l'échec est au moins aussi éloquente que la beauté des paysages glacés : il faut songer que sur une mission de trois ans, les deux camps opposés atteignirent le pôle Sud avec seulement 34 jours de différence, entre fin 1911 et début 1912. Les images du petit groupe de Terra Nova devant la tente de <strong>Amundsen </strong>et le drapeau norvégien valent tous les mélodrames de fiction. <strong>Amundsen</strong> qui déclarait à la même époque "<em>never underestimate the British habit of dying. The glory of self-sacrifice, the blessing of failure</em>"... Ce sont les toutes premières images ramenées de l'Antarctique. La visualisation de la carte de l’expédition, avec les différentes péripéties macabres sur le chemin retour, est d’un sens du dramatique vraiment très fort.</p>
<p><strong>Herbert Ponting </strong>ne semble pas intéressé par la dimension compétitive de l’entreprise : il filme la traversée de Nouvelle-Zélande vers l'Antarctique et le début de l'expédition, c’est tout. On voit des formations de glace telles des feuilles de nénuphar qui flottent à la surface avant de s'agglomérer. La sidération du spectateur dans les années 10 est sans doute semblable à celle du spectateur contemporain. Beaucoup de bébés pingouins et de phoques qui cassent la glace avec leurs dents, certes. Mais il y a de quoi être étonné par la rapidité et la réactivité du photographe qui utilise un matériel lourd et encombrant, en plus des conditions polaires glaciales qui rendent le travail sans doute très compliqué.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2b_bateau_m.jpg" alt="2b_bateau.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_debarquement_m.jpg" alt="2_debarquement.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2b_photo_m.jpg" alt="2b_photo.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_iceberg_m.jpg" alt="2_iceberg.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_poneys_m.jpg" alt="2_poneys.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_glace_m.jpg" alt="2_glace.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_derniere_image_m.jpg" alt="2_derniere_image.jpg, juin 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Eternel-Silence-de-Herbert-Ponting-1924#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/451L'Expédition du Kon-Tiki, de Thor Heyerdahl (1948)urn:md5:5b116495d093723c2ae675e65dc7ba412020-01-07T14:26:00+01:002020-01-07T14:26:00+01:00RenaudLectureAmérique du SudAventuresBateauExplorationMarinNorvègeOcéan PacifiquePolynésiePérouWhisky <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.expedition_du_kon-tiki_m.jpg" alt="expedition_du_kon-tiki.jpg, janv. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Cent jours sur un radeau pour traverser le Pacifique</strong></ins></span>
</div>
<p>Le récit de l'expédition du Kon-Tiki écrit par <strong>Thor Heyerdahl</strong> en 1948, d'après les notes de son journal de bord, est un excellent complément au pendant cinématographique (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Expedition-du-Kon-Tiki-de-Thor-Heyerdahl-1950">lire le billet</a>) qui sortit 2 ans plus tard, sous le même nom. Les images de l'expédition maritime à travers l'Océan Pacifique viennent très agréablement illustrer la description factuelle des événements, et les détails du contexte historique, des préparatifs ou de l'état d'esprit du groupe complètent tout aussi agréablement le compte-rendu graphique. Deux approches différentes pour raconter un voyage un peu fou, initié par un pari en marge d'une réflexion scientifique : traverser l'océan du Pérou jusqu'en Polynésie, en passant près de l'île de Pâques, à bord d'un radeau construit selon un procédé fidèle à la civilisation inca. L'objectif de l'anthropologue et archéologue norvégien était de démontrer par l'expérience la validité de l'hypothèse selon laquelle les îles polynésiennes avaient pu être colonisées par des peuples sud-américains issus de l'ère précolombienne.</p>
<p>Le livre montre très bien comment le groupe d'apprentis explorateurs s'est constitué de manière chaotique autour de la personne de <strong>Heryerdahl</strong>, au gré du hasard et des rencontres fortuites. On réalise assez vite à quel point cette expédition s'avère dangereuse, avec 5 Norvégiens et 1 Suédois tous rigoureusement amateurs en matière de navigation (pour reproduire les conditions des apprentis marins incas), réunis en partie pour tenir tête à une communauté scientifique, décrite comme sceptique et méprisante, qui affirmait que la traversée du Pacifique sur un radeau rudimentaire était évidemment impossible. Peu importe si on sait aujourd'hui, grâce à des moyens plus performants, que les îles polynésiennes ont été peuplées par des cultures asiatiques : la beauté du geste, un peu comme une conquête de l'inutile chère à <strong>Herzog </strong>(<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Conquete-de-l-inutile-de-Werner-Herzog-2009">lire le billet</a>), reste entière.</p>
<p><strong>Heryerdahl</strong> n'est pas un poète ou un écrivain, limitant ainsi le récit à un style très pragmatique, sans envolée littéraire, et en quelque sorte conforme à l'expérience particulièrement dépouillée de cette aventure. Elle est racontée en 8 grands chapitres : une théorie, naissance d'une expédition, en Amérique du Sud, sur l'océan, à mi-chemin, le Pacifique traversé, arrivée aux îles, et avec les Polynésiens. Une grande partie est donc consacrée aux contours du voyage, tant du côté des longs préparatifs que des semaines passées sur une île inhabitée de l'autre côté de l'océan, à l'arrivée. Au départ, il y a les histoires racontées par un vieillard rencontré sur Fatuhiva, une île de la Polynésie française, avec toute une mythologie autour des dieux, des vents et des courants constituant les fondements d'une croyance sur l'origine du peuplement. L'idée d'une expédition sera ensuite partagée au Club des explorateurs, en étayant le faisceau d'indices (vestiges archéologiques, sculptures, traits culturels communs) accréditant la thèse d'une colonisation par une civilisation andine antérieure aux Incas, avant de rallier Washington pour discuter avec les diplomates de l'ONU et étudier l'équipement qui pourrait être chargé sur l'embarcation (au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de matériel militaire en était encore à un stade expérimental). Un long passage raconte les péripéties au fin fond de la jungle sud-américaine pour trouver les bons troncs de balsa, prendre un dernier bol d'air en haut d'une montagne et les pieds sur terre, échapper aux bandits et aux chasseurs de têtes, ramener le balsa coupé dans un chantier naval péruvien après avoir déposé un dossier de 12 kilos de paperasse au préalable, et enfin procéder à la construction (en n'utilisant que les matériaux et techniques disponibles à l'époque des Incas, naturellement). Viendra ensuite le temps de la navigation, après un départ mouvementé,
après un rendez-vous raté avec un avion censé les photographier en haute
mer : d'abord les angoisses, avec la lutte permanente contre des lames
de plus en plus grandes, l'eau qui imprègne les troncs, les frottements
des cordes contre le bois, et enfin le plaisir, la multitude de poissons
volants à côté desquels parfois ils se réveillent, la rencontre avec un
requin-baleine, le plus grand poisson actuellement sur Terre, et la contemplation quotidienne d'un horizon vierge et exaltant.</p>
<p>Une fois engagés dans la navigation loin des côtes, rassurés par la stabilité du Kon-Tiki face aux vagues et même aux tempêtes, l'océan devient pour eux un immense terrain de jeu. On adopte le rythme lent de la traversée, qui s'apparente enfin à une divagation paisible d'une centaine de jours sur plus de 8000 kilomètres. Avec leur perroquet et leur crabe adoptifs, ils optimisent la gestion de l'eau potable en mélangeant l'eau douce à un peu d'eau de mer, ils étudient le caractère comestible du plancton (le zooplancton phosphorescent étant beaucoup plus digeste que le phytoplancton), ils constatent l'apparition de fourmis logées au creux des troncs et réveillées par l'humidité, ils apprennent à reconnaître la faune d'une incroyable diversité qui passe sous le radeau (dorades, requins, pilotes, rémoras à ventouses, thons, bonites, pieuvres), ils captent de temps en temps un signal radio venu de l'autre bout de la planète. Quelques frayeurs se font sentir, lorsqu'une tempête vient sévèrement menacer l'intégrité du radeau pendant plusieurs jours consécutifs ou lorsqu'un homme tombe à la mer (il est impossible de faire machine arrière) après avoir glissé sur le pont. Mais ils arriveront tous au bout de leur voyage sains et saufs, avec une facilité (toute relative, sans aucun doute) vraiment étonnante.</p>
<p>Les derniers moments du voyage, lorsqu'ils aperçoivent pour la première fois depuis trois mois un petit bout de terre ferme (l'atoll de Puka Puka), sont tout aussi merveilleux que le reste. Le premier contact avec des indigènes, la dangerosité des récifs coralliens (baptisés le chaudron des sorcières) pourtant magnifiques, et enfin le naufrage à proprement parler au large d'une île déserte. Cette ultime robinsonnade, lorsqu'ils posent leurs pieds sur le sable d'une région paradisiaque et inhabitée, est un enchantement. Leur joie et leur émerveillement deviennent tangibles, comme si on était là avec eux pour célébrer leur réussite, au milieu de la fête improvisée par des Polynésiens.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.club_m.jpg" alt="club.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.balsa_m.jpg" alt="balsa.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.sur_le_bateau_m.jpg" alt="sur_le_bateau.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.construction_m.jpg" alt="construction.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.premiere_sortie_m.jpg" alt="premiere_sortie.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.dinghy_m.jpg" alt="dinghy.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.voile_m.jpg" alt="voile.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.arrivee_m.jpg" alt="arrivee.jpg, janv. 2020" /></div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Expedition-du-Kon-Tiki-de-Thor-Heyerdahl-1948#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/734The White Dawn, de Philip Kaufman (1974)urn:md5:1ccfc2546f1c0067ccbb96244352a6572019-10-29T12:37:00+01:002019-10-29T18:54:15+01:00RenaudCinémaArctiqueAventuresCanadaEsquimauxEthnologieExplorationInuitsNeigePôle NordRobert J. FlahertyWarren Oates <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/white_dawn/.white_dawn_m.jpg" alt="white_dawn.jpg, oct. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>White Light / White Heat </strong></ins></span>
</div>
<p><ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nanouk-l-Esquimau-de-Robert-Flaherty-1922">Nanouk l'Esquimau</a></ins>, le film de <strong>Robert Flaherty </strong>tourné en 1922 dans la baie d'Hudson au-delà du cercle polaire, est devenu au fil du temps un jalon essentiel du cinéma documentaire principalement pour deux raisons. Tout d'abord, il réalisait l'exploit de ramener des images d'un bout du monde largement méconnu à une époque (le début du XXe siècle) où la conquête des pôles était encore un enjeu majeur des empires, comme en témoignent les expéditions au Pôle Sud de <strong>Robert Falcon Scott </strong>(1910-1912, cf. le film <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Eternel-Silence-de-Herbert-Ponting-1924"><ins>L'Éternel Silence</ins></a>), <strong>Ernest Shackleton </strong>(1914-1917, cf. le film <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919"><ins>South</ins></a>) ou encore <strong>Roald Amundsen</strong> (1910-1912, arrivée au pôle à peine un mois avant l'expédition britannique de <strong>Scott</strong> et éclipsée par le magnifique échec de cette dernière). Ensuite, prouesse non moins incroyable, il posait le cadre d'un registre cinématographique considéré jusqu'alors comme inexistant, le documentaire, tout en témoignant une conscience aiguë de ses rouages et de ses limites — le fameux "<em>Sometimes you have to lie. One often has to distort a thing to catch its true spirit.</em>" Dans cette optique bien délimitée, <ins>The White Dawn</ins> constitue la troisième incursion cinématographique entièrement tournée dans ces régions reculées du cercle polaire, 50 ans plus tard, le second étant un obscur film de 1933, <ins>Eskimo</ins>, réalisé par <strong>W. S. Van Dyke</strong>. Le prologue tout en noir et blanc, sous forme de faux documentaire, invite tout particulièrement à considérer l'œuvre à l'aulne de ces quelques considérations.</p>
<p><strong>Philip Kaufman </strong>s'est donc imposé une contrainte très forte en allant chercher le réalisme très pragmatique d'une micro-société inuite, dans le but d'y injecter une trame fictionnelle située en 1896. Trois chasseurs de baleines se retrouvent coincés sur la banquise de l'Arctique suite à une avarie (dont le personnage de <strong>Warren Oates </strong>est à l'origine), et ces trois survivants ne devront leur salut qu'à l'aide d'Inuits rencontrés par hasard : l'occasion pour eux comme pour nous de pénétrer dans le microcosme de ce groupe social très particulier, et d'en découvrir progressivement les coutumes. Le respect de la langue inuite renforce grandement l'immersion, et le film est dans un premier temps entièrement tourné vers la découverte d'un mode de vie très singulier, sans aucune condescendance. C'est ainsi que l'on parcourt les rites de la communauté, en passant par la chasse au phoque, au morse et à l'ours polaire, par les déplacements géographiques au fil des saisons, par les incantations d'un shaman peu enchanté par la présence de ces étrangers (considéré comme des "dog children"), ou encore par une magnifique cérémonie à l'intérieur d'un igloo au cours de laquelle deux femmes inuites pratiquent un chant unique où chacune utilise le corps de l'autre comme un instrument de musique, en faisant vibrer ses cordes vocales en soufflant dans sa gorge. Cette dernière séquence, tout comme les sons qui sont produits par les deux femmes (un motif musical qui sera réutilisé par la suite), est très marquante.</p>
<p>
Puis <ins>The White Dawn</ins> met en exergue le choc des civilisations, une fois passée l'étape d'apprivoisement mutuel. Les manières européennes sont initialement appréciées pour leur côté folklorique, avec un effet miroir intéressant, avant que la corruption de cette culture jusqu'ici préservée ne fasse son œuvre. Le conflit entre les deux populations se traduit dans un premier temps à travers des tentatives de domination un peu mesquines de la part d'un invité, en profitant de la naïveté résultant de leur mode de vie : la scène des paris au lancer de couteau est emblématique de cette manipulation bon enfant de la part de <strong>Oates</strong>, qui finit malgré tout par céder son couteau au perdant (à qui il a subtilisé les deux filles, tout de même). Les trois personnages européens incarnent à ce titre trois facettes bien distinctes de la rencontre entre deux cultures, entre jouissance désintéressée, volonté d'intégration et position de retrait. C'est vers cette thématique que le film se déplace peu à peu, pour <em>in fine </em>en constituer le cœur de sa dernière partie, envahie par l'incompréhension de la majorité du groupe et par les conséquences tragiques de certains actes (le vol de nourriture, l'introduction de l'alcool). Mais c'est la simplicité des rapports qui prédomine, au-delà des difficultés de communication, et qui confère au film son atmosphère si spéciale, malgré tout, pendant un long moment. Comme beaucoup d'autres œuvres (il y aurait un joli corpus à faire), <ins>The White Dawn</ins> invite à dépasser les grilles de lecture classiques qui délimitent de manière trop confortable le bien et le mal, le civilisé et le sauvage, l'homme de lettres et le cannibale. Les monstres ne sont pas nécessairement ceux auxquels on pense de prime abord.
</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/white_dawn/.intro_m.jpg" alt="intro.jpg, oct. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/white_dawn/.barque_m.jpg" alt="barque.jpg, oct. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-White-Dawn-de-Philip-Kaufman-1974#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/715