Je m'attarde - Mot-clé - Nouvel Hollywood le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearNorma Rae, de Martin Ritt (1979)urn:md5:f77514928a8a003fbbbfc1e124a5bece2021-05-17T10:30:00+02:002021-05-17T10:30:00+02:00RenaudCinémaFemmeGrèveMartin RittNouvel HollywoodOuvrierSally FieldSyndicatTravail <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.norma_rae_m.jpg" alt="norma_rae.jpg, avr. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Femme de combats<br /></strong></ins></span></div>
<p>La filmographie de <strong>Martin Ritt </strong>est décidément un très bon filon à suivre, comme le montre cet excellent film américain (la précision est importante, étant donné le thème) sur la classe ouvrière, réalisé en fin de carrière, à la fin de la période du Nouvel Hollywood. Un an après le jalon <ins>Blue Collar</ins> posé par <strong>Paul Schrader </strong>et focalisé sur les ouvriers d'une usine de voitures de Detroit, un an également après <ins>FIST</ins> de <strong>Norman Jewison</strong> qui mettait en scène <strong>Sylvester Stallone </strong>dans le rôle d'un manutentionnaire de Cleveland à l'origine d'un mouvement syndical, c'est au tour de l'histoire de la syndicaliste <strong>Crystal Lee Sutton</strong> d'être transcrite à l'écran, sous les traits de l'incroyable et émouvante <strong>Sally Field</strong>, pour raconter le combat de cette ouvrière de l'industrie du textile en Caroline du Nord aux côtés d'un syndicaliste new-yorkais venu dans le coin pour impulser, non sans résistance, le mouvement. Un trio remarquable du cinéma américain qui tient sur moins de deux ans, à la fin des années 70.</p>
<p>La description de la condition de la femme dans <ins>Norma Rae</ins> passerait presque avant tout le reste : c'est une femme divorcée, mère de deux enfants, une ouvrière du textile dans une usine qui a vu passer ses parents, probablement ses grands-parents, et qui emploiera sans doute ses enfants. Une industrie dans une petite ville du Sud des États-Unis dont la main d'œuvre est majoritairement féminine, faisant du combat de Norma Rae quelque chose qui progressera de l'individuel au collectif. Tout sauf une exception, en somme. Assez vite dans le film, les conditions de vie de la protagoniste apparaissent comme très difficiles, partagées entre sa vie professionnelle, syndicale, familiale, sentimentale. Elle jongle entre tous les registres et pèse sur tous les tableaux : comme elle est grande gueule, elle ne se laisse pas facilement marcher sur les pieds.</p>
<p>On peut regretter certaines facilités d'écriture, au sens où la progression de l'adhésion syndicale se fait un peu trop facilement en regard du caractère effarouché de Norma Rae. Mais en un sens la dimension vraisemblable (ou non) de cette partie-là importe peu car ce n'est pas vraiment l'objet du film, davantage tourné vers la construction d'un désir, qu'il soit sentimental ou politique. Le contexte social est bien ancré, du côté de la famille comme du côté des relations hiérarchiques au travail — avec tous ses rapports de subordination. <strong>Ritt </strong>évite toute condescendance, tout manichéisme, il garde à bonne distance les archétypes du genre pour établir des portraits contrastés tout en nuances. Il n'y a pas de héros ici, et l'ouvrière militante tout comme l'intellectuel juif sont dépeint avec toutes leurs faiblesses.</p>
<p>Le travail sur le son est particulièrement notable, aussi, avec le bruit assourdissant qui émane des machines dans l'atelier de tissage : un aperçu des conditions de travail imposées aux ouvriers, mais aussi l'occasion d'une très belle scène (tirée d'un épisode bien réel) lorsque ces mêmes machines seront arrêtées une à une. Un film sur la naissance du syndicalisme dans un petit coin de campagne, en parallèle d'une prise de conscience presque malgré elle chez Norma Rae, avec toute la lenteur du phénomène, tous les obstacles qui se dressent sur son chemin. Dans ces moments-là, particulièrement sobres, <strong>Martin Ritt </strong>lorgne presque du côté du documentaire : il filme les gestes du travail, les temps de pause, les espaces entre ateliers et bureaux des supérieurs, la devanture de l'usine. Pas de morale, pas de mièvrerie, pas même de sentimentalisme entre les deux protagonistes : seulement une très belle histoire d'amitié entre deux êtres qui correspondaient à l'origine à deux archétypes relativement opposés.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.medecin_m.jpg" alt="medecin.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.usine_m.jpg" alt="usine.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.livre_m.jpg" alt="livre.jpg, avr. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Norma-Rae-de-Martin-Ritt-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/953Zabriskie Point, de Michelangelo Antonioni (1970)urn:md5:616a7e8ab83790877aa6406e605dff052018-09-07T10:45:00+02:002018-09-07T11:01:37+02:00RenaudCinémaFantasmeMichelangelo AntonioniNouvel HollywoodSexeSociété de consommation <div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/zabriskie_point/.zabriskie_point_A_m.jpg" alt="zabriskie_point_A.jpg" title="zabriskie_point_A.jpg, sept. 2018" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/zabriskie_point/.zabriskie_point_B_m.jpg" alt="zabriskie_point_B.jpg" title="zabriskie_point_B.jpg, sept. 2018" />
<br /><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>De l'orgie à la destruction<br /></strong></ins></span>
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<p>Regarder <ins>Zabriskie Point</ins> longtemps (50 ans) après l'époque de sa sortie, marquée à la fois par l'aspiration à diverses émancipations et par le Nouvel Hollywood, permet d'en savourer tout le sel baroque. C'est un pur produit de son temps selon ces deux axes, et pourtant, il reste difficile à appréhender : comme scindé en deux hémisphères, partagé entre la critique sociale évidente et la chronique amoureuse délurée, entre des épisodes réalistes sous forme de captation de débats et des envolées surréalistes complètement débridées, et plus généralement entre la simplicité apparente du message et la multiplicité des effets produits.</p>
<p><strong>Antonioni </strong>en vadrouille aux États-Unis, c'est un peu comme <strong>Verhoeven </strong>ou <strong>Forman </strong>(avec pour origines respectives l'Italie, les Pays-Bas et la Tchécoslovaquie) : leur expression artistique s'attache à la déconstruction méthodique d'une partie de la société américaine, avec plus ou moins d'ironie, dans les mouvements plus ou moins contestataires de leurs époques respectives. On peut aussi beaucoup penser à l'uchronie décrite dans <ins>Punishment Park</ins> par <strong>Peter Watkins</strong>, principalement lié au cadre désertique d'une grande partie du film. On peut même voir dans <ins>Zabriskie Point</ins> la volonté de reprendre, pour les détourner, toute une série d'éléments grammaticaux propres au cinéma américain : les références sont extrêmement nombreuses.</p>
<p>La dynamique du récit est sans doute ce qui contraste le plus avec la simplicité du propos, tant les séquences changent spontanément de ton ou de rythme, du réalisme immersif à l'utopie et aux fantasmes mis en scène. On passe du concret de l'introduction, en gros plans sur les visages d'étudiants qui débattent, à l'abstraction totale au milieu de la Death Valley, où un rapport sexuel prend une dimension totalement démesurée, une orgie presque psychédélique. Le passage entre les deux semble concentré dans le vol d'avion réalisé par Mark (<strong>Mark Frechette</strong>), porteur d'un vent de liberté incroyable. Le pouvoir de l'imagination et du fantasme atteindra son apogée à la fin, lors de la dernière séquence particulièrement marquante dans laquelle Daria (<strong>Daria Halprin</strong>) fait exploser une luxueuse villa dans son esprit, avant de quitter les lieux sur fond de coucher de soleil incandescent.</p>
<p>Cette scène concentre d'ailleurs encore une fois cette sensation d'extrêmes intimement liés, avec la simplicité presque scolaire de la critique de la société de consommation, à travers la télévision et autres mobiliers qui explosent gaiement, et la dimension totalement hallucinatoire du support du message, à savoir un fantasme meurtrier qu'une musique envoûtante des <strong>Pink Floyd </strong>vient enluminer : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MwS4kjGIRP8">lien youtube</a> pour se rafraîchir la mémoire visuelle et auditive. La caricature de critique sociétale est un peu gênante vue d'aujourd'hui, mais la puissance de la poésie encapsulée dans ce passage reste à mes yeux (et oreilles) intacte.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/zabriskie_point/.frechette_halprin_m.jpg" alt="frechette_halprin.jpg" title="frechette_halprin.jpg, sept. 2018" /> <br /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/zabriskie_point/.explosion_m.jpg" alt="explosion.jpg" title="explosion.jpg, sept. 2018" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Zabriskie-Point-de-Michelangelo-Antonioni-1970#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/544La Dernière Séance, de Peter Bogdanovich (1971)urn:md5:99bf025b4c910303d449e3341e8105ca2018-08-22T10:22:00+02:002018-08-22T22:47:57+02:00RenaudCinémaJeff BridgesNouvel HollywoodPeter BogdanovichTexas <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/derniere_seance/.derniere_seance_m.jpg" alt="derniere_seance.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="derniere_seance.jpg, août 2018" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Being an old decrepit bag of bones, that's what's ridiculous. Gettin' old."<br /></strong></ins></span>
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<p>Sur la base de seulement deux films vus (même si les deux films en question, celui-ci et <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Barbe-a-papa-de-Peter-Bogdanovich-1973">La Barbe à papa</a>, n'ont bien sûr pas été choisis au hasard), je crois déceler chez <strong>Peter Bogdanovich </strong>une sensibilité qui m'est très intelligible et à laquelle je suis particulièrement réceptif. Le genre de sensibilité qui permet d'appréhender une trame narrative dramatique dans les meilleures conditions — et je n'ai aucune peine à imaginer une autre tonalité, calquée sur la même trame, avec pour résultat un drame pathétique ou générique. C'est sans doute ça, aussi, le charme du Nouvel Hollywood qui me plaît tant et dont ce film est semble-t-il un jalon essentiel.</p>
<p><ins>La Dernière Séance</ins> est une sorte d'entre-deux autour de cette thématique, à la fois hommage tendre et distancé au cinéma américain classique (dont les nombreuses références s'affichent sur la devanture du cinéma du coin, d'<strong>Anthony Mann </strong>à <strong>Howard Hawks</strong>) et portrait extrêmement amer, à travers la vie dans cette petite ville du Texas, sur ce que le pays compte comme illusions brisées et comme âmes perdues. C'est un peu comme si toutes les promesses de l'âge d'or n'avaient pas été tenues, laissant ces souvenirs dorés s'effriter et sombrer dans l'oubli, à l'instar du cinéma qui fermera après la mort de Sam The Lion dans le film.</p>
<p>Il n'y a pas un seul personnage qui ne rêve de s'enfuir de cette ville : tous tentent désespérément de s'émanciper et de se détacher des environs, en vain. Toutes les tentatives de fugue sont avortées, contrariées, à l'image de <strong>Timothy Bottoms </strong>et <strong>Cybill Shepherd </strong>qui voulaient s'enfuir et se marier très loin avant d'être rattrapés par un policier à la frontière avec l'Oklahoma. Alors tous tentent de trouver une échappatoire sur place, dans une logique du rapport à l'autre conditionnée par la recherche d'un exutoire, vouée à l'échec. Un exutoire dans le sexe, plus particulièrement, mais très loin de l'épanouissement et du plaisir : il contamine et envenime presque toutes les relations, il n'est qu'une question de calcul existentiel, conditionné par des motivations hétéroclites. C'est là qu'on voit bien qu'on se situe plus dans les années 70 (sortie du film) que dans les années 50 (époque dans le film), malgré l'omniprésence de <strong>Hank Williams </strong>dans la bande-son.</p>
<p>La tonalité du film en devient presque traumatisante, entre la fin du cinéma collectif comme repaire des amoureux tel qu'il est décrit dans le film, anéanti par l'avènement de la télévision, et le discours extrêmement mélancolique sur la mort d'une époque, de manière presque allégorique, à travers l'agonie de la ville. La rue principale est devenue déserte, les billards ne sont guère accueillants, les juke-box ne tournent plus. Au milieu de cet ennui généralisé, seul vrai lien unissant la jeunesse aux adultes, quelques éclairs érotiques viennent électrifier la morosité du cauchemar. Comme un sursaut de vie dans la grisaille.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/derniere_seance/.amis_m.jpg" alt="amis.jpg" title="amis.jpg, août 2018" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/derniere_seance/.jeff_m.jpg" alt="jeff.jpg" title="jeff.jpg, août 2018" /><br /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/derniere_seance/voiture.jpg" alt="voiture.jpg" title="voiture.jpg, août 2018" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Derniere-Seance-de-Peter-Bogdanovich-1971#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/541