Je m'attarde - Mot-clé - Mouton le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearBandits à Orgosolo (Banditi a Orgosolo), de Vittorio De Seta (1961)urn:md5:b3f481b2478b2f8b0802f3d6acce17562023-11-14T15:50:00+01:002023-11-14T15:51:02+01:00RenaudCinémaBergerChasseEauElevageFuiteItalieMontagneMoutonNéoréalismeRuralitéSardaigneVittorio De Seta <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/bandits_a_orgoloso.jpg" title="bandits_a_orgoloso.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.bandits_a_orgoloso_m.jpg" alt="bandits_a_orgoloso.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Western des bergers sardes</strong></ins></span>
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<p>Au terme d'une décennie passée à réaliser des courts-métrages documentaires décrivant les aspects très diversifiés de corps sociaux italiens variés (parmi lesquels on peut citer les plus célèbres <ins>Isole di fuoco</ins> sur des éruptions volcanique en Sicile, <ins>Le Temps de l'espadon</ins> sur la pêche à la lance, <ins>Surfarara</ins> sur des mines de souffre ou encore <ins>Parabola d'oro</ins> sur des paysans siciliens), il n'est pas totalement étonnant de retrouver <strong>Vittorio De Seta</strong>, au détour de son premier long métrage, dans une fiction très largement perméable aux composantes documentaires. Et rurales, plus particulièrement, au travers de ces décors rocailleux des montagnes de Sardaigne magnifiquement capturées dans "Banditi a Orgosolo".</p>
<p>C'est ce qui frappe d'entrée de jeu : la profondeur des contrastes de l'image de <strong>Vittorio De Seta </strong>(lui-même directeur de la photographie et scénariste en plus de son poste de réalisateur), qui confère à la nature sarde une dimension incroyablement photogénique, avec dans les hauteurs les espaces partagés entre l'élevage et la chasse. Michele, avec son très jeune frère Peppeddu, s'occupe de son troupeau de moutons dans ce cadre magique, entre conditions extrêmes et vie recluse. L'arrivée de trois étrangers qui ont volé des cochons et recherchés à ce titre par les carabiniers, provoquant la mort de l'un de ces derniers, dégénèrera en quiproquo puisque Michele se retrouvera accusé à tort de tous ces méfaits. N'ayant aucune confiance en sa capacité à démontrer son innocence mais surtout par peur de perdre son bétail (son unique capital garantissant sa subsistance voire même sa survie) durant l'instruction et un probable séjour en prison, il choisit l'option de la fuite dans les montagnes.</p>
<p>Avec sa veine puissamment néoréaliste qui s'attache à décrire des hommes luttant contre la nature (le dénivelé en montagne, le stress hydrique qui affecte autant les hommes que les bêtes, la faim qui ne tarde pas à gronder aussi), <ins>Bandits à Orgosolo</ins> ressemble à une hybridation entre une tradition documentaire héritée de <strong>Flaherty </strong>(les montagnes ici sont l'élément contre lequel on bataille au même titre que la mer enragée dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Homme-d-Aran-de-Robert-Flaherty-1934">L'Homme d'Aran</a></ins>) et l'acharnement du sort contre une communauté au bord de la misère — il suffit de remplacer les pêcheurs de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-terre-tremble-de-Luchino-Visconti-1948">La terre tremble</a></ins> chez <strong>Visconti </strong>par des éleveurs. Les sentiments sont très variés ici, entre la défiance contre les représentants de l'autorité et le refus de se rendre et d'abandonner son troupeau, symbole de toute une vie, et ils sont parfaitement embrassés par les véritables bergers qui tiennent les rôles principaux dans ce western des montagnes. Le seul passage au cours duquel les protagonistes descendent de ces hauteurs, pour rejoindre leur famille dans un moment intime intense, rompt avec l'âpreté de la fuite et constitue un de ces moments incroyables, comme en apesanteur.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img2.jpg" title="img2.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img3.jpg" title="img3.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img4.jpg" title="img4.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img5.jpg" title="img5.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img6.jpg" title="img6.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img7.jpg" title="img7.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, nov. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Bandits-a-Orgosolo-de-Vittorio-De-Seta-1961#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1279Sweetgrass, de Ilisa Barbash et Lucien Castaing-Taylor (2009)urn:md5:f4414bc6d36573b0acc5961a5332fa6d2020-11-14T14:19:00+01:002020-11-14T14:21:01+01:00RenaudCinémaBergerEtats-UnisMoutonNatureTranshumance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sweetgrass/.sweetgrass_m.jpg" alt="sweetgrass.jpg, nov. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Néo-western documentaire de la transhumance<br /></strong></ins></span></div>
<p>C'est presque un western contemporain, avec quelques bergers, quelques chevaux, un troupeau de 3000 moutons et 250 kilomètres à traverser en 3 mois à travers les montagnes Beartooth du Montana. Dans la veine du documentaire anthropologique prenant beaucoup de distance à son sujet (peut-être un peu trop) et se refusant à tout commentaire en voix off, les britanniques <strong>Ilisa Barbash </strong>et <strong>Lucien Castaing-Taylor </strong>évoquent à travers <ins>Sweetgrass</ins> la vie de bergers lors d'une transhumance épique. Des zones de pâturage hivernal vers les hauts plateaux de pâturage d'été, de jour comme de nuit, on parcourt l'extrême Nord-Ouest américain à travers des vallées tout à tour rocailleuses et verdoyantes, des rivières à traverser, et des plaines enneigées bordées de forêts qui s'étendent jusqu'à l'horizon — et dans lesquelles rôdent des ours et des loups, prêts à ponctionner la dîme sur les troupeaux qu'on fait transiter sur leur territoire.</p>
<p>Malheureusement, il manque à cette "évocation sensorielle de la vie des derniers bergers" — c'est ainsi que les deux anthropologues définissent leur documentaire — un point de vue un peu plus tranché, un sujet un peu mieux délimité, ou bien une approche esthétique un peu plus radicale. Pourtant, tout est là : le cadre magnifique de la nature américaine à perte de vue, la rudesse d'un mode de vie amené à disparaître, et l'originalité de la démarche qui brille par l'ampleur de son geste, et ce d'autant plus lorsqu'on apprend qu'il s'agit de la toute dernière transhumance de la sorte, la ferme ayant ensuite cessé son activité. Un matériau aussi précieux aurait peut-être mérité, entre autres, d'être capté avec autre chose que cette caméra numérique.</p>
<p>Mais le minimalisme de cette élégie ne lui interdit pas de distiller une gamme d'émotions relativement variée : l'étonnement constant devant la taille du troupeau en mouvement, la surprise lors de la séquence de la tonte avec des gestes fermes et précis, et bien sûr ce petit parfum mélancolique qui s'échappe de ces décors impressionnants, foulés une dernière fois par une troupe bigarrée d'hommes, de moutons, de chiens et de chevaux. De manière très surprenante, <ins>Sweetgrass</ins> verse presque dans la comédie lorsque on se place aux côtés d'un cowboy particulièrement prolixe en insultes diverses et fleuries, tandis qu'il observe au loin son troupeau s'éloigner du chemin et emprunter des ravins dangereux. Forcément, c'est la faute aux chiens... On sent toutefois dans ce moment violent une certaine vulnérabilité, que l'on retrouvera dans une séquence où un berger au bord des larmes téléphone à sa mère du haut d'une montagne en se plaignant d'à peu près tout (les chiens, les chevaux, le genou), pour terminer sur une remarque sarcastique après avoir raccroché.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sweetgrass/.troupeau_m.jpg" alt="troupeau.jpg, nov. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sweetgrass-de-Ilisa-Barbash-et-Lucien-Castaing-Taylor-2009#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/866Killer of Sheep, de Charles Burnett (1979)urn:md5:73cfd37fbb5bbbe39d60b418a24625642020-09-18T14:00:00+02:002020-09-18T13:34:18+02:00RenaudCinémaAbattoirCharles BurnettEtats-UnisLos AngelesMoutonRéalismeSégrégation <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/killer_of_sheep/.killer_of_sheep_m.jpg" alt="KILLER OF SHEEP (1977), sept. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Original 2007 theatrical poster for Charles Burnett's KILLER OF SHEEP. Courtesy of Milestone Films." />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>" I thought her old man was shootin' blanks - but I see he's droppin' bombs on occasion!"<br /></strong></ins></span></div>
<p>Très intéressante proposition de cinéma faite par <strong>Charles Burnett</strong> (auteur du très bizarre <ins>To Sleep with Anger</ins> avec <strong>Danny Glover</strong> aka sergent Murtaugh, en 1990) qui s'intéresse de manière ouvertement pseudo-documentaire à la vie dans un quartier noir pauvre de Los Angeles. Pour suivre le quotidien de Stan, un ouvrier travaillant dans un abattoir de moutons, il adopte une tonalité proche du réalisme social, dans un style qui a souvent été comparé au néoréalisme italien. Autrement dit, le fil rouge narratif se cantonnera à quelque chose de particulièrement ténu, les 80 minutes de <ins>Killer of Sheep</ins> étant essentiellement constituées de vignettes s'apparentant à de la non-fiction et très vaguement reliées entre elles. Un parti pris qui peut dérouter, de par l'impression de flottement qui perdurera du début à la fin, pour accompagner Stan dans toute sa mélancolie de travailleur pauvre.</p>
<p>Le titre du film pourrait bien sûr être relié à l'emploi du protagoniste, dont des fragments de la routine professionnelle nous parviennent régulièrement, insérés au milieu de scènes de la vie quotidienne. Il est père de famille, il n'arrive plus trop à communiquer avec sa femme (ce qui donnera une très belle scène de danse à deux, romantique et calme, au bord d'une fenêtre, laissant présager une envergure similaire à l'exceptionnel <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-homme-comme-tant-d-autres-de-Michael-Roemer-1964"><ins>Un homme comme tant d'autres</ins></a> qui ne se révèlera malheureusement jamais), et malgré la pauvreté dans laquelle il évolue il résiste à l'appel de l'argent facile des petits larcins. Le style global de ce cinéma vraiment indépendant pourrait se rapporter au <strong>Cassavetes </strong>de <ins>Shadows</ins> et <ins>Faces</ins>, c'est-à-dire une forme de naturalisme un brin nonchalante, toujours dans l'expectative, la langueur, voire l'abandon. Un budget limité, des acteurs non-professionnels, tournage le weekend, un extrait musical dont il mettra 30 ans à obtenir les droits : l'adéquation entre les moyens mis en œuvre et le sujet force le respect, même si cela se fait au prix d'une monotonie parfois éprouvante.</p>
<p>Reste que <strong>Burnett </strong>observe Stan avec une certaine lucidité, de galères en bricoles avec quelques moments fugaces de bonheur, comme une lente dérive autodestructrice sans prise sur le cours de sa vie. Un regard sur la classe ouvrière noire assez rare, très différent (et en ce sens très complémentaire) de films comme <ins>Blue Collar</ins>, partagé entre la compassion et le réalisme rugueux. Comme un chaînon manquant du cinéma noir américain, loin du sérieux d'un <strong>Sidney Poitier </strong>et de la bisserie / blaxploitation d'un <strong>D'Urville Martin</strong> ou d'un <strong>Fred Williamson</strong>. En filmant de manière régulière Stan au milieu de son abattoir, dans son ennui flou et son indécision latente, comme prisonnier d'une frustration urbaine, <strong>Burnett </strong>pourrait bien avoir conféré à son titre un sens beaucoup moins littéral.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/killer_of_sheep/danse.jpg" alt="KILLER OF SHEEP (1977), sept. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Stan (Henry Sanders) and his wife (Kaycee Moore) in the film KILLER OF SHEEP, a Milestone Film & Video release." />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Killer-of-Sheep-de-Charles-Burnett-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/826