Je m'attarde - Mot-clé - Jeunesse le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearMamma Roma, de Pier Paolo Pasolini (1962)urn:md5:b5b72b83944c72a914ca76522ba11bd12022-12-01T14:52:00+01:002022-12-02T08:32:09+01:00RenaudCinémaAnna MagnaniFamilleItalieJeunesseNéoréalismePier Paolo PasoliniProstitutionRécit d apprentissage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mamma_roma/.mamma_roma_m.jpg" alt="mamma_roma.jpg, oct. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"À ton âge, la seule femme dont tu as besoin, c'est ta mère."<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Premier film que l'on peut considérer "normal" que je vois chez <strong>Pasolini</strong>, faisant suite à 4 tentatives sur une quinzaine d'années marquées par des tonalités hautement subversives, expérimentales, excessives, difficilement appréciables pour des raisons très diverses — <ins>Salò ou les 120 journées de Sodome</ins>, <ins>Théorème</ins>, <ins>Porcherie</ins> et le dernier en date, <ins>Œdipe roi</ins>. Au début des années 60, longtemps avant <ins>Salo</ins> (1975), son cinéma s'inscrivait ainsi dans une veine néo-réaliste assez classique avec une actrice on ne peut plus représentative de ce courant, <strong>Anna Magnani</strong>, en prostituée d'une quarantaine d'années récemment libérée de son mac souhaitant reprendre le cours d'une vie normale avec son fils.</p>
<p>Dans un style presque académique a posteriori, le réalisateur se fait très habile dans l'observation d'un environnement social verrouillé — que ce soit pour la mère, le fils, l'amie, tous les horizons sont bouchés. Il y une forme de fatalité dans le sort de la protagoniste éponyme Mamma Roma, victime comme d'autres de lois sociales inéluctables, qui permet d'aller au-delà de l'apparente simplicité d'un tel film avec des enjeux limpides. Initialement on peut craindre des excès propres au cinéma italien de l'époque dans le personnage très excentrique de Magnani lors du mariage et d'un repas faisant écho à la Cène, mais l'ensemble sera agréablement mesuré. Dans ce monde en ruines, les personnages se débattent comme ils peuvent, et c'est un écrin de choix pour <strong>Pasolini </strong>qui laisse libre cours à son inspiration spirituelle en multipliant les symboles christiques, le dernier d'entre eux étant probablement le plus fort, avec la quasi-crucifixion du fils dans un hôpital-prison.</p>
<p>Il y a dans l'arrière-plan un déterminisme social révoltant, exacerbé par une photographie en noirs prononcés et blancs éclatants (avec quelques passages nocturnes presque surréalistes), et rappelé par des terrains vagues omniprésents pour accueillir la jeunesse désœuvrée. Impossible d'échapper à sa condition (thème récurrent autour de l'actrice <strong>Anna Magnani</strong>), quand bien même une mère serait animée d'un amour maternel incandescent. L'opposition entre les deux corps, la mère solide et fière, le fils frêle et maladroit, accentue l'étrangeté de l'association et l'aveuglement d'une croyance en un salut impossible.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mamma_roma/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, oct. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mamma_roma/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, oct. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mamma_roma/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, oct. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Mamma-Roma-de-Pier-Paolo-Pasolini-1962#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1080Trois dans un sous-sol, de Abram Room (1927)urn:md5:5f36f509156d4b32bdb96c5faa01b8af2020-03-16T08:59:00+01:002020-03-16T09:03:59+01:00RenaudCinémaAvortementCinéma muetEmancipationFéminismeHomosexualitéJeunesseMoscouRussie <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/trois_dans_un_sous-sol/.trois_dans_un_sous-sol_m.jpg" alt="trois_dans_un_sous-sol.jpg, mar. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Avant-garde de l'émancipation</strong></ins></span>
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<p>Derrière ce titre mi-suggestif mi-glauque se cache un film soviétique d'une étonnante liberté de ton. On est dans les années 20 et <strong>Abram Room </strong>aborde de manière parfaitement explicite une série de thèmes d'une modernité incroyable : dans cet appartement moscovite (aux apparences légèrement bourgeoises quand même) où se retrouveront deux ouvriers et la femme de l'un d'eux, il sera question de triolisme et de libertinage à peine voilés, d'homosexualité, de féminisme et même d'avortement.</p>
<p>Cette scène comique dans laquelle les deux hommes Vladimir et Nikolaï s'embrassent, l'un faisant une blague et l'autre pensant embrasser la femme, est vraiment mémorable. De l'autre côté du spectre émotionnel, il y a ce moment où les deux hommes décident de concert que la femme enceinte doit avorter, sans avoir cherché à en discuter au préalable avec la principale concernée. Lorsque Lioudmila se retrouvera dans la salle d'attente d'une clinique, toute seule, au moment de faire un choix, c'est la place de la femme au sein de la société soviétique qui se trouve questionnée. Elle choisira la voie de l'émancipation en mettant les voiles.</p>
<p>On se croirait à certains moments dans l'équivalent russe du Forbidden Hollywood, ces films de l'ère Pré-Code qui manifestaient une incroyable liberté de forme et de ton avant la mise en place de la censure Hays. Avec en prime quelques aperçus poétiques de la vie à Moscou au début du 20ème siècle, dans la rue et sur les chantiers de construction, comme une vague évocation du cinéma à venir de <strong>Dziga Vertov </strong>(<ins>L'Homme à la caméra</ins> sort deux ans plus tard) — ou <strong>Walter Ruttmann</strong> la même année, du côté allemand, avec <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Berlin-symphonie-d-une-grande-ville-de-Walther-Ruttmann-1927">Berlin, symphonie d'une grande ville</a></ins>.</p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/trois_dans_un_sous-sol/.appart_m.jpg" alt="appart.jpg, mar. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Trois-dans-un-sous-sol-de-Abram-Room-1927#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/747La Ballade du soldat, de Grigori Tchoukhraï (1959)urn:md5:75bf7cb38264891e6eab1b2bbb2f24e32019-09-09T11:17:00+02:002019-09-09T10:34:18+02:00RenaudCinémaAdolescenceCritiqueGrigori TchoukhraïGuerreJeunessePropagandeRussieSeconde Guerre mondiale <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ballade_du_soldat/.ballade_du_soldat_m.jpg" alt="ballade_du_soldat.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="ballade_du_soldat.jpg, juil. 2019" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Propagande(s)</strong></ins></span>
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<p>Il faudra bien un jour qu'on m'explique pour quelles raisons le drame sied aussi bien à certains cinémas, à certaines nationalités, époques ou cultures, et pas à d'autres. Comment il épouse parfaitement certains codes, dans certains registres, alors qu'il devient insipide, larmoyant ou nauséeux dans d'autres. <ins>La Ballade du soldat</ins> s'inscrit parfaitement dans le créneau du mélodrame de propagande soviétique, dans la droite lignée d'œuvres particulièrement marquantes comme <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Quand-passent-les-cigognes-de-Mikhail-Kalatozov-1957"><ins>Quand passent les cigognes</ins></a> de <strong>Mikhail Kalatozov </strong>(qui faisait pourtant preuve, à cette occasion, d'une très relative parcimonie). La dimension propagandiste du film de guerre ne fait aucun doute, à aucun moment : dans les 15 premières minutes, on apprend que le protagoniste Aliocha, un jeune soldat de dix-neuf ans engagé dans la Seconde Guerre mondiale, est mort au front. L'objet du film est de raconter très brièvement ses exploits, à mains nues face à plusieurs Panzer, avant de partir dans l'arrière pays à la rencontre de sa mère et ainsi parcourir des paysages très éloignés des combats mais profondément imprégnés de ses conséquences, en exhibant ses stigmates.</p>
<p>Mais même si la propagande s'affiche régulièrement au cours du film, sa dimension curieusement anti-militariste, tout aussi claire, offre un contrepoint très intéressant et lui permet d'atteindre une position d'équilibre étonnante. Aliocha ne correspond en rien à l'archétype du parfait petit soldat : après s'être illustré sur la champ de bataille, il refuse la médaille que les hauts gradés lui promettent en échange d'une permission pour aller rendre visite à sa mère et réparer le toit de sa maison. Le film est presque entièrement dédié à ce voyage retour, au cours duquel Aliocha rencontrera Choura, une belle jeune fille de son âge, dans le wagon d'un train rempli de paille. La façon dont est raconté cet épisode, le parcours de la campagne russe, rappelle sous certains aspects le périple du protagoniste dans <ins>L'Enfance d'Ivan</ins> d'<strong>Andreï Tarkovski</strong>, dénué de ses composantes oniriques et panthéistes. C'est un voyage très long, qui s’avérera beaucoup plus difficile que prévu, semé d'obstacles, et saupoudré d'une romance qui ne s'affirmera jamais complètement. Entre deux événements tragiques, comme des bombardements meurtriers, il y a toujours un passage bucolique, un détail très prosaïque, avec un camion qui s'embourbe ou un amant qui se cache dans la pièce du fond.</p>
<p>Il faut sans doute chercher du côté du lyrisme de la mise en scène pour expliquer en quoi cette tragédie (familiale, sentimentale, et plus généralement existentielle) est aussi bouleversante, sans que cet aspect-là ne s'accompagne d'un ridicule et d'un larmoyant de supermarché. Il y a ces éclairages pénétrants, dignes du réalisme poétique français des années 30, qui découpent les visages des amoureux lors de leur rencontre, dans le train. Il y a ce moment illustrant des adieux déchirants, où à peine viennent-ils de se témoigner les prémices de leurs sentiments amoureux, très timidement, que le train d'Aliocha commence à partir dans l'arrière-plan, signant la fin de leur rencontre. Et il y a bien sûr cette courte séquence avec sa mère, qu'il vient tout juste de rejoindre au terme d'un long périple : à peine a-t-il eu le temps de la serrer dans ses bras qu'il doit repartir à la guerre, pour ne jamais en revenir, comme annoncé en introduction.</p>
<p>On pourrait croire à un excès de pathos presque évident, à la lecture de ces quelques passages, et pourtant la simplicité du message résonne plus comme une marque de clairvoyance que comme une forme de mièvrerie. Parce que derrière le discours résolument anti-militariste, il y a toute la farouche spontanéité de la jeunesse, avec sa délicate fragilité et sa vigueur insolente, esquissée en seulement quelques séquences d'un charme fou. Le film forme alors une boucle poétique autour de la route se faufilant jusque dans l'arrière-plan, comme un motif récurrent, repris en introduction et en conclusion, cette route qui voit d'un côté le fils partir fièrement au front, et de l'autre le fils repartir tragiquement vers sa mort. On sait qu'il ne reviendra pas, et le deuil de la mère en hors-champ sera le carburant alimentant la critique de la guerre. Le récit a beau constamment cultiver cette forme de naïveté selon un chemin rectiligne bien balisé, la candeur qui en résulte ne fait qu'amplifier la puissance dramatique de ses tournants insoupçonnés.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ballade_du_soldat/.train_m.jpg" alt="train.JPG" title="train.JPG, juil. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ballade_du_soldat/.surimpression_m.jpg" alt="surimpression.jpg" title="surimpression.jpg, juil. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ballade_du_soldat/.foin_m.jpg" alt="foin.JPG" title="foin.JPG, juil. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ballade_du_soldat/.rayon_m.jpg" alt="rayon.jpg" title="rayon.jpg, juil. 2019" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Ballade-du-soldat-de-Grigori-Tchoukhrai-1959#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/674Elle n'a dansé qu'un seul été, de Arne Mattsson (1951)urn:md5:91634f941baa36dad5882a828dd9f0ca2019-02-26T14:00:00+01:002019-02-26T20:45:52+01:00RenaudCinémaCoupleEmancipationErotismeIngmar BergmanJeunesseReligionSuède <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/elle_n-a_danse_qu-un_ete/.elle_n-a_danse_qu-un_ete_m.jpg" alt="elle_n-a_danse_qu-un_ete.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="elle_n-a_danse_qu-un_ete.jpg, fév. 2019" /><div id="centrage">
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Jeux d'été</strong></ins></span><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong><br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Impossible (ou du moins très difficile) de ne pas considérer <ins>Elle n'a dansé qu'un seul été</ins>, du réalisateur suédois <strong>Arne Mattsson, </strong>à l'aune de deux particularités.</p>
<p>La première, c'est la scène où les deux jeunes amoureux se retrouvent dénudés au cours d'une baignade qui fut à l'époque jugée sulfureuse, à tel point que le film fut interdit dans certains pays et sortit avec des années de retard aux États-Unis. Quand on voit la scène en question aujourd'hui, qui expose notamment la poitrine d'<strong>Ulla Jacobsson</strong> mais qui en outre capte un très beau moment sensuel dans un étang bordé de roseaux, on peut s'amuser en observant l'évolution des normes institutionnelles en matière de suggestion maximale tolérée. D'autres éléments au-delà du scandale et de cette partie-là de la renommée du film, heureusement, ont résisté à l'épreuve du temps.</p>
<p>La seconde, c'est la parenté avec le premier segment de la filmographie d'un autre cinéaste suédois, <strong>Ingmar Bergman</strong>, qui réalisait la même année <ins>Jeux d'été</ins>. On ne peut que constater la multitude de points communs dans la façon d'appréhender la romance et les contraintes comme autant d'obstacles à l'émancipation des jeunes adultes. Le tragique et la légèreté entremêlés, avec un soupçon de mélancolie, mais aussi le personnage de Marie qui disait aussi, chez <strong>Bergman</strong>, "<em>je ne crois pas que Dieu existe, et s'il existe, je le haïrai toujours... S'il était devant moi, je lui cracherais au visage</em>".</p>
<p>L'histoire de Goran (comme un <strong>Gérard Philipe </strong>suédois) et Kerstin, présentée à la faveur d'un flashback amorcé lors d'un enterrement en introduction, se résume à un amour impossible, condamné par les parents autant que par l'église. Ils se rencontrent lors des vacances d'été, mais les mœurs extrêmement puritaines alimentées par un pasteur rigoriste forment des contraintes sociales qui les empêcheront de s'épanouir. Le portrait qui est fait du pasteur peut paraître quelque peu forcé, dans sa façon d'invoquer la colère de dieu, à travers son rôle dans l'accident de moto auquel Kerstin ne survivra pas. Il concentre beaucoup de maux pour quelqu'un qui condamne aussi durement l'immoralité de ses agneaux, en opposition avec l'oncle Persson, beaucoup moins instruit, qui sera le seul à exprimer de la tendresse et de la tolérance pour la jeune disparue. Un charge anticléricale assez forte, une opposition nuancée entre mœurs citadines et campagnardes, et des moments de liberté parsèment le film, et rappellent eux aussi certains films de <strong>Bergman</strong>, à commencer par <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Monika-de-Ingmar-Bergman-1953">Monika</a></ins>.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/elle_n-a_danse_qu-un_ete/.lac_m.jpg" alt="lac.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="lac.jpg, fév. 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Elle-n-a-danse-qu-un-seul-ete-de-Arne-Mattsson-1951#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/621Je ne regrette rien de ma jeunesse, de Akira Kurosawa (1946)urn:md5:297c10ea4e6e4d898bb44c1d136885ea2017-02-25T15:00:00+01:002017-02-25T15:13:12+01:00RenaudCinémaAdolescenceAkira KurosawaCinéma asiatiqueJaponJeunesseKaneto ShindōMilitantismeSeconde Guerre mondialeSetsuko HaraYasujirō Ozu <div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse/.je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse_A_m.jpg" alt="je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse_A.jpg" title="je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse_A.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse/.je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse_B_m.jpg" alt="je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse_B.jpg" title="je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse_B.jpg, fév. 2017" />
<br /><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>Le goût du passé<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><strong>Kurosawa </strong>s'aventurant (rétrospectivement, vu d'aujourd'hui) sur les terres habituellement balisées par <strong>Ozu</strong>, avec quelques brefs détours du côté de <strong>Shindō</strong> (toujours aussi anti-chronologiquement), c'est quelque chose de particulièrement surprenant pour quelqu'un comme moi qui ne connaît pas cette partie-là de sa filmographie, plus frontalement "sociale", plus contemplative, plus attachée à la description d'une époque contemporaine. Cet effet de surprise est bien sûr artificiel, lié à une connaissance extrêmement parcellaire des filmographies des cinéastes cités précédemment, mais il n'en demeure pas moins vigoureux.</p>
<p><ins>Je ne regrette rien de ma jeunesse</ins> présente de fait l'intérêt d'un film ancré de tout son poids dans le contexte historique de la Seconde Guerre mondiale, un regard rare et donc précieux sur le régime militariste des années qui ont précédé l'implication du Japon dans le conflit mondial. L'ossature du film et sa charpente narrative s'articule principalement autour de la probité de sa protagoniste (fait rare chez <strong>Kurosawa </strong>: une femme tient le premier rôle) et dans une forme de rigueur intellectuelle qui façonne son avenir, comme si la morale lui dictait directement la conduite à adopter. En filigrane, derrière les motivations de l'héroïne, on devine bien sûr une critique des ravages causés par la politique expansionniste de sa propre patrie. Le fait qu'il soit question de la promotion de la démocratie au milieu du 20ème siècle, de l'émancipation des femmes et des paysans pauvres ostracisés, et du droit à l'enseignement et à la liberté d'expression n'est évidemment pas décorrélé de la signature que porte ce film.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse/.fleurs_m.jpg" alt="fleurs.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="fleurs.jpg, fév. 2017" /></p>
<p>Au centre, donc, la trajectoire de <strong>Setsuko Hara </strong>sur une dizaine d'années, des bancs de l'université jusqu'à la boue des rizières. <strong>Kurosawa </strong>met l'accent (peut-être un peu trop d'ailleurs, dans la logique du mélodrame) sur chaque décision qu'elle a à prendre en les présentant comme autant de dilemmes moraux. Quel homme choisir, quel courant adopter, quelle famille entretenir ? Chacun de ses choix s'aborde sous le signe du sacrifice le plus déchirant et il faudra attendre la toute fin du film pour que les choix intimes de la protagoniste soient enfin assumés, pleinement, tout en étant porteurs de joie et d'espoir.</p>
<p>Lorsqu'elle décide d'aider les parents du défunt Noge, <strong>Setsuko Hara</strong>, une femme de la ville, se transforme soudainement en paysanne et semble projetée dans le film de <strong>Kaneto Shindō</strong>, <ins>L'Île nue</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-ile-nue-de-Kaneto-Shindo-1960">lire le billet</a>) : sa quête de justice et de liberté (comme son père le lui a enseigné : "<em>N’oublie jamais que tu es responsable de tes actes. La liberté est le fruit d’un combat.</em>") ainsi que son abnégation sont illustrées dans un style au lyrisme imparable. Du travail des rizières, <strong>Kurosawa </strong>en fait un acte épique en le mettant en scène de manière très dynamique, comme une tâche titanesque comportant son lot d'épisodes ludiques — durant un certain temps du moins. Il extrait toute la sève extraordinaire du travail de la terre dans un style que ne renierait pas un réalisateur soviétique comme <strong>Mikhail Kalatozov</strong>.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse/.piano_m.jpg" alt="piano.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="piano.jpg, fév. 2017" /></p>
<p>On pourra regretter de nombreuses maladresses liées aux grosses ficelles et aux gros sabots du mélodrame, mais la peinture des mouvements syndicaux en temps de guerre, empreinte de réalisme social dans un pays en pleine mutation, vaut assurément le détour. Le message adressé à la jeunesse japonaise, sur la nécessité de bien choisir les éléments idéologiques qui paveront la route de leur avenir à la lumière de l'histoire passée, a beau être simple (ou paraître simple, du moins, 70 ans après), il n'en reste pas moins pertinent. Le symbole du cours d'eau qui s'écoule lors des premières et dernières séquences donne une image un peu didactique des enjeux et du cours de la vie, mais il permet de refermer le film sur une touche réconciliatrice, d'une incroyable douceur : point de rancœur dans les yeux de <strong>Setsuko Hara</strong>, en paix avec elle-même, alors qu'elle renoue avec ceux qui l'avaient si durement rejetée par le passé.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_ne_regrette_rien_de_ma_jeunesse/.jeunesse_m.jpg" alt="jeunesse.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="jeunesse.jpg, fév. 2017" /></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Je-ne-regrette-rien-de-ma-jeunesse-de-Akira-Kurosawa-1946#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/390Monika, de Ingmar Bergman (1953)urn:md5:8a7d4f20a193a2cd3d76795bd9b58e352015-02-28T21:14:00+01:002015-03-01T00:17:23+01:00RenaudCinémaCoupleDésirErotismeIleIngmar BergmanJeunesseMélancolieNatureSuède <p><img title="monika_poster.jpg, fév. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="monika_poster.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/monika_et_le_desir/.monika_poster_m.jpg" /></p>
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>L'art du regard<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><ins>Monika</ins> (aussi appelé <ins>Un été avec Monika</ins> ou encore <ins>Monika et le désir</ins>) est un de ces films qui valent le détour au moins pour une de leurs scènes. Le regard mélancolique de <strong>Harriet Andersson</strong>, qui brûle rétine et pellicule aux deux tiers du film, est quelque chose qu'on n'oublie pas.</p>
<p>Des trois parties que compte le film, la première est sans doute la moins réussie. Précurseur de tout un pan de la Nouvelle Vague (ceci explique sans doute cela), <strong>Bergman</strong> filme Stockholm à travers le filtre d'un naturalisme social très appuyé qui résiste tout de même assez mal à l'épreuve du temps. Les destins parallèles de Monika et Harry, tous deux en souffrance dans leur travail empêchant toute émancipation, finissent par se rejoindre et fusionner. Le désir d'évasion de Monika se conjugue rapidement à celui de Harry et leur rencontre agit comme le catalyseur de leurs aspirations.</p>
<p><img title="rocher.jpg, fév. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="rocher.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/monika_et_le_desir/.rocher_m.jpg" /></p>
<p>Les amants partent alors à la découverte de l'île d'Orno, dans une seconde partie en rupture de style total. Au contact de la nature, la caméra de <strong>Bergman </strong>s'enflamme, et enflamme avec elle leur relation amoureuse naissante : la vie sauvage et l'idylle estivale est un terreau de choix. Le bonheur enivrant du couple adolescent scintille à l'écran comme les reflets chatoyants du soleil dans l'eau. Le vent caresse les herbes hautes de ces terres en friche comme Harry caresse la joue de Monika. La mise en scène est un instrument au service du récit et magnifie la fragilité de ce bonheur que l'on pressent évanescent. L'amour se consume à petit feu et s’accommode mal des réalités matérielles qu'on rejette tant bien que mal...</p>
<p><img title="bateau.jpg, fév. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="bateau.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/monika_et_le_desir/.bateau_m.jpg" /></p>
<p>Arrive enfin le troisième et dernier temps du récit. Monika la naïade, aux courbes chargées d'un érotisme débordant, devient Monika l'insatisfaite dès lors que le retour à Stockholm devient une nécessité. C'est à la faveur d'un déplacement professionnel de Harry, de retour à la vie adulte bordée de contraintes, que Monika donnera à la caméra un des regards les plus intenses de mon histoire du cinéma. Un regard franc et direct, surprenant et questionnant. Des yeux rieurs à l'issue d'un flirt, mais emplis du désarroi qui s'empare d'une femme qui s'apprête à tromper son amant. Un regard qui prend le spectateur à témoin, qui le tire de toutes ses forces dans le cadre du film et qui l'oblige à se positionner, à poser à son tour un regard sur « le mépris qu'elle a d'elle-même d'opter involontairement pour l'enfer contre le ciel » comme disait <strong>Jean-Luc Godard</strong>. Son attitude est-elle moralement condamnable ? Monika, qui était l'élément moteur du couple et du récit, à l'origine de toutes les initiatives, devient soudainement coupable. Mais coupable de quoi ? C'est la question qui est soulevée, qui suscite le doute et qui se heurte à notre subjectivité.</p>
<p>Les lumières s'éteignent, laissent le visage de Monika seul à l'écran dans un plan resserré, presque intime, d'une tristesse infinie.</p>
<p><img title="monika.jpg, fév. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="monika.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/monika_et_le_desir/.monika_m.jpg" /></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Monika-de-Ingmar-Bergman-1953#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/274