Je m'attarde - Mot-clé - Guerre le temps d'un souffle<br />2024-03-29T14:52:11+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearCamp de Thiaroye, de Ousmane Sembène et Thierno Faty Sow (1988)urn:md5:c8b4550f783ed4c9398644e3b9b8da022024-01-25T10:51:00+01:002024-01-25T10:51:00+01:00RenaudCinémaAfriqueCamp de concentrationCensureColonialismeDakarGuerreHumiliationMassacreMutinerieOusmane SembèneRacismeSeconde Guerre mondialeSénégal <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/camp_de_thiaroye.jpg" title="camp_de_thiaroye.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/.camp_de_thiaroye_m.jpg" alt="camp_de_thiaroye.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Histoire d'un massacre</strong></ins></span>
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<p>Mon dernier rapport au cinéma sénégalais remontait au visionnage de <ins>Hyènes</ins> de <strong>Djibril Diop Mambety</strong>, et si seulement quelques années le séparent de <ins>Camp de Thiaroye</ins>, le style est diamétralement opposé. Un plaisir de découvrir, enfin, un film de <strong>Ousmane Sembène</strong>, en même temps que se dévoile le récit à caractère un minimum documentaire du massacre de Thiaroye, qui eut lieu dans un camp militaire de la périphérie de Dakar, au Sénégal, le 1er décembre 1944. Le contexte est tristement connu (récemment un film avec <strong>Omar Sy</strong> traitait ce sujet) : des tirailleurs sénégalais récemment rapatriés, anciens prisonniers de la Seconde Guerre mondiale ayant connu les camps de concentration, manifestaient pour le paiement de leurs indemnités et le versement du pécule qui leur était promis depuis des mois. Le différend s'est soldé par un bain de sang du côté des manifestants sénégalais. Autant dire qu'on ne se situe pas dans le segment le plus reluisant de l'histoire de France et de son passé colonial, et que le film fut l'objet de censure pendant une dizaine d'années.</p>
<p>Le massacre sera le point de chute du film, au terme d'un long voyage et d'un long déroulé des événements précédents sur près de 2h30. Le style de <strong>Sembène </strong>est un peu rêche, notamment en termes d'interprétation : que ce soit les gradés français blancs ou les tirailleurs sénégalais noirs, la grande majorité des acteurs (professionnels ou non) ont un jeu très théâtral, très maladroit, qui demande un certain temps d'adaptation pour l'intégrer et passer au reste. Mais on s'y habitue, un minimum, progressivement... Seuls les clichés restent un peu coriaces, avec le capitaine sympathisant de la cause des tirailleurs, tous les autres des gros enfoirés de première classe (j'exagère peu), et parmi les tirailleurs, le fin lettré parlant trois langues (wolof, français et anglais), le traumatisé par la guerre et par Buchenwald qui ne peut plus s'exprimer qu'au moyen d'onomatopées plus ou moins signifiantes... Ce n'est pas vraiment le point fort du film.</p>
<p>En revanche <ins>Camp de Thiaroye</ins> déroule bien le parcours de ce bataillon d'hommes enrôlés de forces depuis 1939 pour certains, envoyés au front, à la différence des généraux dirigeant le camp éponyme qui n'auront connu la guerre que de très loin, sans trop se salir. Leur point de chute : un camp dans lequel on les parque, avec barbelés et mirador. Au programme, il y aura beaucoup de désillusions devant les promesses non-tenues par l'armée française, sans parler évidemment du racisme banalisé et des humiliations récurrentes. Des conditions suffisantes pour faire émerger une mutinerie, au sein de laquelle on est immergé pour participer aux débats entre les soldats — souvent contraints de s'exprimer dans la langue française qu'ils connaissent mal, mais seul terrain commun pour tous ces hommes d'origines très différentes. Finalement c'est le sergent-chef Diatta qui concentre les contradictions du système colonial, lui fait figure d'intellectuel extrêmement cultivé au milieu de ses semblables gradés (qui auront tôt fait de le taxer de communiste) et qui devra choisir son camp au moment où les ennuis deviendront sérieux. Un film qui paraît en tous cas intellectuellement très honnête, au-delà de ses maladresses qui n'en font pas un film facilement recommandable.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Camp-de-Thiaroye-de-Ousmane-Sembene-et-Thierno-Faty-Sow-1988#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1339Baïonnette au canon (Fixed Bayonets!), de Samuel Fuller (1951)urn:md5:6406b5f11e1a0152c4bd8780064b33eb2024-01-16T09:52:00+01:002024-01-16T10:54:06+01:00RenaudCinémaCorée du NordCorée du SudDouteEtats-UnisGene EvansGuerreGuerre de CoréeHiverJames DeanNeigeSamuel Fuller <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/ba%C3%AFionnette_au_canon/ba%C3%AFionnette_au_canon.jpg" title="baïionnette_au_canon.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/baïionnette_au_canon/.baïionnette_au_canon_m.jpg" alt="baïionnette_au_canon.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"You're not aiming at a man. You're aiming at the enemy. Once you're over that hump, you're a rifleman."</strong></ins></span>
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<p>Quand j'avais découvert le film de <strong>Samuel Fuller</strong> <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/J-ai-vecu-l-enfer-de-Coree-de-Samuel-Fuller-1951">J'ai vécu l'enfer de Corée</a></ins> (The Steel Helmet), la comparaison avec <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Cote-465-de-Anthony-Mann-1957">Côte 465</a></ins> (Men in War) réalisé quelques années plus tard par <strong>Anthony Mann </strong>m'avait sauté aux yeux : même sujet, la guerre de Corée sous l'angle des difficultés du camp américain, même budget limité, même approche sous la forme d'un exercice de style (qui s'est sans doute imposé naturellement étant donnée la limitation des moyens). Mais en réalité il y avait encore plus proche : même sujet, même budget, même approche... et même réalisateur, ainsi que même année, et même acteur principal, puisque <strong>Fuller </strong>réalisait également en 1951 <ins>Fixed Bayonets!</ins> mettant en scène <strong>Gene Evans</strong>. Drôle de cumul de points communs, alors que le résultat est sensiblement différent.</p>
<p>Retour sur le front coréen, alors que la guerre est encore active à l'époque, pour examiner une autre dimension (un peu moins sordide, même si on ne peut pas dire que la joie soit franchement au rendez-vous). Un immense régiment américain comptant 15000 hommes doit fuir face à la domination des troupes communistes dans la région. Pour éviter que la retraite soit trop ostensible, ce qui laisserait à l'ennemi le moyen de leur infliger de lourdes pertes, une petite escouade d'une cinquantaine d'hommes est formée pour simuler une présence stable dans un lieu stratégique et permettre au restant de la troupe d'évacuer les lieux. Pas de bol pour ces hommes, même si le calcul est vite vu d'un point de vue purement comptable : il va falloir résister le plus longtemps possible dans le froid, dans les montagnes, pour que les copains aient le temps de rentrer sains et saufs.</p>
<p>Le choix des conditions hivernales est intéressant car il permet de dresser un contexte peu fréquent, mais il se heurte malgré tout très vite aux problèmes de moyens — tout est bien sûr tourné en studio et on ne peut pas dire qu'une fortune ait été dépensé dans les décors... C'est rachitique, à tel point que même la neige ressemble à du sable blanc (l'avantage de la pellicule noir et blanc, elle limite la casse), ça en est même probablement. Une grosse partie de l'action se jouera donc avec une poignée de figurants perchés dans leur grotte située en hauteur, repoussant inlassablement les assauts plus ou moins timides de l'ennemi. <strong>Fuller </strong>montre bien les conditions extrêmes, on se frotte les pieds pour se réchauffer (ils sont tellement froids et engourdis qu'on frotte ceux du voisin sans s'en rendre compte), il y aura pas mal de combats rapprochés (d’où le titre), et un petit lieutenant verra ses supérieurs mourir les uns après les autres. De telle sorte qu'un beau jour, il se retrouve en charge du commandement de son unité.</p>
<p><strong>Fuller</strong>, à travers ce personnage, insiste lourdement sur son incapacité a priori à commander, sur ses doutes, sur ses peurs, sa croyance en son inaptitude, avec des voix intérieures répétitives... Pour que le moment venu, sa prise en main du peloton paraisse héroïque. Tout ça semble quand même bien rabougri du scénario, même s'il parvient à éveiller quelques moments de grosse tension (l'emplacement des mines notamment) ou de surprise (le vol d'un clairon ennemi). Un film d'hommes entre eux, parmi lesquels on pourra apercevoir <strong>James Dean </strong>à la toute fin — attention à ne pas cligner des yeux, ça dure moins de 5 secondes — et qui insiste sur un quotidien angoissant, peu trépidant, avec une opposition entre deux groupes filmée un peu comme un western. Une œuvre de commande à travers laquelle <strong>Fuller </strong>réussit à insérer quelques belles séquences (qui plus est sans excès propagandiste majeur) à l'image du très beau plan final montrant des survivants qui défilent, au clair de lune, éreintés, en traversant un cours d'eau.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Baionnette-au-canon-de-Samuel-Fuller-1951#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1329R.A.S., de Yves Boisset (1973)urn:md5:ca4110851ed21080449659322483d6462024-01-07T12:33:00+01:002024-01-07T12:39:18+01:00RenaudCinémaAlgérieAnarchismeClaude BrossetCommunismeFranceGuerreguerre d AlgérieJacques SpiesserJacques VilleretJacques WeberJean-François BalmerJean-Pierre CastaldiMichel PeyrelonMilitairePhilippe Leroy-BeaulieuPolitiqueYves Boisset <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/r.a.s..jpg" title="r.a.s..jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.r.a.s._m.jpg" alt="r.a.s..jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Premier jet</strong></ins></span>
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<p>Probablement l'un des premiers films à aborder aussi frontalement la Guerre d'Algérie, une dizaine d'années après la fin du conflit et autant d'années de censure à ce sujet — <ins>R.A.S.</ins> en subit malgré tout les conséquences à sa sortie en 1973, avec des coupures imposées au montage et des perturbations par des fachos lors de projections. Si l'on n'avait pas peur des parallèles un peu trop hardis, on pourrait dire qu'il s'agit d'un <ins>Full Metal Jacket</ins> mineur à l'algérienne, avec un découpage en deux parties, une première étant dédiée à la préparation en France et une seconde dévolue aux conditions de guerre sur le terrain. <strong>Yves Boisset</strong>, on le sait, n'est pas le plus grand représentant de la finesse, mais étonnamment son côté un peu bourrin s'accorde assez bien avec l'âpreté de la situation, du moins beaucoup plus que dans <ins>Le Prix du danger</ins> par exemple. L'occasion ici de découvrir une belle brochette d'acteurs devenus depuis des célébrités mais inconnus à l'époque, <strong>Jacques Spiesser</strong>, <strong>Jacques Villeret</strong>, <strong>Jacques Weber </strong>(absolument méconnaissable), <strong>Claude Brosset</strong>, <strong>Jean-François Balmer</strong>, <strong>Michel Peyrelon</strong>, <strong>Jean-Pierre Castaldi</strong>. À noter également la présence de <strong>Philippe Leroy-Beaulieu</strong>, un peu vieilli depuis <ins>Le Trou</ins>.</p>
<p><ins>R.A.S.</ins> me fait beaucoup penser à un autre film français de l'époque, <ins>Le Pistonné</ins>, réalisé par <strong>Claude Berri </strong>en 1970 et montrant les déboires du soldats <strong>Guy Bedos </strong>envoyé de force au Maroc. Le ton est vraiment semblable, seuls les enjeux diffèrent — et la portée politique évidemment. C'est amusant de voir réunis de tels personnages ici, un anarchiste, un communiste, et un apolitique notamment, tous rechignant à combattre en Algérie, opposés sur beaucoup de sujets mais unis dans leurs déboires. Pour l'une des premières visions de la Guerre d'Algérie acceptée dans le circuit de distribution français, il faut quand même reconnaître à <strong>Boisset </strong>un certain tact, car même si on n'a pas affaire à un monument de subtilité, il sait conserver un regard assez neutre (le commandant est inspiré par une personne réelle, Jean Pouget). La violence est laissée en hors champ la plupart du temps, choix judicieux pour se concentrer sur l'état d'esprit des soldats sous la forme d'une chronique militaire relativement sobre de la part du réalisateur.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/R.A.S.-de-Yves-Boisset-1973#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1319Tantura, de Alon Schwarz (2022)urn:md5:3294f759093a225a2b78199a1c59d7fb2023-12-30T12:15:00+01:002023-12-30T12:16:31+01:00RenaudCinémaDocumentaireGuerreIsraëlPalestineUniversité <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tantura/tantura.jpg" title="tantura.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tantura/.tantura_m.jpg" alt="tantura.jpg, déc. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Un nouveau regard sur la Nakba</strong></ins></span>
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<p><strong>Alon Schwarz </strong>n'est pas un dissident politique israélien, il n'est pas antisioniste, et c'est sans doute lui qui le dit le mieux : "<em>I am a big Zionist. People think I am not, but they are wrong. I am more Zionist than the right-wing people who want to settle the territories and then have one state, which would end up not being a Jewish state. I am not saying bring back the Arabs into Tantura and clear out the Jews. That is not what I am saying. That is not what should happen. I am not for the right of return by any means. I want a Jewish state. My grandparents came from the Holocaust.</em>" C'est un paramètre important lorsqu'on tombe sur son documentaire <ins>Tantura</ins>, du nom d'un ancien petit village de pêcheurs situé entre Tel Aviv et Haïfa et qui fut le théâtre d'une exécution de masse lors de la guerre israélo-arabe de 1948-1949 au terme du mandat britannique sur la Palestine.</p>
<p>La thèse (cinématographique) soutenue par <strong>Schwarz </strong>épouse en réalité la thèse (de master) de l'historien israélien <strong>Théodore Katz</strong>, ancien étudiant de l'université de Haïfa dans les années 1950 et aujourd’hui nonagénaire : contrairement aux déclarations officielles, la brigade Alexandroni aurait procédé à un nettoyage ethnique et des centaines de corps seraient enterrés dans des charniers, ce qui remet en question le mythe fondateur d'Israël à une époque où des centaines de villages palestiniens avaient été détruits. Côté israélien, ces événements sont appelés "guerre d'indépendance", et côté palestinien, on parle de "Nakba" (la catastrophe). En tout état de cause, un sujet manifestement tabou puisque cette thèse coûta cher à <strong>Katz </strong>: les vétérans de la brigade Alexandroni attaquèrent Katz en justice pour diffamation, l'accusant d'avoir fabriqué les témoignages, et l'université de Haïfa lui retira son grade. Un jour peut-être, des fouilles seront menées et mettront fin aux débats et à cette longue controverse.</p>
<p><ins>Tantura</ins>, ce n'est que ça : l'exposition de ces éléments, de manière étonnamment et agréablement neutre, sourcée, apaisée. Le documentaire vaut avant tout pour l'énoncé des faits derrière la thèse soutenue par le réalisateur, étant donnée sa position (résolument sioniste) dans une démarche apparemment sincère, allant à contre-courant du récit martelé quotidiennement.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tantura/img4.jpg" title="img4.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tantura/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, déc. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Tantura-de-Alon-Schwarz-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1313Les Forçats de la gloire (The Story of G.I. Joe), de William A. Wellman (1945)urn:md5:7731cb0605afbe52ead650511914e9a42023-12-15T10:41:00+01:002023-12-15T10:50:15+01:00RenaudCinémaAfriqueBurgess MeredithEtats-UnisFolieGuerreItalieRobert MitchumSamuel FullerSeconde Guerre mondialeWilliam A. Wellman <div id="centrage">
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<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"It's a world the other world will never know. Even the Air Force. Up there, they approach death differently. When they die, they're clean-shaven, well fed, if that's any comfort. But the G.I., well, he lives so miserably and he dies so miserably."</strong></ins></span>
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<p><strong>Samuel Fuller </strong>disait de <ins>The Story of G.I. Joe</ins> qu'il s'agissait selon lui du film produit sur la Seconde Guerre mondiale par les États-Unis le plus adulte et le plus authentique. On pourrait compléter en rajoutant que <strong>William A. Wellman </strong>réalise ce film en 1944, à une époque où son pays est très fortement impliqué dans le conflit (ce qui pourrait conduire à l'assimiler à de la propagande), en faisant jouer beaucoup de soldats américains rescapés du front européen en permission, aux côtés de quelques acteurs dont un tout jeune <strong>Robert Mitchum</strong>, alors qu'un grand nombre mourra quelques mois plus tard dans le Pacifique. Au même titre que le correspondant de guerre <strong>Ernie Pyle </strong>interprété par <strong>Burgess Meredith</strong>, tué peu de temps après la sortie du film et après avoir reçu le prix Pulitzer, lors de la bataille d'Okinawa au Japon. Le plus marquant dans tout ça, c'est l'incroyable maturité de <strong>Wellman </strong>et l'incroyable recul dont il fait preuve pour mettre en scène la progression d'une unité d'infanterie, dans un premier temps en Afrique du Nord, puis du côté de l'Italie avec la célèbre bataille de Monte Cassino.</p>
<p>En adoptant le point de vue de <strong>Pyle</strong>, la guerre est retranscrite comme un témoignage qui aurait collecté différents points de vue sur le terrain, au plus près des soldats. De manière très étonnante pour l'époque, on s'éloigne de tous les canons propagandistes pour rester dans une captation particulièrement terre-à-terre, en alternant entre les phases de déplacement loin des combats et les épisodes de combats — que ce soit en territoires urbains, avec notamment cette évolution dans les décors d'une cathédrale en ruine évoquant certains passages de la fin de <ins>Full Metal Jacket</ins>, ou sur des terrains plus conventionnels, avec sollicitation de l'artillerie et expositions de conditions intenses. Dans sa description éloignée des clichés diabolisant l'ennemi et dans sa tonalité désabusée d'un regard froid sur la guerre, <ins>Les Forçats de la gloire</ins> se rapproche d'un autre film de <strong>Wellman </strong>qui sortira quelques années plus tard, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Bastogne-de-William-A-Wellman-1949">Bastogne</a></ins>.</p>
<p>Aucune trace d'antimilitarisme bien sûr, et sans aller jusqu'à parler d'une approche documentaire, le film frappe par son haut degré de réalisme que ce soit pour évoquer l'attente pénible des hommes (en se focalisant sur quelques points, la faim, le manque de nourriture digne de ce nom, l'absence de femmes, et quelques lubies à l'image du tourne-disque qu'un soldat tente inlassablement de réparer pour écouter un enregistrement envoyé par son épouse avant de sombrer dans la folie) ou pour illustrer la pénibilité des avancées en territoires ennemis. Très étonnant de voir <strong>Wellman</strong>, ambulancier puis aviateur, dédier son film à l'infanterie en montrant le quotidien douloureux des sans-grades piégés dans la boue, un élément important du dernier segment du film, avec quelques références au luxe des membres de l'US Air Force qui eux meurent en restant propres. Un film dépourvu de lyrisme, constamment pragmatique, pudique dans l'émotion et la douleur, jamais complaisant avec la violence qu'il met en scène, avec quelques très belles scènes — parmi les plus marquantes, celles où la radio nazie tente de séduire les jeunes soldats américains avec une voix suave féminine les invitant à déserter et celle où le lieutenant incarné par <strong>Mitchum </strong>revient d'un paysage désolé, son corps ramené à dos d'âne.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/img1.jpg" title="img1.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/img2.jpg" title="img2.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/img3.jpg" title="img3.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/img4.jpg" title="img4.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/img5.jpg" title="img5.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/img6.jpg" title="img6.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/forcats_de_la_gloire/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, déc. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Forcats-de-la-gloire-de-William-A-Wellman-1945#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1306Pour l'exemple (King & Country), de Joseph Losey (1964)urn:md5:c6f2643b4b29949d4dcd325e5f4c22e72023-12-05T10:12:00+01:002023-12-05T10:12:00+01:00RenaudCinémaBelgiqueDirk BogardeDésertionFlandresGuerreJoseph LoseyMilitaireMortPremière Guerre mondialePrisonProcèsRatRoyaume-UniStanley KubrickTom CourtenayTribunal <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/pour_l_exemple.jpg" title="pour_l_exemple.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.pour_l_exemple_m.jpg" alt="pour_l_exemple.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"A proper court is concerned with law. It's a bit amateur to plead for justice."</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>King & Country</ins> prend pour contexte le front belge lors de la Première Guerre mondiale, dans la région des Flandres alors administrée par l'armée anglaise, et s'intéresse aux dernières 24 heures d'un jeune soldat britannique accusé de désertion. Le film pourrait se résumer à ça : des soldats qui pataugent la boue, quelques passages dans une prison militaire coincée entre deux tranchées, et un simili tribunal militaire très rudimentaire composé en tout et pour tout d'une table, de quelques chaises et de quelques gradés de l'armée, une cour martiale qui va devoir statuer sur ce fait de désertion et qui se soldera par une condamnation à mort si ce dernier est avéré.</p>
<p><strong>Joseph Losey </strong>offre un point de vue britannique sur la peine capitale prévue par la loi militaire en temps de guerre qui s'établit assez naturellement comme une vision complémentaire à celle de <strong>Stanley Kubrick </strong>dans <ins>Les Sentiers de la gloire</ins> (sorti en 1957), avec dans le rôle d'avocat de la défense un militaire dans chacun des deux cas, <strong>Kirk Douglas </strong>chez <strong>Kubrick </strong>et <strong>Dirk Bogarde </strong>chez <strong>Losey</strong>. Mais ce rapprochement ne fut pas forcément évident à l'époque puisque bien que sorti 7 années auparavant, le film de <strong>Kubrick </strong>subit une censure (voire une autocensure, les producteurs n'ayant pas demandé de visa d'exploitation au ministre chargé du cinéma français, et ce même si les autorités françaises exercèrent une pression sur d'autres pays européens) en France et ne sortira que dans les années 1970.</p>
<p>C'est donc à une dénonciation d'une horreur de guerre un peu taboue que <strong>Losey </strong>prend part, en s'attaquant à l'exécution de soldats par leur propre armée tout autant qu'à une justice rendue par la même machine qui juge et qui broie les individus. On ressent un certain didactisme dans <ins>Pour l'exemple</ins> qui se manifeste par un excès de dialogues démonstratifs s'assurant que tout est bien explicité, au cas où le message ne serait pas clair — de fait, il l'est. Mais si le film s'en sort avec les honneurs, au-delà de son ambiance glauque propre aux tranchées filmées de manière très aride, c'est notamment grâce à la relation qui se noue entre le soldat déserteur Hamp et son défenseur le capitaine Hargreaves, respectivement interprétés par <strong>Tom Courtenay </strong>(le révolté dans <ins>La Solitude du coureur de fond</ins> de <strong>Tony Richardson</strong>) et <strong>Dirk Bogarde</strong> (que <strong>Losey </strong>retrouve ici l'année suivant la sortie de <ins>The Servant</ins>).</p>
<p>Un film cruel et un peu raide qui montre deux échecs lors d'un procès sommaire, un homme perdant sa défense et un autre perdant sa vie. On ne connaîtra jamais vraiment les raisons qui ont conduit le jeune soldat à tenter de déserter, même si le faisceau d'indices est large : l'épuisement lié à un conflit qui s'éternise, les conditions abominables qui contraignent les petites recrues à côtoyer les rats et les cadavres, ou plus prosaïquement la boucherie qui a décimé son régiment, déchiqueté par les bombes, dont il est l'unique survivant. <strong>Losey </strong>a la main lourde à plusieurs reprises, que ce soit au travers d'un symbolisme parfois appuyé ou de quelques mises en scène scolaires (les soldats qui jouent avec un rat et recréent un tribunal de pacotille), mais la confrontation de cet engagé volontaire à la froideur d'une cour martiale reste une réussite. Une victime de plus au creux de la pourriture, de l'absurdité, et de l'ennui envahissant.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/img1.png" title="img1.png, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.img1_m.png" alt="img1.png, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/img2.png" title="img2.png, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.img2_m.png" alt="img2.png, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/img3.png" title="img3.png, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.img3_m.png" alt="img3.png, nov. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Pour-l-exemple-de-Joseph-Losey-1964#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1297Héros ou Salopards (Breaker Morant), de Bruce Beresford (1980)urn:md5:c11e291ff02f52b3dc04b8a30f09f45d2023-11-22T23:14:00+01:002023-12-13T12:51:06+01:00RenaudCinémaAfrique du SudAustralieBouc émissaireBruce BeresfordGuerreMilitaireProcèsRevisionnageRoyaume-Uni <p><img title="heros ou salopards, fév. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="heros ou salopards" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.heros_ou_salopards_m.jpg" /></p>
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>« And a man's foes shall be those of his own household »<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><ins><em>Première publication : 01/02/2016.</em></ins></p>
<p><ins>Héros ou salopards</ins> (titre auquel on préfèrera sans doute le plus sobre <ins>Breaker Morant</ins>, du nom de son personnage principal) est un film plutôt rafraîchissant dans le paysage cinématographique mondial, et ce principalement grâce à son sujet : la fin douloureuse de la Seconde Guerre des Boers qui opposa les peuples d'Afrique du Sud à l'empire britannique et à l'Australie entre 1899 et 1902, quelques années avant la Première Guerre mondiale. L'autre point intéressant de <ins>Breaker Morant</ins>, au-delà du petit rappel historique, c'est de faire un film de procès qui ne se focalise pas sur le sort des accusés du point de vue "coupable ou innocent ?" (ils sont coupables et seront punis, forcément) mais qui essaie plutôt de statuer sur leur responsabilité. Très vite, on comprend que ce ne sont que des "hommes normaux" projetés dans des "situations anormales". De vulgaires soldats qui n'avaient rien demandé, qui ont simplement un peu trop obéi aux ordres, et dont les vies seront utilisées comme monnaie d'échange en faveur d'un traité de paix.</p>
<p><img title="breaker_morant.jpg, fév. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="breaker_morant.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.breaker_morant_m.jpg" /></p>
<p>« <em>And a man's foes shall be those of his own household </em>» : voilà toute l'essence du procès résumée en une citation (biblique) que le poète protagoniste déclamera. Une nation (représentée en la personne de Lord Kitchener) désirant prouver sa bonne volonté en jugeant ses propres soldats fermement, avec un verdict écrit d'avance, dans l'espoir de mettre rapidement un terme à cette guerre. À travers l'histoire de ces trois soldats australiens aux ordres de l'armée britannique, c'est donc celle des "Scapegoats of the Empire" (les boucs émissaires de l'empire) qui est contée, et qui fut l'objet d'un livre censuré par le Royaume-Uni jusqu'au milieu du XXe siècle.</p>
<p>On peut reprocher certains procédés assez peu convaincants au film de <strong>Bruce Beresford</strong>, comme certaines images trop caricaturales (les deux condamnés à mort qui s'avancent main dans la main vers leur fin, même si cette image sera vite contrebalancée par les deux plans consécutifs magnifiques, à contre-jour, de leur exécution). La poésie de Harry "Breaker" Morant (personnage véridique) arrive un peu tard, comme un cheveu sur la soupe, mais renforce la dimension mélancolique du final comme il se doit. Et le charme singulier des décors sud-africains authentiques opère, avec force. Au final, entre culpabilités évidentes, responsabilités à prouver, machinations politiques et autre broyages institutionnels, <ins>Héros ou salopards</ins> se révèle beaucoup plus dense et subtil que prévu.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.proces_m.jpg" alt="proces.jpg" title="proces.jpg, fév. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.cercueils_m.png" alt="cercueils.png" title="cercueils.png, fév. 2016" /><br /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.main_dans_la_main_m.png" alt="main_dans_la_main.png" title="main_dans_la_main.png, fév. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.contre-jour_m.jpg" alt="contre-jour.jpg" title="contre-jour.jpg, fév. 2016" /></div>
<br />
<hr />
<br />
<p><ins><em>Deuxième publication : 12/11/2023.</em></ins></p>
<p>Encore un revisionnage assez conforme à mes souvenirs (après le très mauvais <ins>American Nightmare</ins>), procurant le sentiment réconfortant d'être encore d'accord avec mon moi d'il y a 7 ans. Est-ce l'effet de surprise qui s'est évaporé, est-ce mon enthousiasme d'alors qui a décru à cause d'une exigence supérieure ? Quoi qu'il en soit, <ins>Breaker Morant</ins> m'a un peu moins passionné même si l'éventail de thématiques explorées et le contexte dans lequel elles sont déployées ont conservé un intérêt manifeste.</p>
<p>Le cadre militaire est vraiment original et surprenant, d'un point de vue français tout du moins : on ne peut pas dire que la seconde guerre des Boers, entre 1899 et 1902, a fait l'objet d'énormément d'œuvres connues chez nous, un conflit opposant l'empire britannique et les descendants des pionniers blancs d'Afrique du Sud essentiellement néerlandais, allemands et huguenots. Un terme qui laissera la place à celui d'Afrikaner par la suite. Les Boers étaient majoritairement des paysans connaissant bien le terrain et livrant à leurs ennemis une guérilla, ce qui conduisit les Britanniques à solliciter les soldats australiens pour évoluer dans ces territoires hostiles. Vers la fin du conflit, craignant que l'Allemagne ne rentre en guerre contre elle, les dirigeants du Commonwealth profitèrent d'un massacre commis sur des Boers pour instrumentaliser la cour martiale et solder la fin du conflit, au prix d'une accusation connue aujourd’hui pour avoir été largement inéquitable envers les soldats australiens mis en cause. La définition même de boucs émissaires.</p>
<p>Les films traitant de faits graves commis dans un contexte militaire mais hors de la guerre telle qu'on la conçoit traditionnellement sont très nombreux, et là n'est pas l'originalité de <ins>Héros ou salopards</ins> qui peut se concevoir comme une version britannico-australienne de <ins>La Nuit des généraux</ins> (un crime pendant la guerre) et <ins>Des hommes d'honneur</ins>. Dans ce dernier, <strong>Rob Reiner </strong>montrait clairement les deux militaires accusés comme des innocents ayant uniquement obéi à un ordre ayant conduit à la mort d'un de leurs camarades. Ici, <strong>Bruce Beresford </strong>explore une zone grise bien plus étendue, en explicitant très rapidement la culpabilité morale des trois principaux accusés tout en y opposant le questionnement vis-à-vis de leur responsabilité. À noter l'interprétation très propre de <strong>Edward Woodward </strong>et <strong>Bryan Brown</strong> sur le banc et de <strong>Jack Thompson </strong>à la défense.</p>
<p>En un sens il n'y a guère de suspense : une des premières scènes expose sans détournement l'intention de la part de Lord Kitchener de faire un procès exemplaire qui servira les intérêts de sa nation. Un procès qui pourra ironiquement se poursuivre par une conférence de paix. L'intérêt réside davantage dans le film de prétoire, entrecoupé de flashbacks pour illustrer les différents épisodes, qui appuie sur les asymétries fondamentales entre l'accusation et la défense. Le nœud du problème est assez concis en réalité : le capitaine Hunt a ordonné à ses hommes d'agir selon le mode officieux des armées (pas de prisonniers, finie la guerre de gentlemen), et ce dernier ayant trouvé la mort, il n'existe plus de preuve pouvant dédouaner les accusés de leur responsabilité. <strong>Beresford </strong>s'intéresse ainsi à la psychologie de ces personnages, auteurs d'horreurs commise par des "<em>normal men in abnormal situations</em>", et en prenant ses distances avec la vision de "<em>poor Australians who were framed by the Brits</em>".</p>
<p>C'est donc à un premier niveau le récit d'une instrumentalisation de ce procès, mais avant tout une exploration de ces zones grises, avec les directives tacites du commandement d'un côté, et de l'autre des officiers plus ou moins complaisants vis-à-vis de ces ordres là où ils auraient pu prendre leurs distances. <ins>Breaker Morant</ins> arbore de nombreuses facilités d'écriture, que ce soit lors du procès (avec beaucoup de plaidoiries très théâtrales de la part de la défense, et beaucoup d'arguments rejetés trop facilement par le tribunal) ou lors de la conclusion (avec une relative effusion de sentiments en contraste avec la sobriété du reste du film, main dans la main, lever de soleil dans des teintes roses et orangées magnifiques), qui n'oublie pas de marteler son message au travers de la métaphore de l'empire qui exécute deux soldats et les fait rentrer de force dans leurs cercueils trop petits.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Heros-ou-salopards-de-Bruce-Beresford-1980#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/303