Je m'attarde - Mot-clé - Jean Epstein le temps d'un souffle<br />2024-03-18T09:08:17+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearFinis Terrae, de Jean Epstein (1929)urn:md5:c6c8fab1fc6e1d66dee8a81c66e90f362021-02-07T13:46:00+01:002021-02-07T13:46:00+01:00RenaudCinémaBretagneCinéma muetEsthétiqueIleImpressionnismeJean EpsteinPoésiePêcheRevisionnage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/finis_terrae/.finis_terrae_m.jpg" alt="finis_terrae.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="finis_terrae.jpg, sept. 2016" />
<div id="centrage"> <span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Aux confins d'un monde<br /></strong></ins></span></div>
<p><em>Première publication le 04-09-2016.</em></p>
<p>Quelle poésie du réel... Quelle façon de filmer l'homme au travail, quelle façon de magnifier les gestes du quotidien ! Quotidien du siècle dernier, certes, puisque les goémoniers d'alors ne devaient pas pêcher, faire sécher, et réduire à l'état de cendres (dans le but de vendre cette substance riche en soude) les algues marines comme on le fait aujourd'hui. On peut imaginer que les pêcheurs bretons du 21e siècle n'ont plus à s'isoler sur l'île de Bannec, au large de l'île d'Ouessant (le Finistère viendrait du latin <em>finis terrae</em>, "fin de la terre"), pendant plusieurs mois, dans de telles conditions. Mais la démarche conserve tout son pouvoir de fascination : <strong>Jean Epstein </strong>s'applique, pendant une bonne partie du film, à extirper la substantifique et merveilleuse moelle du réel. Ou presque réel.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/finis_terrae/.batisse_m.jpg" alt="batisse.jpg" title="batisse.jpg, sept. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/finis_terrae/.bouteille_m.jpg" alt="bouteille.jpg" title="bouteille.jpg, sept. 2016" /></div>
<p>Le réalisateur français, né dans l'Empire russe, expliquait ainsi son approche : « <em>Aucun décor, aucun costume n'auront l'allure, le pli, de la vérité. Aucun faux-professionnel n'aura les admirables gestes techniques du gabier ou du pêcheur.</em> » Et force est de constater qu'il se dégage de cette "presque réalité" peuplée d'acteurs non-professionnels, de cette "ethnofiction", quelque chose de fabuleux. Leurs gestes ancestraux, leurs visages burinés, leurs mains sculptées par le travail prennent une dimension étonnamment lyrique à travers les yeux d'<strong>Epstein</strong>. On est bien au-delà du simple désir d'exhiber des images pittoresques. Chaque plan ou presque pourrait être extrait d'un reportage photographique, documentaire et vaguement impressionniste. En dépit de sa trame narrative éminemment tragique (un pêcheur se blesse et risque la mort sur cette île isolée), <ins>Finis Terrae</ins> se tient bien loin du mélodrame et se rapproche du témoignage.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/finis_terrae/.cote_m.jpg" alt="cote.jpg" title="cote.jpg, sept. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/finis_terrae/.pain_m.jpg" alt="pain.jpg" title="pain.jpg, sept. 2016" /></div>
<p>Sous bien des aspects, on peut faire le rapprochement entre <ins>Finis Terrae</ins> et les œuvres de <strong>Robert J. Flaherty</strong> comme <ins>Nanouk l'esquimau</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nanouk-l-Esquimau-de-Robert-Flaherty-1922">lire le billet</a>) et surtout <ins>Tabou</ins>, co-réalisé avec <strong>Murnau</strong> en 1931. Difficile d'imaginer qu'<strong>Epstein</strong>, surtout à l'époque, n'avait pas ces "films"-là en tête quand il tourna le sien. Il y a clairement dans sa façon de filmer les vagues s'écrasant contre le récif, au ralenti, de manière répétée, une certaine volonté de rendre encore plus intense la réalité de l'attente des familles, voire de la peur. De donner une vision du réel (parmi d'autres, sous-entendu). La photogénie des côtes bretonnes sous son œil est bouleversante ; la puissance poétique de ces images à l'esthétique raffinée effleurant l'épure, au cadre et à la composition minutieusement arrangés, est renversante.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/finis_terrae/fum%C3%A9e.jpg" alt="fumée.jpg" title="fumée.jpg, sept. 2016" /> <br /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/finis_terrae/fin.jpg" alt="fin.jpg" title="fin.jpg, sept. 2016" /></div>
<p><em>Seconde publication le 06-02-2021.</em></p>
<p><ins>Finis Terrae</ins> marque une rupture nette dans la filmographie de <strong>Jean Epstein</strong>, un an après "<ins>La Chute de la maison Usher</ins>" qui initiait l'exploration d'une composante cinématographique à haute teneur poétique. Exit le fantastique, place au réel et au pragmatique, en immersion du côté des îles de Bannec et d'Ouessant. Mais <strong>Epstein </strong>ne s'engage pas dans une veine documentaire classique, en travaillant son matériau (la vie, les coutumes et les histoires des habitants du coin) à la frontière du réel et de la fiction. Il extrait une matière poétique très surprenante par ses cadrages intenses, presque en photographe lors de certains plans figés, et en expurgeant une grande partie du potentiel mélodramatique (une initiative peu commune à l'époque) de cette histoire de pêcheur entre la vie et la mort isolé sur un petit îlot désert. Tout est dans la suggestion pour figurer l'attente insurmontable du village, avec le ralenti des vagues qui s'écrasent contre le récif au sein d'un segment interminable du film, tandis qu'un médecin a été envoyé à travers la brume sur la mer houleuse.</p>
<p>On reconnaît également l'état d'avancement du travail d'<strong>Epstein </strong>en matière d'expérimentation graphique, notamment pour représenter la maladie virant au délire d'Ambroise, le pêcheur blessé dont l'état inquiète. Des lentilles déformantes, des surimpressions, des lumières vacillantes, des nappes brumeuses, le montage qui s'affole ou au contraire se calme soudainement... L'irréel ainsi extrait du réel pour susciter une évocation du travail des goémonier au début du XXe siècle, à travers les gestes quotidiens érigés en poème lyrique, bien détachée du principe de la chronique sociale ou de l'enquête ethnographique, débouche sur une œuvre d'une grande singularité, dans le sillon des poèmes bretons signés <strong>Epstein</strong>.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Finis-Terrae-de-Jean-Epstein-1929#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/346La Chute de la maison Usher, de Jean Epstein (1928)urn:md5:58a3473f7175947f3ab8339991287efb2021-01-24T20:33:00+01:002021-01-24T20:39:10+01:00RenaudCinémaEdgar Allan PoeExpressionnismeFeuJean EpsteinMortPeintureRevisionnageRésurrection <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chute_de_la_maison_usher/.chute_de_la_maison_usher_m.jpg" alt="chute_de_la_maison_usher.jpg, oct. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Possession et catalepsie</strong></ins></span>
</div>
<p><em>Première publication le 03-10-2019.</em></p>
<p>Le cinéma expérimental des années 20 et 30 a quelque chose de vraiment passionnant, pour peu que l'on soit réceptif aux univers expressionnistes, aux poèmes surréalistes, ou encore aux contes gothiques. Sans aller du côté des expériences les plus extrêmes à la <strong>Dziga Vertov </strong>(<ins>L'Homme à la caméra</ins> sortira un an plus tard) ou comme <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Passion-de-Jeanne-d-Arc-de-Carl-Theodor-Dreyer-1928"><ins>La Passion de Jeanne d’Arc</ins></a> de <strong>Dreyer </strong>sorti la même année, il serait tentant de voir dans la démarche furieusement avant-gardiste de Jean Epstein le prolongement de travaux initiés par d'autres bâtisseurs comme <strong>Robert Wiene </strong>ou <strong>Friedrich Wilhelm Murnau</strong>. Le gothique de certaines séquences (notamment le transfert du cercueil de Lady Madeleine vers la crypte, à travers un bois brumeux et menaçant) semble réactualiser les codes définis par <ins>Nosferatu le vampire</ins> (1922) tandis que l'altération des décors lorsque Sir Roderick Usher sombre dans la folie peut se voir comme un vague écho des transformations très anguleuses dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Cabinet-du-docteur-Caligari-de-Robert-Wiene-1920"><ins>Le Cabinet du docteur Caligari</ins></a> (1920) — dans l'effet que ces transformations produisent sur la perception du réel.</p>
<p>L'adaptation de <strong>Poe </strong>laisse à <strong>Epstein </strong>une grande latitude dans l'exploitation des atmosphères à la fois mystérieuses et inquiétantes : au-delà de la pure modernité de la mise en scène du point de vue strictement technique, il semble toujours y avoir un souci de l'effet produit. Il y a des mouvements de caméra très étonnants pour l'époque ainsi qu'une utilisation assez classique de la surimpression, mais certains effets extrêmement simples charpentent des atmosphères d'une incroyable singularité. C'est notamment le cas à l'apogée de la thématique principale, celle de la vampirisation par l'œuvre artistique : alors que le peintre termine son tableau, après qu'il a entièrement absorbé l'essence vitale de son modèle, un simple ralenti sur le corps de la femme, dans sa chute, produit un effet envoûtant, presque terrifiant, comme un électrochoc de poésie fantastique.</p>
<p>Cette manipulation du temps est d'ailleurs omniprésente dans la seconde partie du film, avec une dilatation étrange qui produit une ambiance très particulière, alors que le protagoniste se morfond dans le déni. Dans ces atmosphères où la poésie bourgeonne au creux d'un temps suspendu, où l'on ne sait jamais sur quel pied danser, entre réalisme et onirisme, on se croirait sur (voire sous) le bateau de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Atalante-de-Jean-Vigo-1934"><ins>L'Atalante</ins></a> — d'autant que dans ce dernier, fruit du cinéma parlant, <strong>Jean Vigo </strong>jouait beaucoup avec des codes du muet.</p>
<p>Plus que le discours sur l'absorption de l'être par l'art et sur la douleur qui accompagne le processus créatif, à travers le dépérissement du modèle consumé par le pinceau de l'artiste mais aussi la résurrection fantomatique de cette dernière dans la destruction de la demeure, ce sont toutes ces images qui resteront en mémoire, en l'assaillant de ses impressions fantastiques. Décidément, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Finis-Terrae-de-Jean-Epstein-1929"><ins>Finis Terrae</ins></a> et sa poésie documentaire semble à des années-lumière... alors qu'il sortira l'année suivante. La suggestion morbide hante tout le film, dans cette histoire de possession jusqu'à la mort, et nourrit une forme de catalepsie dont on ne ressortira qu'à travers les flammes d'une maison détruite.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chute_de_la_maison_usher/.bois_m.jpg" alt="bois.jpg, oct. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<hr />
<p><em>Seconde publication le 24-01-2021.</em></p>
Un an et demi après le premier visionnage, mon point de vue a très peu changé. Je dialogue de manière totalement synchrone avec mon moi de 2019, et je suis très en phase avec ce que j’écrivais alors : cf. ci-dessus. Un signe de bonne santé mentale, serait-on tenté de dire... Certes.
<p>Quelques éléments supplémentaires, cependant, puisque cette nouvelle confrontation avec l'univers de Poe passé à travers le filtre d'<strong>Epstein </strong>s'opère cette fois-ci au terme d'un voyage parcellaire à travers sa filmographie, depuis ses débuts du côté des studios Albatros jusqu'à la période d'indépendance au sein de sa propre société de production — dont <ins>La Chute de la maison Usher</ins> signe l'arrêt de mort. Œuvre de transition par excellence, elle contient à la fois toute la diversité technique qu'<strong>Epstein </strong>aura développée et perfectionnée au cours des 5 années précédentes, à laquelle s'ajoute un univers fantastique jusqu'alors totalement inédit dans son parcours. Un imaginaire onirique et macabre qui peut rappeler, sous certains aspects seulement, le <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Vampyr-ou-l-etrange-aventure-d-Allan-Gray-de-Carl-Theodor-Dreyer-1932"><ins>Vampyr</ins></a> que <strong>Dreyer </strong>réalisera 4 ans plus tard. Mais attention aux ponts lancés trop vite, car s'il est toujours tentant de relier quelques séquences à un expressionnisme allemand, <strong>Epstein </strong>exprimait ouvertement son aversion pour des films comme <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Cabinet-du-docteur-Caligari-de-Robert-Wiene-1920"><ins>Le Cabinet du docteur Caligari</ins></a>.</p>
<p>La modernité de la mise en scène reste vraiment incroyable, que ce soit dans le point de vue subjectif de certains travellings avant (ce plan au ras du sol, dans un couloir, au milieu des feuilles tourbillonnantes et des rideaux malmenés par un vent puissant !), dans les ruptures de rythme et de style pour figurer les différents temps du récit, dans les ambiances tissées avec délicatesse — la figuration par surimpression du mal qui s'empare de Madeleine (interprétée par <strong>Marguerite Gance</strong>, la femme d’<strong>Abel</strong>) lorsque Roderick apporte les derniers coups de pinceau à son portrait... Un poème gothique très court, finalement, à l'échelle de sa filmographie des années 20, qui marque un tournant esthétique sidérant avec le recul. La femme donne sa vie pour un tableau (un peu comme <strong>Epstein </strong>sacrifie sa société de production pour voir naître le film), et sa résurrection coûtera au couple son manoir, l'un et l'autre étant tragiquement liés.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chute_de_la_maison_usher/.couple_m.jpg" alt="couple.jpg, janv. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chute_de_la_maison_usher/.femme_m.jpg" alt="femme.jpg, janv. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chute_de_la_maison_usher/.robe_m.jpg" alt="robe.jpg, janv. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chute_de_la_maison_usher/.manoir_m.jpg" alt="manoir.jpg, janv. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Chute-de-la-maison-Usher-de-Jean-Epstein-1928#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/710L'Hirondelle et la Mésange, de André Antoine (1920)urn:md5:0f61f11988ce7b48a38c9d77ae87ff622020-06-13T12:16:00+02:002020-06-13T12:16:00+02:00RenaudCinémaBateauBelgiqueCinéma muetJean EpsteinJean VigoPoésieRéalisme <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.hirondelle_et_la_mesange_m.jpg" alt="hirondelle_et_la_mesange.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Rivière sans retour</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>L'Hirondelle et la Mésange</ins> vient rejoindre le cortège formé par <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Belle-Nivernaise-de-Jean-Epstein-1924"><ins>La Belle Nivernaise</ins> </a>(1924, <strong>Jean Epstein</strong>), <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Atalante-de-Jean-Vigo-1934"><ins>L'Atalante</ins></a> (1934, <strong>Jean Vigo</strong>) et <ins>Sous les ponts</ins> (1946, <strong>Helmut Käutner</strong>) dans le registre des romances fluviales caractérisées par une grande tendresse et marquées par une poésie s'exprimant à chaque fois dans des cadres stylistiques, temporels et géographiques bien distincts. L'histoire, très originale ici, d'un batelier naviguant sur les canaux reliant Anvers au Nord de la France à bord d'un assemblage de deux péniches (les deux oiseaux du titre) dont il est le propriétaire avec sa femme et sa belle-sœur. Petite spécificité familiale : pour arrondir les fins de mois, le bateau sert de support pour convoyer des diamants en provenance de divers trafics, soigneusement dissimulés au niveau du gouvernail durant leur acheminement à travers la frontière franco-belge.</p>
<p>Mais cette histoire n'a pas pu émerger à l'époque de sa réalisation (et n'a failli jamais émerger), en raison d'un distributeur frileux quelque peu effrayé par un contenu qu'il considérait comme démesurément documentaire, par opposition au mélodrame fictionnel, à une époque où le genre n'était pas du tout constitué et où ces aspects liés au témoignage n'étaient pas universellement intelligibles. Il faudra attendre plus de 60 ans pour que les négatifs soient redécouverts et enfin dûment exploités.</p>
<p><strong>André Antoine </strong>(encore un qui devait toujours manger en premier à la cantine) s'est ainsi donné beaucoup de mal pour filmer la vie sur une péniche, avec des points de vue aussi nombreux que variés, que ce soit le long de paisibles travellings parallèles aux berges qui regardent la vie au bord des canaux ou lors des passages fréquents de ponts mobiles (se dressant ou se tournant de toutes les façons imaginables). Le pilote que le patron embauche pour l'aider dans ses tâches physiques, qui révèlera ses véritables intentions après une longue période d'acclimatation et de prise d'informations, est interprété par <strong>Pierre Alcover</strong>, un colosse à la présence assez incroyable — du moins lorsqu'il avait 27 ans... Un peu comme dans <ins>La Belle Nivernaise</ins> qui se terminait sur le mariage, flirtant avec l'amoral, de deux personnes considérées comme frère et sœur, <ins>L'Hirondelle et la Mésange</ins> adopte une trajectoire étonnante puisque le pilote qui était destiné à la belle-sœur finira obnubilé par la femme de son patron : une longue séquence effleurant l'érotisme (voire franchement érotique pour l'époque) qui voit la femme s'enrouler le buste d'une broderie agira à ce titre comme un ensorcellement. Le début d'un ultime segment, orientée vers la tragédie et le silence des eaux.</p>
<p>À travers le réalisme des situations (à l'origine de sa quarantaine qui dura 60 ans), la poésie diffuse, le tournage en extérieur qui refuse nettement le studio (par opposition à un <strong>Louis Delluc </strong>par exemple), le détour par l'Ommegang belge (un cortège folklorique qui n'avait lieu à Anvers que tous les 25 ans) ou encore l'interprétation des acteurs qui brillent par leur sobriété à une époque qui favorisait exactement l'inverse, <ins>L'Hirondelle et la Mésange</ins> développe une étonnante forme de modernité. Déroutante hier, appréciable aujourd'hui.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.1_m.png" alt="1.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.2_m.png" alt="2.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.3_m.png" alt="3.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.4_m.png" alt="4.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.5_m.png" alt="5.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.6_m.png" alt="6.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.7_m.png" alt="7.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hirondelle_et_la_mesange/.8_m.png" alt="8.png, juin 2020" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Hirondelle-et-la-Mesange-de-Andre-Antoine-1920#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/789Gardiens de phare, de Jean Grémillon (1929)urn:md5:80a3e3aef6b671813eb14631658766f92020-01-09T23:32:00+01:002020-01-09T23:43:42+01:00RenaudCinémaBretagneCinéma muetIsolementJean EpsteinJean GrémillonMarinPhareRage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/gardiens_de_phare/.gardiens_de_phare_m.jpg" alt="gardiens_de_phare.jpg, janv. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Amertume bigoudène</strong></ins></span>
</div>
<p>Un bout de pellicule retrouvé 25 ans après sa sortie quelque part au Danemark, et voilà ressuscité le film de <strong>Grémillon</strong>. L'état est proche de la catastrophe tant la qualité s'apparente plus au daguerréotype poussiéreux qu'autre chose, mais assez bizarrement ce grain très épais et ces multiples imperfections renforcent l'opacité du mélodrame et la noirceur de l'histoire, très épurée, qui voit un homme et son fils prisonniers de leur phare, au milieu d'une mer déchaînée.</p>
<p><ins>Gardiens de phare</ins> procède par une série d'allers-retours, entre la terre et la mer, entre le présent et le passé, entre la réalité et le rêve, entre le champ sur les hommes qui partent en bateau et le contrechamp sur les femmes bigoudènes qui leur disent au revoir. C'est une vision de l'onirisme qui peut faire penser à la poésie d'un <strong>Jean Vigo</strong>, mais c'est du côté de <strong>Jean Epstein </strong>que les passerelles sont les plus nombreuses, à commencer par le très grand dénominateur commun de la culture bretonne que le film partage avec <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Finis-Terrae-de-Jean-Epstein-1929">Finis Terrae</a></ins>, lui aussi le regard rivé sur les côtes rocailleuses du Finistère battues par le vent et la marée, lui aussi focalisé sur le travail éprouvant des hommes — en l'occurrence les goémoniers.</p>
<p>Mais la trame narrative a une importance largement supérieure ici, puisque un des ressorts dramatiques est lié au déclenchement de la maladie chez l'un des personnages, qui avait été mordu par un chien (enragé, on l'apprendra après) avant son départ. Peu à peu, il sombre dans la folie, cloîtré dans le phare, au sein d'une atmosphère incroyable faite d'ombre et de lumière qui parvient malgré tout à se frayer un chemin à travers les défauts de pellicule. On lorgne par moments presque du côté du fantastique, renforçant encore une fois le parallèle avec <strong>Epstein</strong>, cette fois-ci du côté de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Chute-de-la-maison-Usher-de-Jean-Epstein-1928"><ins>La Chute de la maison Usher</ins></a> (sorti un an avant). L'accès de rage chez le fils peut paraître un peu outrancier vu d'aujourd'hui, limite horrifique, mais la montée en tension angoissante reste entière : la tragédie qui se noue dans les dernières minutes, alors qu'on vient de quitter des flashbacks heureux, alors que les femmes restées à terre croient que la catastrophe est évitée lorsque la lumière du phare se rallume, n'en est que plus poignante.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/gardiens_de_phare/.phare_m.jpg" alt="phare.jpg, janv. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Gardiens-de-phare-de-Jean-Gremillon-1929#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/736La Belle Nivernaise, de Jean Epstein (1924)urn:md5:161ee36c45b878345db1baee0f6a991e2019-11-07T20:01:00+01:002019-11-07T20:47:46+01:00RenaudCinémaBateauExpressionnismeJean EpsteinPoésie <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/belle_nivernaise/.belle_nivernaise_m.jpg" alt="belle_nivernaise.jpg, nov. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Au fil de l'eau</strong></ins></span>
</div>
<p><strong>Jean Epstein</strong> à ses débuts, 26 ans à peine, explorait un cinéma beaucoup plus pragmatique et naturaliste dans <ins>La Belle Nivernaise</ins> (1924) que dans ses œuvres de la fin des années 20 (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Chute-de-la-maison-Usher-de-Jean-Epstein-1928"><ins>La Chute de la maison Usher</ins></a>, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Finis-Terrae-de-Jean-Epstein-1929">Finis Terrae</a></ins>), empreintes d'expérimentations formelles et de pulsions expressionnistes. On pourrait reconnaître quelques notes esthétiques annonciatrices de son style à venir, notamment à travers l'utilisation répétée de surimpressions mais aussi dans la mobilité de la caméra plutôt étonnante à cette époque du muet. Mais cette comédie dramatique fluviale reste relativement simple dans son exécution, en comparaison : l'histoire d'un enfant des rues recueilli par le patron d'une péniche, au gré de ses flirts avec la fille de son père adoptif, accommodée de péripéties ayant trait à une rivalité amoureuse et à l'émergence d'une paternité cachée.</p>
<p>L'occasion ceci dit de remarquer que les romances sur l'eau semblent constituer un genre à part entière, en seulement quelques films emblématiques des décennies à venir : 10 ans plus tard, <strong>Jean Vigo </strong>réalisera <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Atalante-de-Jean-Vigo-1934"><ins>L'Atalante</ins></a> (1934), et <ins>Sous les ponts</ins> de <strong> Helmut Käutner </strong>arrivera dans la décade suivante (1946) — les propositions pour les années 50 et en suivant sont bienvenues. Assez étrangement, ces trois excursions nautiques partagent les mêmes élans poétiques d'une très grande douceur, même si l'expression de cette poésie diffère sensiblement d'une décennie à l'autre, d'un pays à l'autre.</p>
<p>La romance qui unit l'orphelin temporaire Victor à la fille Clara n'est cependant pas aussi "simple" qu'évoqué plus haut, puisque <ins>La Belle Nivernaise</ins> se termine sur le mariage de deux personnages que l'on a été amené à considérer comme frère et sœur pendant tout le film... Quelques passages sont aussi très particuliers, envoûtants, comme celui qui a recours à une surimpression pour fondre le visage d'un personnage dans le portrait de Sainte Anne, un tableau de <strong>Léonard de Vinci</strong>, ou encore la présentation de certains nouveaux univers (l'internat vécu comme un lieu très hostile par Victor, ou le réveil à l'infirmerie avec le visage de la sœur qui s'approche de lui cerné d'une guimpe blanche immense).</p>
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