Je m'attarde - Mot-clé - Fascisme le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearEnquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, de Elio Petri (1970)urn:md5:03dc16ad741d68a2b29965039ea544272019-08-30T15:00:00+02:002019-08-30T15:00:00+02:00RenaudCinémaElio PetriFascismeGian Maria VolontéGrotesqueItaliePolicePouvoirSubversion <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/enquete_sur_un_citoyen_au_dessus_de_tout_soupcon/.enquete_sur_un_citoyen_au_dessus_de_tout_soupcon_m.jpg" alt="enquete_sur_un_citoyen_au_dessus_de_tout_soupcon.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="enquete_sur_un_citoyen_au_dessus_de_tout_soupcon.jpg, juil. 2019" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"À d'autres, la tâche de guérir, d'éduquer. À nous, le devoir de réprimer !"</strong></ins></span>
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<p>Le fait que le film d'<strong>Elio Petri </strong>soit sorti la même année que celui réalisé par son compatriote <strong>Michelangelo Antonioni</strong>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Zabriskie-Point-de-Michelangelo-Antonioni-1970"><ins>Zabriskie Point</ins></a>, invite à les considérer comme les deux faces d'une même pièce. Même élan critique à l'orée des 70s, même volonté de verser dans l'outrance. La comparaison ne se poursuit pas beaucoup plus loin, étant données les différences gigantesques de style (que l'on pourrait presque résumer à <strong>Morricone </strong>d'un côté et <strong>Pink Floyd </strong>de l'autre) et de points focaux (la répression fasciste en Italie et la société de consommation aux États-Unis), mais il y a tout de même une certaine continuité dans ces excroissances subversives du cinéma italien de l'époque.</p>
<p><ins>Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon</ins> est avant tout le portrait d'un symbole, à tel point que le policier interprété par <strong>Gian Maria Volonté </strong>n'aura jamais de nom ni de prénom. Il s'agit d'une fonction plus que d'une personne, d'un archétype de l'autorité plus que de son bras armé. Une figure sans nom qui ne semble éprouver aucun doute, aucun remord : on comprend assez vite, après une délicieuse séquence d'introduction perverse (aux sens propre et figuré, de par la nature des jeux entre les amants et le contenu de l'action qui n'est pas immédiatement compréhensible), que l'inspecteur se perçoit comme un être supérieur tout-puissant et que personne n'aura ni l'audace ni l'intelligence de l'accuser de quoi que ce soit. Pétri de suffisance, ivre de pouvoir, lové dans son impunité. Il est tellement supérieur, il connaît tellement bien les rouages des institutions qu'il peut se permettre de semer comme bon lui semble des indices l'incriminant formellement avec la garantie de ne jamais être inquiété.</p>
<p>Pour décrire ce criminel profondément mégalomane, <strong>Petri </strong>use d'un style proche du grotesque, à travers le comportement du protagoniste mais aussi des cadrages très serrés, centrés sur les visages boursouflés, parfois en contre-plongée. On se croit régulièrement dans un western spaghetti à la <strong>Leone</strong>. Il ira jusqu'à vociférer, devant un parterre de policiers acquis à sa cause, "<em>Nous sommes les protecteurs de la loi, que nous voulons immuable, sculptée dans l'éternité ! Le peuple est mineur, la ville est malade. À d'autres, la tâche de guérir, d'éduquer. À nous, le devoir de réprimer ! La répression est notre vaccin. La répression est la civilisation !</em>". Et de terminer sur un "<em>N'applaudissez pas, je vous en prie. Soyons modestes... au travail.</em>"... Il n'y a pas de limite à la bêtise, et les excès ne connaissent aucune frontière. La citation finale entérine la dimension kafkaïenne de la fable, au terme d'un défilé de gradés qui renvoie plus au carnaval (certes terrifiant) qu'à la réunion administrative.</p>
<p>Plus on avance, et plus le jeu auquel s'adonne <strong>Gian Maria Volonté </strong>perd en maîtrise, en passant de la jouissance perverse et cynique au caprice d'enfant immature pris les doigts dans le pot à confiture. Après l'enivrement et le stupre, les sanglots dans les jupes de maman. On s'enferme alors (encore) dans une autre forme de grotesque, tout en étayant une autre partie du propos : le corps policier ne peut admettre aucun maillon faible, au risque de voir l'institution toute entière s'écrouler. Le statut de policier comme gage d'immoralité.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/enquete_sur_un_citoyen_au_dessus_de_tout_soupcon/.flic_m.jpg" alt="flic.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="flic.jpg, juil. 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Enquete-sur-un-citoyen-au-dessus-de-tout-soupcon-de-Elio-Petri-1970#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/672Hitler – Essai sur le charisme en politique, de Ian Kershaw (1991)urn:md5:f73119c967aca594e7e666ff6a3f0c222015-07-30T10:46:00+02:002015-07-30T09:54:17+02:00RenaudLectureAllemagneDominationFascismeHitlerPremière Guerre mondialeSeconde Guerre mondiale <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/hitler_essai_sur_le_charisme_en_politique/.Hitler_Essai_sur_le_charisme_en_politique_m.jpg" alt="Hitler_Essai_sur_le_charisme_en_politique.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Hitler_Essai_sur_le_charisme_en_politique.jpg, juil. 2015" />
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>La domination charismatique<br /></strong></ins></span></p>
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<p><strong>Ian Kershaw</strong>, très agréable à lire dans la traduction française, donne quelques clés pour comprendre ou mieux comprendre le caractère exceptionnel du pouvoir exercé par Hitler. Une synthèse englobant les 3 regards classiques qui sont souvent traités, à tort selon l'auteur, de manière indépendante : totalitarisme, fascisme, et hitlérisme.<br />
La conquête du pouvoir d'une part, et la répression grandissante une fois le pouvoir conquis d'autre part, sont deux parties particulièrement intéressantes, de la création d'un mouvement politique (ou pseudo-politique) au contrôle des masses et des élites (ou des masses par les élites), de l'atomisation de l'opposition à la subordination de la légalité à la volonté du Führer.</p>
<p>Basée sur la notion (empruntée à <strong>Max Weber</strong>) de "domination charismatique", cette analyse permet de lier entre elles différentes perspectives qui se complètent les unes les autres : les aspirations sociales de Hitler et de son entourage, la domination politique sous le 3ème Reich caractérisée par la manifestation singulière d'un pouvoir personnel, et la puissance destructrice (et auto-destructrice) du nazisme. Il est vraiment agréable de voir quelqu'un relier toutes ces idées entres elles pour essayer de former un tout cohérent.</p>
<p>Le pouvoir exercé par Hitler est décrit comme celui d'un leadership héroïque, avec des disciples, et en ce sens inconciliable avec un mode de gouvernement systématique. L'instabilité vient du fait que la survie d'un tel régime est entièrement tributaire de succès répétés et de la nécessité d'éviter toute forme de routine. Pour <strong>Kershaw</strong>, un tel régime est voué à l'échec sur le long terme, quelle que soit la configuration et la puissance des forces qui s'y opposent. Cet aspect est traité de manière peut-être un peu trop systématique, mais l'idée d'instabilité constitutive d'un régime se basant sur la domination charismatique est intéressante et correctement développée.</p>
<p>Le livre balaie principalement les années 30 et 40, plusieurs fois, avec plusieurs grilles de lectures, et avec une vision à la fois globale (stratégies nationales, contournement du traité de Versailles, défiance à l'égard de ses voisins européens) et locale (beaucoup de détails concernant la vie de Hitler, sa mentalité, son expérience lors de la première guerre mondiale, son obnubilation contre le judéo-bolchévisme, sa constante remise en jeux des acquis militaires en jouant des batailles géopolitiques et guerrières à "quitte ou double", en pariant sur la non-réaction du reste de l'Europe).<br />
Il y a une vraie progressivité dans le rapport qu'Hitler entretient avec les affaires courantes, les détails de la gestion d'un pays avant et pendant une guerre. Sa volonté de tout contrôler, d'être maître de la moindre décision à l'échelle de l'Allemagne, entre peu à peu en conflit avec sa profonde aversion pour les détails techniques, pour les problèmes d'organisation. C'est parce qu'il considère l'immense majorité de ses collaborateurs incompétents (il tient l'influence marxiste pour responsable de la déchéance intellectuelle de son peuple et de la défaite en 14-18) qu'il accumulera les responsabilités. Avec la responsabilité vient le stress, les premières erreurs stratégiques, sans jamais remettre en question ses propres choix (personne d'autre que lui n'aurait osé le faire, naturellement), même ceux qui se sont avérés objectivement catastrophiques.</p>
<p>Peut-être un peu osé de dire que tout était joué dès la fin de 1941, et que le reste de la guerre ne fut "que" un certain cheminement vers la solution finale, en sachant délibérément que tout le reste serait un échec. Pour <strong>Kershaw</strong>, la solution finale n'est d'ailleurs qu'une réponse pragmatique à un échec militaire en Russie, puisque le Führer comptait utiliser l'espace russe comme un espace vital au 3ème Reich, en termes de ressources mais aussi en termes de déportation, pour y entreposer les indésirables (juifs et autres) comme on entrepose des marchandises indésirables.</p>
<p>Une lecture très enrichissante, surtout si on la rapproche du livre de <strong>Keynes </strong>à la sortie de la Première Guerre Mondiale ("<ins>Les Conséquences économiques de la paix</ins>") qui s'inquiétait des possibles répercussions d'un traité de Versailles trop contraignant. <strong>Keynes </strong>s'est peut-être planté en termes de vitesse de réarmement de l'Allemagne (elle a rompu les termes du traité en prenant de court une Europe en proie à des dissensions et des crises diverses), mais pas en termes de crise économique que le pays traversa pour rembourser les vainqueurs. L'humiliation vécue par ce peuple fut effectivement le terreau fertile d'un horrible nationalisme (qui exista sous différentes formes avant la victoire du nazisme), et conduisit ou participa à conduire, dès 1933, Hitler au pouvoir. Chaque déconvenue politique (censure, prison, interdiction de prise de parole en public) semble avoir été pour lui une source de motivation supplémentaire pour continuer dans sa logique, dans sa pensée développée dès 1925, date de parution du premier tome de Mein Kampf. On ne peut qu'être attristé voire écœuré par l'attitude des élites et autres forces politiques alors en présence, s’accommodant du nazisme par opportunisme, en pensant qu'il ne s'agissait que d'un mouvement passager et nécessaire, une situation qui pourrait malgré tout s'avérer profitable.</p>
<p>Autre parallèle intéressant, la lecture du témoignage de <strong>Guy Sajer </strong>depuis l'intérieur de l'armée allemande, "<ins>Le Soldat oublié</ins>" (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Soldat-Oublie-de-Guy-Sajer-1967">lire le billet</a>), qui donne une autre idée de l'influence d'Hitler sur les soldats engagés sur le front Est, lui qui pensait que l'URSS plierait sous l'offensive nazie en quelques mois mais qui fut, au contraire, le théâtre des pires échecs militaires.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Hitler-Essai-sur-le-charisme-en-politique-de-Ian-Kershaw-1991#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/286