Je m'attarde - Mot-clé - Justice le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearParadise Lost: The Child Murders at Robin Hood Hills, de Joe Berlinger et Bruce Sinofsky (1996)urn:md5:623737f7cc0f43486d0d84b7f1259a802024-02-17T15:10:00+01:002024-02-17T15:12:26+01:00RenaudCinémaAdolescenceDocumentaireEnfanceErreurJusticeMetalMetallicaMeurtrePoliceProcèsSatanismeTribunal <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/paradise_lost_the_child_murders_at_robin_hood_hills.jpg" title="paradise_lost_the_child_murders_at_robin_hood_hills.jpg, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/.paradise_lost_the_child_murders_at_robin_hood_hills_m.jpg" alt="paradise_lost_the_child_murders_at_robin_hood_hills.jpg, févr. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"I kind of enjoy it now because even after I die, people are gonna remember me forever. People are gonna talk about me for years. People in West Memphis will tell their kids stories... It'll be sorta like I'm the West Memphis boogie man. Little kids will be looking under their beds - Damien might be under there!"</strong></ins></span>
</div>
<p>L'année 2023 a été riche en films de procès du côté du cinéma français, notamment avec <ins>Anatomie d'une chute</ins> de <strong>Justine Triet</strong> orienté vers le portrait d'une femme et l'analyse d'un couple, d'une part, et d'autre part <ins>Le Procès Goldman</ins> de <strong>Cédric Kahn</strong> dédié au deuxième procès de <strong>Pierre Goldman </strong>en 1976. Pas des films qui ont leurs chances dans le top 10 des films les plus joyeux... Mais en comparaison de ce qui est montré dans <ins>Paradise Lost : The Child Murders at Robin Hood Hills</ins>, un documentaire produit par HBO à la fin des années 1990, eh bien ce sont vraiment des films pour enfants de chœurs. Le doc de <strong>Joe Berlinger </strong>et <strong>Bruce Sinofsky </strong>plonge dans une histoire particulièrement glauque et morbide, déterrée des marécages nauséeux de l'Amérique profonde, à West Memphis en Arkansas. Les deux réalisateurs ont suivi le procès de trois jeunes adolescents accusés d'un triple meurtre d'enfants aujourd'hui connu comme les West Memphis Three.</p>
<p>Le style et la nature profondément sinistre de ce qui est rapporté peut évoquer un autre documentaire bouleversant produit par HBO, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Life-of-Crime-1984-2020-de-Jon-Alpert-2021">Life of Crime 1984-2020</a></ins>, réalisé par <strong>Jon Alpert</strong>, qui suivait trois paumés du New Jersey camés jusqu'à l'os sur près de quarante années. Mais ici le sujet revêt une importance assez différente car il est question d'une affaire judiciaire particulièrement abominable (les corps mutilés de trois enfants de huit ans ont été découverts dans un canal de drainage) et que les images de <strong>Berlinger </strong>et <strong>Sinofsky </strong>retranscrivent depuis l'intérieur même du tribunal le déroulement du procès de trois adolescents en exposant l'étendue invraisemblable des approximations, que ce soit du côté de la police ou de la justice. S'il s'agissait d'une fiction, on évoquerait très probablement la grossièreté d'un scénario qui chargerait beaucoup trop la mule au niveau du portrait de ces institutions dysfonctionnelles et de la nature des accusations. On en est littéralement là : tout le monde semble convaincu qu'il s'agit de l'œuvre de garçons possédés par le démon dans le contexte d'un rituel satanique.</p>
<p>Du côté des preuves, sans plaisanter le moins du monde, on présente l'un des accusés comme quelqu'un toujours vêtu de noir et amateur de Metallica. Un autre, dont le QI est évalué à 72 et sur lequel une grosse partie de l'accusation se repose, semble avoir fait l'objet de pressions policières et d'extorsions d'aveux. Le dernier, quand on lui demande où il voudrait aller s'il est acquitté (spoiler : il ne le sera pas, en tous cas pas à l'époque du film), répond Disneyland. On nage en plein surréalisme.</p>
<p>Un documentaire franchement effrayant, d'abord lorsqu'on est confronté à l'abomination des meurtres (attention car la violence macabre graphique des corps mutilés ne nous est pas épargné, et à ce titre il n'est pas destiné à un large public), et dans un second temps lorsqu'on constate l'absolue dysfonction d'un procès envoyant trois ados en prison à vie ou sur la chaise électrique sur la base de témoignages pétris de doutes. On n'est pas au bout de nos peines quand on voit débarquer le beau-père de l'une des victimes, clairement le personnage le plus flippant de toute l'histoire, quand il essaie de nous faire une reconstitution des meurtres à l'endroit où ils ont eu lieu et appelant la vengeance de dieu... Et qui plus tard donnera à l'équipe du film un couteau présentant des traces de sang qui aurait pu être une pièce à conviction de premier ordre si elle n'avait pas été écartée par la police. Manifestement les techniques d'investigation locales ne ressemblent pas à ce que l'industrie cinématographique hollywoodienne a créé dans nos imaginaires. Et, plus grave, le tableau qui en résulte semble privilégier l'hypothèse d'un système judiciaire cherchant à tout prix à préserver les apparences du bon fonctionnement et ce au détriment de la révélation de la vérité. On peut difficilement faire plus glaçant en la matière.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/img1.png" title="img1.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/.img1_m.png" alt="img1.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/img2.png" title="img2.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/.img2_m.png" alt="img2.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/img3.png" title="img3.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/.img3_m.png" alt="img3.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/img4.png" title="img4.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/.img4_m.png" alt="img4.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/img5.png" title="img5.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/.img5_m.png" alt="img5.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/img6.png" title="img6.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/paradise_lost/.img6_m.png" alt="img6.png, févr. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Paradise-Lost-The-Child-Murders-at-Robin-Hood-Hills-de-Joe-Berlinger-et-Bruce-Sinofsky-1996#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1351Comment tuer un juge (Perché si uccide un magistrato), de Damiano Damiani (1975)urn:md5:b23d4cdcb981c62ff8120f85d738cbc52023-09-27T15:12:00+02:002023-09-27T15:12:00+02:00RenaudCinémaAssassinatCensureComplotCulpabilitéDamiano DamianiDouteFranco NeroFrançoise FabianIntégritéItalieJusticeMafiaMortPolitiqueSicileThriller <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.comment_tuer_un_juge_m.jpg" alt="comment_tuer_un_juge.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Nero dans l'étau du doute</strong></ins></span></div>
<p>Le style <strong>Damiani </strong>commence à se dégager plus précisément, et surtout au creux du cinéma politique italien des années 70, années de plomb. Je n'ai pas encore assez de recul pour percevoir la portée méta du personnage de <strong>Franco Nero </strong>dans sa totalité, mais il paraît assez évident de voir dans son personnage de cinéaste, avec un film dans le film qui se trouve être un thriller politique mettant en scène la mort d'un juge proche de la mafia, une dualité avec sa propre personne. Le personnage en question, Solaris, se retrouve au milieu de ce qui ressemble à un complot mafieux et politique lorsqu'un vrai magistrat est assassiné, peu de temps après s'être prononcé contre la censure dudit film.</p>
<p><strong>Franco Nero</strong>, au-delà de son regard bleu perçant (impressionnant ici), incarne une forme de droiture, de probité et d'intégrité mises à mal dans ce monde de fous, reflet de la société italienne. D'un côté <ins>Perché si uccide un magistrato</ins> travaille la fibre du thriller politique avec les morts qui s'amoncellent autour de lui, alimentant diverses hypothèses plus ou moins complotistes, sans qu’on ne parvienne à cerner précisément le contour de la conspiration. De l'autre côté, il y a cette dimension de porte-parole qui évite très clairement le manichéisme et l'illusion d'omniscience en avançant à visage découvert, c'est-à-dire avec les idéaux clairement établis, mais en avançant dans le même temps toute la montagne d'incertitudes qui les accompagne. On sent chez le personnage de <strong>Nero </strong>beaucoup de culpabilité et de questionnements, doutant régulièrement de ses actions et de leurs conséquences, avec bien sûr en tête la sortie de son film qu'il pense pouvoir être à l'origine du meurtre du juge sicilien.</p>
<p>Le personnage de la veuve, dans un premier temps associé à la défense de l'honneur de son mari, offre un très solide contrepoint grâce à l'interprétation de <strong>Françoise Fabian </strong>: pendant un très long moment, tant que la pelote n'est pas déroulée, on l'image enfermée dans le déni, meurtrie, potentiellement apeurée. La réalité sera bien plus sale moralement, même si elle conserve une part de dignité au sein de la toile vénéneuse des puissants et des influents qui cherchent à faire taire les forces menaçant leurs intérêts. C'est un jeu tout en coups cachés où chaque pôle essaie de protéger ses intérêts personnels, et qui souligne sans forcer les méandres de la corruption et de la manipulation. <strong>Nero </strong>dans le rôle du cinéaste-enquêteur qui se bat contre des moulins à vent, plus fébrile qu'à l'accoutumée, est très convainquant, jusqu'à la découverte tristement prosaïque de la vérité. Le dernier plan, avec les différents groupes journalistes / politiques / mafieux, fait son petit effet.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, sept. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Comment-tuer-un-juge-de-Damiano-Damiani-1975#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1240Salvatore Giuliano, de Francesco Rosi (1962)urn:md5:7dd40f66732df1c3f1d86c535f9b18eb2022-12-06T17:20:00+01:002022-12-06T17:21:23+01:00RenaudCinémaAssassinatBanditFrancesco RosiIndépendanceItalieJusticeMafiaPaysanPolitiqueSeconde Guerre mondialeSicile <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salvatore_giuliano/.salvatore_giuliano_m.jpg" alt="salvatore_giuliano.jpg, oct. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Nuances de bandit<br /></strong></ins></span>
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<p>L'approche de <strong>Francesco Rosi </strong>pour aborder l'histoire de Salvatore Giuliano est déroutante, intrigante, et se révèle dans sa dernière partie étonnamment efficace. Le film portant le nom du plus grand criminel de l'époque n'est pas du tout ce qu'on appellerait aujourd’hui un biopic, mais bien plus une radiographie de la Sicile de la fin des années 40 et 50, de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à son assassinat et les procès qui s'ensuivirent. Un complément très intéressant au regard que <strong>Visconti </strong>avait posé sur la région dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-terre-tremble-de-Luchino-Visconti-1948">La terre tremble</a></ins> (1948).</p>
<p><ins>Salvatore Giuliano</ins> ne ménage d'ailleurs aucun suspense à l'endroit de ceux (dont je faisais partie) qui ne connaissent pas son histoire : les premières images montrent la scène d'un meurtre, tout du moins en apparence, celui de Giuliano, étendu devant une maison le corps criblé de balles, tandis que la police criminelle fait son travail d'identification des circonstances. Cet homme, assassiné le 5 juillet 1950 à 27 ans, était un paysan bandit, fer de lance du mouvement indépendantiste sicilien, et aura cristallisé toutes les passions de son époque, autant dans l'adoration que dans la détestation, une configuration que <strong>Rosi </strong>rendra très bien en adoptant une position extrêmement neutre à son égard.</p>
<p>La chose la plus surprenante pour un film ainsi nommé, c'est qu'on ne verra jamais directement ce Robin des Bois sicilien : tout au plus peut-on observer son cadavre, longuement et sous des angles variés, ainsi que sa silhouette furtive. Autant dire qu'à ce niveau-là (ainsi que tous les autres) on est aux antipodes du film de <strong>Michael Cimino</strong>, <ins>Le Sicilien</ins>, avec <strong>Christophe Lambert </strong>dans le rôle-titre... C'est bien plus un film politique, avec de longues parties consacrées au prétoire, qu'une biographie partielle à proprement parler : on sent bien la volonté de décrire les conditions sociales des années 40 et les raisons d'une révolte sur le terreau d'une oppression.</p>
<p>En souhaitant conserver une part d'ombre non-négligeable sur la réalité des événements, en prise directe avec l'état des circonstances pas toutes élucidées, <strong>Rosi </strong>entretient une difficulté d'accès notable, qu'on peut imaginer volontaire ou du moins très prégnante pour un public étranger à l'histoire de la Sicile. <ins>Salvatore Giuliano</ins> analyse sous de nombreux aspects les rapports (pour ne pas dire la collusion) entre la mafia, les partis politiques et l'institution judiciaire : il est parfois délicat d'y voir clair mais le sens esthétique de <strong>Rosi </strong>ainsi que la tension de certains passages-clés (la séquence de la prison vers la fin, focalisée sur le lieutenant de <strong>Giuliano </strong>qui l'a trahi, Gaspare Pisciotta, est presque insoutenable, et il est fait mention de la tuerie de Portella delle Ginestre) permettent de maintenir un visionnage hypnotisant. Très loin de tout didactisme, en cultivant la dimension insaisissable du personnage.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salvatore_giuliano/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, oct. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salvatore_giuliano/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, oct. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salvatore_giuliano/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, oct. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/salvatore_giuliano/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, oct. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Salvatore-Giuliano-de-Francesco-Rosi-1962#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1081Flag in the Mist, de Yoji Yamada (1965)urn:md5:a6674b3f1b2a11c7bb536f6314abf9aa2022-06-28T13:43:00+02:002022-06-28T13:43:00+02:00RenaudCinémaAvocatCrimesFamilleInégalitésJaponJusticeMeurtrePrisonQuêteVengeance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/flag_in_the_mist/.flag_in_the_mist_m.jpg" alt="flag_in_the_mist.jpg, mai 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Un long chemin vers la vengeance<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Cette histoire complexe de vengeance, avec une narration éclatée, elliptique, comptant nombre de flashbacks et flashforwards, développant méthodiquement en toile de fond un discours social critique, s'inscrit parfaitement à mes yeux d'amateur dans le cadre du cinéma japonais des années 60. J'aurais un peu de mal à argumenter, c'est assez instinctif, mais je trouve qu'il y a là quelque chose de très élégant qui convient très bien à cet écrin dans lequel le film se développe progressivement.</p>
<p><ins>Flag in the Mist</ins> porte sur la quête obstinée de la protagoniste, Kiriko, une jeune femme d'une vingtaine d'années, désireuse de prouver l'innocence de son frère (la seule famille qu'elle ait) dans une affaire d'homicide. Elle parcourt plus d'un millier de kilomètres pour solliciter l'aide d'un avocat réputé, en lui précisant que son frère risque la peine de mort pour un crime qu'il n'a pas commis, mais l'avocat refusera le dossier, pour de nombreuses raisons plus ou moins valables (elle est pauvre et n'a pas l'argent pour ses émoluments, l'affaire a lieu à l'autre bout du Japon, il est déjà débordé). Un an plus tard, on apprend que le frère de Kiriko est mort en prison en appel.</p>
<p>Le contenu est annoncé très vite, et on ne peut que constater à quel point l'idéalisme de la jeune femme pauvre se fracasse contre le mur du cabinet du célèbre avocat, suite à son refus. Le grand intérêt d'un tel film porte sur l'évolution du portrait fait de cette femme, glissant entre le début et la fin du film d'une figure de douce fragilité à une figure de vengeance froide. Il faudra en passer par une série d'énormes coïncidences, donnant sur un plateau d'argent l'occasion à la femme de se venger de manière aussi efficace que fatale, comme un miroir (un peu trop) parfait tendu à celui qui ne l'avait pas écouté à l'époque — alors qu'on nous fait très bien comprendre qu'il aurait pu très facilement innocenter le frère. À titre personnel ces facilités d'écriture, bien que très visibles, ne m'ont pas vraiment gâché le visionnage : le scénario se sert de ces invraisemblances comme un tremplin pour quelque chose de beaucoup plus grand et ne constituent pas une fin scénaristique en soi.</p>
<p>La vengeance sera dure, froide, irrémédiable, et jusqu'au bout on pensera que Kiriko fera marche arrière et renoncera à son plan machiavélique. Mais non, elle ne lâchera pas l'occasion de venger la mort de son frère en punissant sèchement l'avocat et la femme qu'il aime, comme un instinct de survie soudainement activé. Le film se mue ainsi en un portrait de femme glacée et glaçante, alimentant à ce titre une tonalité de film néo-noir focalisé sur les inégalités sociales qui font correspondre deux types de justice, une pour les riches et une pour les pauvres, au creux d'antagonismes aussi variés que tragiques.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/flag_in_the_mist/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mai 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Flag-in-the-Mist-de-Yoji-Yamada-1965#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1056Juvenile Court, de Frederick Wiseman (1973)urn:md5:c873d6e24ef16ac421e1de10a883f0612022-05-06T14:59:00+02:002022-05-07T09:37:44+02:00RenaudCinémaDocumentaireEnfanceEtats-UnisFrederick WisemanJusticeTribunal <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/juvenile_court/.juvenile_court_m.jpg" alt="juvenile_court.jpg, mai 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Don't cry yet. You haven't even been to court."<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>C'est la première fois dans la filmographie de <strong>Wiseman</strong>, d'un point de vue chronologique, qu'on le voit dépasser la barre des deux heures. Certes, on est loin des plus de trois heures presque habituelles de ses productions depuis les années 1990, mais on peut tout de même remarquer ce changement notable de montage. Mais <ins>Juvenile Court</ins> s'inscrit toujours dans la continuité des radioscopies institutionnelles précédentes, malgré sa longueur il reste percutant, incisif, et absolument pas rebutant dans son format. Dans le viseur du documentariste : le système judiciaire des États-Unis, à travers le fonctionnement d'un tribunal pour enfants de Memphis.</p>
<p>Le principe est le même : observer le fonctionnement d'une institution à travers sa vie quotidienne, observer les rouages de la machine pour en révéler les fondements, les dérives, les modalités sous-jacentes. Devant sa caméra défilent ainsi des cas divers et variés, allant du vol à la fugue, de la consommation de drogue à l'agression sexuelle, en alternant méthodiquement entre coupables et victimes, enfants et parents. <strong>Wiseman</strong> fait progressivement le portrait d'une personne centrale, le juge, muré dans sa sobriété et sa compassion en filigrane, chargé de prendre des décisions compliquées au sujet de situations parfois inextricables. C'est aussi le portrait de tous ces gens compétents et dévoués qui travaillent sur des cas difficiles versant régulièrement dans le tragique. De temps en temps, on sort du cadre rigoureux et purement légal pour montrer en les limites, notamment lorsqu'on constate l'illusion des accords mutuels entre le juge et certains parents. Personnels, parents et enfants évoluent dans un microcosme, un lieu fermé, une autarcie, tous égaux de ce point de vue-là.</p>
<p>Au fil des visionnages, l'œuvre de <strong>Wiseman </strong>quadrille la vie quotidienne au point que ce film semble se situer non loin des ados de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/High-School-de-Frederick-Wiseman-1968"><ins>High School</ins></a> qui auraient mal tourné, avant que certains n’atterrissent dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Titicut-Follies-de-Frederick-Wiseman-1967">Titicut Follies</a></ins> ou dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Hospital-de-Frederick-Wiseman-1970"><ins>Hospital</ins></a>, emmenés en ces lieux par les policiers de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Law-and-Order-de-Frederick-Wiseman-1969"><ins>Law and Order</ins></a>. Ici une question revient souvent, en marge du classique "innocent ou coupable" : placement en famille d'accueil ou en maison de redressement ? On assiste en quelque sorte à la confrontation d'un idéal démocratique de justice avec le pragmatisme le plus violent et inégal qui soit. Ce gamin a-t-il vraiment fait du mal aux enfants qu'il gardait ou bien la mère a-t-elle mis en scène toute l'histoire ? Le travail du tribunal oscille ainsi constamment entre punition et réhabilitation, et <strong>Wiseman </strong>nous fait parcourir les différents processus avant d'atteindre le verdict, avec les réunions de concertations, les échanges avec les travailleurs sociaux et autres avocats, les choix légaux et moraux qui s'offrent aux parents, les passages chez un psychologue, etc. avec comme apogée du documentaire une dernière longue séquence portant sur le jugement rendu sur un cas de vol à main armée impliquant un guetteur qui se croyait innocent car menacé de mort. On essaie de comprendre comment ce garçon à la tête bandée a pu énerver son oncle au point que ce dernier l'ébouillante, on s'interroge sur les liens entre des tendances suicidaires d'une jeune fille et des abus de parents, on demande à un dealer boutonneux de prier dieu : un catalogue de visages vieillis prématurément, d'enfants errant terrifiés par les adultes, de gamins abandonnés par leurs parents d'une façon ou d'une autre.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/juvenile_court/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mai 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/juvenile_court/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, mai 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/juvenile_court/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, mai 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/juvenile_court/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, mai 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Juvenile-Court-de-Frederick-Wiseman-1973#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1054Le Mystère von Bülow, de Barbet Schroeder (1990)urn:md5:599417deaff7220c8dd33b2030de4ec62020-11-04T21:42:00+01:002020-11-04T21:44:45+01:00RenaudCinémaAristocratieAssassinatBarbet SchroederCulpabilitéDétective privéJeremy IronsJusticeProcès <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mystere_von_bulow/.mystere_von_bulow_m.jpg" alt="mystere_von_bulow.jpg, oct. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"It’s very hard to trust a man you don’t understand."<br /></strong></ins></span></div>
<p>Le film que <strong>Barbet Schroeder</strong> met en scène à partir d'un épisode rocambolesque de l'histoire judiciaire des années 80 vaut avant tout le détour pour la relation, qu'il dépeint dans toutes ses ambiguïtés, entre l'avocat <strong>Alan Dershowitz </strong>et l'aristocrate <strong>Claus von Bülow</strong>. Une relation faite de défiance, de mystère, d'attirance-répulsion, et surtout remplie d'inconnues. Tellement d'inconnues qu'à ce jour, 10 ans après la mort de la femme dans le coma depuis 1980 et 1 an après la mort de celui qui fut accusé dans un premier procès puis innocenté dans un second, on ne connaît toujours pas la vérité au sujet de l'accident à base d'insuline qui a plongé une riche aristocrate dans un coma jusqu'à la fin de ses jours.</p>
<p><ins>Reversal of Fortune</ins> (un titre original riche de sens multiples) excelle dans cette étude noire d'un caractère bourgeois, qui met vraiment mal à l'aise : <strong>Jeremy Irons </strong>brille la plupart du temps dans son rôle, hautain mais jamais excessif, sans jamais en faire trop dans la peau du parfait coupable qui pourrait être innocent. C'est un film qui dépeint beaucoup le microcosme feutré de ces palais luxueux pétris de secrets et de non-dits. Dans les couloirs règnent des échos sur l'argent, le sexe, et le pouvoir. Bien sûr, le mari est le coupable idéal : sa femme était frigide et accroc aux médocs, lui collectionnait les maitresses et aurait hérité de 14 millions de dollars à la mort de sa femme. <strong>Schroeder </strong>a l'intelligence de ne pas se lancer dans un film de prétoire ennuyeux ou dans un film-dossier édifiant, il nous contraint à sortir des sentiers battus et suivre un chemin plutôt original.</p>
<p>Le personnage raffiné, séducteur, inquiétant, défendu par l'avocat presque à contre-cœur (il dira, à juste titre, au sujet de son client "It’s very hard to trust a man you don’t understand") est une excellente figure morale en ce sens qu'il navigue entre la culpabilité presque diabolique et l'innocence angélique. On ne saura jamais où se placer clairement, et ce n'est pas la voix off qui révèlera quoi que ce soit. L'avocat à en outre un discours très intéressant sur l'accaparation de la justice par les moyens financiers, une sorte de privatisation permise par la fortune via les détectives privés qui peuvent mettre en lumière certains éléments ou au contraire en dissimuler d'autres. D'un côté l'impassibilité tranquille de l'accusé, de l'autre l'effervescence de la justice, pour une reconstitution glaciale cernée de contradictions constructives. En toile de fond, peut-être une certaine fascination pour le mal propre à <strong>Schroeder</strong>.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mystere_von_bulow/.irons_m.jpg" alt="irons.jpg, oct. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Mystere-von-Bulow-de-Barbet-Schroeder-1990#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/855La Justice des hommes, de George Stevens (1942)urn:md5:945545de48c0ad47b4f858b6976a5a4e2019-04-15T11:42:00+02:002019-04-15T10:44:34+02:00RenaudCinémaCary GrantComédieEtats-UnisFouleGeorge StevensInjusticeJean ArthurJusticePragmatisme <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_des_hommes/.justice_des_hommes_m.jpg" alt="justice_des_hommes.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="justice_des_hommes.jpg, avr. 2019" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"The law is a gun pointed at somebody's head. All depends upon which end of the gun you stand, whether the law is just or not."</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>La Justice des hommes</ins> (The Talk of the Town) est un drôle de film : là où on pourrait attendre un traitement "sérieux", par exemple dans le cadre d'un film noir ou d'un mélodrame (comme son très beau <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Une-Place-au-soleil-de-George-Stevens-1951"><ins>Une Place au soleil</ins></a> qui sortira 10 ans plus tard), <strong>George Stevens </strong>a recours au registre de la comédie permanente pour traiter des thématiques liées à la justice, et plus précisément à l'injustice. Sur le papier, on dirait du <strong>Capra </strong>: <strong>Cary Grant </strong>incarne un innocent injustement accusé d'avoir incendié une usine de textile et d'avoir tué une personne à cette occasion. Tout le film le suit dans sa fuite (même s'il n'ira jamais beaucoup plus loin que dans la maison voisine de <strong>Jean Arthur</strong>), afin d'échapper non seulement à la police, bien sûr, mais aussi à une foule en délire, assoiffée de lynchage, que le directeur de l'usine incendiée a pris soin de chauffer à blanc. Mais loin des traitements dramatiques sur ce thème précis, comme les très beaux <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Poursuite-Impitoyable-d-Arthur-Penn-1966"><ins>La Poursuite Impitoyable</ins></a> d'<strong>Arthur Penn </strong>ou <ins>Furie</ins> de <strong>Fritz Lang</strong>, la tension sera constamment évacuée par le gag, par la gaffe, ou par l'irruption inopinée du loufoque. L'argument ayant trait à la notion de justice intervient quant à lui à travers la personne de <strong>Ronald Colman</strong>, dans la peau du Professeur Michael Lightcap, un juriste haut placé qui évoluera d'une position très théorique, en campant sur ses principes philosophiques, vers une mise en situation beaucoup plus prosaïque (et moins confortable, fatalement), afin de faire coïncider légalité et légitimité.</p>
<p>Là où le film diffère sensiblement d'un <strong>Capra</strong>, c'est dans la tonalité générale : celle de la comédie tendance screwball (sans jamais y tomber complètement), que ce soit à travers les innombrables jeux de cache-cache auxquels s'adonne <strong>Cary Grant</strong>, les multiples quiproquos et confusions, ou encore les joutes oratoires de très bon goût. Il y a bien ce final extrêmement académique, au cours duquel <strong>Colman </strong>énonce sa pensée sur la morale et la justice, sur la nécessité de cette dernière dans un grand pays libre comme les États-Unis, sur l'obligation des citoyens de la protéger, etc. On connaît la chanson : "<em>This is your law and your finest possession - it makes you free men in a free country. Why have you come here to destroy it? If you know what's good for you, take those weapons home and burn them! And then think... think of this country and of the law that makes it what it is. Think of a world crying for this very law! And maybe you'll understand why you ought to guard it.</em>"</p>
<p>Mais le discours se double par ailleurs d'une certaine nuance, dans la mise en œuvre de ce sacro-saint principe de justice, en condamnant aussi bien ceux qui ne respectent pas la loi que ceux qui la considèrent uniquement comme une notion abstraite, une série de principes théoriques qu'il suffirait de connaître et qui seraient automatiquement appliqués. "<em>The law must be engraved in our hearts and practiced every minute to the letter and spirit. It can't even exist unless we're willing to go down into the dust and blood and fight a battle every day of our lives to preserve it.</em>"</p>
<p>Le côté semi-patriotique et un peu naïf (à la <strong>Capra</strong>, encore une fois) peut faire sourire, mais il contrebalance habilement un autre point de vue, celui de la victime (<strong>Cary Grant</strong>) qui aura subi une mauvaise application de la loi. Il le dira avec beaucoup d'amertume, entre deux blagues et deux séquences de jeu au chat et à la souris autour de la maison : "<em>What is the law? It's a gun pointed at somebody's head. All depends upon which end of the gun you stand, whether the law is just or not.</em>" À ce titre, l'oscillation régulière entre comédie légère et mélodrame judiciaire pourra gêner dans le rythme soutenu qu'elle impose de force. Mais la dynamique générée par le trio <strong>Grant </strong>/ <strong>Arthur </strong>/ <strong>Colman </strong>reste quoi qu'il en soit extrêmement efficace, et la série ininterrompue de dilemmes moraux qu'ils incarnent et auxquels ils se trouvent confrontés tour à tour constituent autant d'enjeux hautement engageants.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_des_hommes/.echec_m.jpg" alt="echec.jpg" title="echec.jpg, avr. 2019" /> <br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_des_hommes/.duo_m.jpg" alt="duo.jpg" title="duo.jpg, avr. 2019" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Justice-des-hommes-de-George-Stevens-1942#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/638