Je m'attarde - Mot-clé - Isabelle Adjani le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearNosferatu, fantôme de la nuit, de Werner Herzog (1979)urn:md5:a364ced4f470f2b9f726804f90bdaee82017-02-24T09:54:00+01:002017-02-24T13:32:35+01:00RenaudCinémaAllemagneBruno GanzIsabelle AdjaniKlaus KinskiNazismeRomantismeVampireWerner Herzog <div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nosferatu_fantome_de_la_nuit/.nosferatu_fantome_de_la_nuit_A_m.jpg" alt="nosferatu_fantome_de_la_nuit_A.jpg" title="nosferatu_fantome_de_la_nuit_A.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nosferatu_fantome_de_la_nuit/.nosferatu_fantome_de_la_nuit_B_m.jpg" alt="nosferatu_fantome_de_la_nuit_B.jpg" title="nosferatu_fantome_de_la_nuit_B.jpg, fév. 2017" />
<br /><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>Résurrection d'une icône, résurrection d'une culture.<br /></strong></ins></span></p>
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<p>Comme le dit assez justement <strong>Hervé Aubron </strong>chez Potemkine, il fallait tout de même un sacré culot, en étant un réalisateur Allemand dans les années 70, pour proposer un nouveau film sur Nosferatu après le monument classique de <strong>Murnau</strong>. Et du culot, <strong>Werner Herzog</strong>, on le sait bien, il n'en manque pas. Du talent, des lubies, de la maladresse, de la ténacité, de la folie, des idées à la pelle, il n'en manque pas non plus. Et ce n'est pas un projet aussi casse-gueule que <ins>Nosferatu, fantôme de la nuit</ins> qui arrêtera celui qui avait alors déjà réalisé <ins>Les nains aussi ont commencé petits</ins> (lire <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Nains-aussi-ont-commence-petits-de-Werner-Herzog-1970">le billet</a> à ce sujet) ou encore <ins>Aguirre, la colère de Dieu</ins>, projets casse-gueules s'il en est.</p>
<p>Là où <strong>Herzog </strong>mettra tout le monde d'accord, pour une fois, c'est sans doute dans l'étendue de son talent et de sa sensibilité artistique pour mettre en scène le célèbre mythe au creux d'un univers graphique tout simplement incroyable. Les expérimentations visuelles ne cessent jamais et s'ajoutent les unes aux autres de manière extrêmement constructive. De la séquence inaugurale présentant une vision d'apocalypse (à venir, évidemment) à l'aide des momies de victimes d'une épidémie de choléra à Guanajuato au siècle dernier à l'une des dernières séquences dans laquelle les ultimes survivants d'une épidémie de peste célèbrent les quelques heures qu'il leur reste à vivre à travers une orgie presque médiévale sur la place publique, remplie de cercueils en feu et de cadavres pourrissants, le ton est donné.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nosferatu_fantome_de_la_nuit/.ganz_m.jpg" alt="ganz.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="ganz.jpg, fév. 2017" /></p>
<p>Mais entre deux passages glaçants, <strong>Herzog </strong>se laisse parfois aller à une rêverie poétique et romantique très touchante. <strong>Klaus Kinski </strong>(encore un inadapté dans la filmographie de <strong>Herzog</strong>, reclus et immortel malgré lui) n'a pas fini de nous faire frissonner avec son horrible visage et ses doigts interminables, en parcourant lentement un tunnel dans la pénombre ou en s'avançant dangereusement du lit de <strong>Bruno Ganz </strong>(les jeux de lumière sont saisissants), mais il n'a pas le monopole de l'effroi : quelques plans sur le bateau porteur de la peste suffisent à créer le malaise, autant que de voir les rats débarquer et parcourir la ville ou encore les ballets de cercueils animer la place centrale. Et à côté de cette terreur, des séquences terriblement bucoliques, comme celle au cours de laquelle <strong>Ganz </strong>parcourt les Carpates sur fond de <strong>Wagner </strong>et de magnifiques paysages. Ou encore ce plan final, à se décoller les rétines, des sables balayés par les vents, captés dans le bleu sombre de la nuit, au cœur desquels le personnage s'enfonce. Jamais <strong>Herzog </strong>n'aura autant laissé infuser ses images dans sa veine romantique. Et il y a même des chatons dans le générique.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nosferatu_fantome_de_la_nuit/.kinski_m.jpg" alt="kinski.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="kinski.jpg, fév. 2017" /></p>
<p>Il est assez étonnant de constater à quel point on peut apprécier le film dans son ensemble en rejetant toutefois une partie non-négligeable des éléments qui le constituent… à commencer par les interprétations d'<strong>Isabelle Adjani </strong>et de <strong>Klaus Kinski </strong>(on pourrait également ajouter la présence assez incongrue de <strong>Roland Topor</strong>), trop démonstratives, trop bizarres, et aux dialogues un peu bancals à mon sens. Mais encore une fois, du point de vue de l'atmosphère qui se dégage, ça fonctionne : la beauté de l'une et la laideur de l'autre, dans leur pureté, se rejoignent merveilleusement bien, comme deux fantômes qui fascinent et se fascinent dans un même mouvement. Et quand il ne parle pas, <strong>Kinski </strong>victime de sa malédiction est extraordinaire. <strong>Herzog </strong>a vraiment su trouver sa place dans cet univers, à mi-chemin entre l'hommage, appuyé par de nombreux plans semblables et la compassion pour le vampire, et l'émancipation, avec toute l'imagerie originale qu'il a développée et la toute fin sous forme de surprise. La pensée purement ou prétendument scientifique est moquée et le personnage de Van Helsing devient de plus en plus ridicule à mesure que l'évidence de la catastrophe voit le jour. Des images d'une beauté morbide, parfois à la limite du surréalisme, et dont les visions d'apocalypse marquent durablement l'esprit. On reconnaît instantanément dans tout cela le travail du cinéaste allemand.</p>
<p>L'air de rien, à l'occasion d'un projet aussi farfelu que celui-ci, <strong>Herzog </strong>tisse des liens avec le cinéma allemand de la période précédant la Seconde Guerre mondiale et contribue à un certain renouveau dans les années 70. Nosferatu et son univers expressionniste n'est plus cantonné à la figure obligée du mauvais présage et du nazisme rampant : non, tous les chemins des années 20 ne mènent pas au Troisième Reich. <strong>Herzog </strong>aura largement contribué à le dégager de ce carcan interprétatif. La résurrection du cinéma allemand est en bonne voie et entre de bonnes mains.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nosferatu_fantome_de_la_nuit/.adjani_m.jpg" alt="adjani.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="adjani.jpg, fév. 2017" /></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nosferatu-fantome-de-la-nuit-de-Werner-Herzog-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/389Possession, de Andrzej Żuławski (1981)urn:md5:711c30a4b9a464b1fb437c054d0fd7a82016-11-14T18:56:00+01:002016-11-15T08:55:04+01:00RenaudCinémaAllemagneAndrzej ŻuławskiCommunismeFantastiqueFolieHystérieIsabelle AdjaniMur de BerlinTotalitarisme <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/possession/.possession_m.jpg" alt="possession.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="possession.jpg, nov. 2016" />
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>La possession, c’est le vol.<br /></strong></ins></span></p>
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<p>Étant donnée l'affiche du film, évoquant une version érotique du mythe de Méduse, et la catégorie du film à l'orée des genres dramatique et horrifique, on ne saurait mieux induire en erreur le spectateur égaré qui passait simplement par là et qui découvre par hasard la lumière blafarde du Berlin-Ouest au début des années 80. Le premier quart du film incite à voir avant tout un couple Isabelle <strong>Adjani</strong> / <strong>Sam Neill</strong> en crise, au bord du déchirement, ou plutôt de l'implosion. On n'est pas surpris d'apprendre que <strong>Andrzej Żuławski </strong>écrivit le scénario du film au cours d'une expérience personnelle difficile impliquant un divorce. Nous voilà ainsi lancés sur les rails du drame familial et de la crise du couple dans un contexte historique particulier mais vraisemblablement secondaire, sûrs du sujet et des enjeux.</p>
<p>Soudain, le film bascule dans l'horreur et le fantastique, sans prévenir, balayant nos certitudes et la santé mentale d'<strong>Adjani </strong>dans un même mouvement.</p>
<p>Et pas n'importe quel fantastique, non, <strong>Żuławski </strong>n'y va pas par quatre chemins et s'engage de manière frontale dans un univers torturé et angoissant, au caractère métaphorique, que n'aurait pas renié le <strong>Cronenberg </strong>de l'époque, tendance <ins>Chromosome 3</ins>. Une scène de sexe mutant en particulier peut même faire penser au passage le plus tordu de son adaptation de <strong>Burroughs</strong>, <ins>Le Festin nu</ins>. Le personnage d'<strong>Adjani </strong>peut quant à lui rappeler anachroniquement celui du protagoniste dans <ins>Hellraiser</ins>, tant sa rencontre avec le Mal semble alterner entre plaisirs et souffrances multiples. Mais surtout de la souffrance, tendance folie hystérique démentielle. La séquence interminable dans le métro berlinois, au cours de laquelle <strong>Adjani </strong>est en proie à une aliénation hors du commun et finit par littéralement vomir le mal, au terme d'une série de convulsions et d'automutilations, fait partie de ces traumatismes qu'on n'oublie pas aisément.</p>
<p>Mais au final, avec sa scène d'introduction (<strong>Sam Neil </strong>est-il un espion ?), ses multiples références visuelles au mur, aux miradors, aux barbelés et aux soldats en faction, et cette esthétique si particulière pour décrire une atmosphère aussi âpre qu'oppressante, il me semble que <ins>Possession</ins> consacre dans son dernier niveau de lecture la capacité des États de l'Est à matérialiser le mal, à engendrer des monstres. Exactement comme dans <ins>Chromosome 3</ins>, donc, contexte historique exclu. Et autant dire que je n'avais jamais vu le mur de Berlin et les psychoses induites sous cet angle. L'étrangeté qui se dégage de cette abomination et la violence de son emprise sur ses sujets suscitent toutes deux un effroi certain, teinté de fascination. L'hystérie d'<strong>Adjani </strong>se répand un peu partout comme la peste et contamine son entourage, bien au-delà du cadre diégétique du récit et de ses personnages. Autrement dit, d'une façon ou d'une autre, on souffre autant que son personnage, sincèrement, par empathie, ou de manière moins volontaire, en pliant sous le poids des décibels. On passe ainsi, sans discontinuité, d'une histoire dramatique de mari cocufié à une fable sur la tendance des régimes totalitaires à créer des monstres. D'une part des monstres visqueux et purulents, sortes de démons horribles gangrénant la société jusque dans les strates internes de la cellule familiale, et d'autre part des monstres doux sous forme de doubles idéaux, sur le thème du doppelgänger inversé, incarnation de la créature parfaite, docile, mais pas moins effrayante.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/possession/.metro_m.jpg" alt="metro.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="metro.jpg, nov. 2016" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/possession/.neil_adjani_m.jpg" alt="neil_adjani.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="neil_adjani.jpg, nov. 2016" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Possession-de-Andrzej-Zulawski-1981#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/367