Je m'attarde - Mot-clé - Sidney Poitier le temps d'un souffle<br />2024-03-29T14:52:11+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearAux postes de combat, de James B. Harris (1965)urn:md5:0db36b9528361fd9df434bad65ec5a8c2021-01-14T19:04:00+01:002021-01-14T19:04:00+01:00RenaudCinémaBateauDonald SutherlandGroenlandGuerre froideMerRichard WidmarkSidney PoitierSous-marinTension <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/postes_de_combats/.postes_de_combat_m.jpg" alt="postes_de_combat.jpg, déc. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"The Bedford'll never fire first. But if he fires one, I'll fire one. — Fire one!"<br /></strong></ins></span></div>
<p>ll suffit du cadre proche du huis clos maritime à l'intérieur d'un destroyer de guerre américain, navigant au large du Groenland en pleine Guerre froide, et d'un petit incident avec un sous-marin soviétique non-identifié pour que <ins>Aux postes de combat</ins> développe une ambiance anxiogène incroyable et un climat de tension franchement crédible. À la tête du navire, lancé dans une chasse à l'homme un peu aveugle, <strong>Richard Widmark </strong>impressionne dans son obstination croissante, que l'on ne prend absolument pas pour acquise au début du film : c'est sans doute là que se situe tout l'intérêt de la démarche de <strong>James B. Harris</strong>, faisant de ce capitaine Finlander un homme qui initialement dirige son bateau d'une main de fer, d'une manière assez simple, classique, et presque convenue dans ce registre, pour évoluer vers une sphère de contraintes et d'impasses pourvoyeuse de raideur morale et de nervosité terrible.</p>
<p>Sur le plan purement technique, il n'y a vraiment pas grand-chose : deux ou trois décors à l'intérieur du destroyer, quelques plans extérieurs avec notamment l'utilisation de maquettes ni sublimes ni ridicules, quelques éléments extérieurs perturbateurs incarnés par le journaliste-photographe un brin fouineur (<strong>Sidney Poitier</strong>) et le médecin infantilisé (<strong>Martin Balsam</strong>) qui pénètrent un microcosme très codifié. On remarque également la présence d'un tout jeune <strong>Donald Sutherland</strong>, dans le rôle très secondaire d'un membre de l'infirmerie. Et pourtant, avec si peu d'ingrédients, <ins>The Bedford Incident</ins> (du nom du navire américain à l'œuvre) parvient à se hisser au niveau de films instaurant des atmosphères de tension redoutables comme <ins>Fail-Safe</ins> aka "Point Limite " de <strong>Sidney Lumet</strong> — ce dernier lui étant d'une année antérieur.</p>
<p>Tout commence avec un faisceau de détails. D'un côté, la façon dont le capitaine gère son navire : terrorisés, les 300 membres de l'équipage ne se sont jamais fait porter malades. Les ordres sont parfaitement assimilés par tous, au point que l'ombre du capitaine flotte pendant un long moment, au début, alors qu'il n'apparaîtra à l'écran que bien plus tard. Une fois les présentations faites, le personnage de <strong>Widmark </strong>édictera sa philosophie et démontrera sa détermination de la plus froide et le plus directe des manières, sans pour autant en faire trop et l'enfermer dans la case du tortionnaire stéréotypé. D'un autre côté, il suffira d'un signal sonore inhabituel et d'un point anormal sur l'écran radar pour mettre le feu aux poudres. Dans les eaux territoriales du Groenland, un sous-marin est détecté : le capitaine Finlander, aidé par l'un des meilleurs capitaines de la Kriegsmarine passé du côté de l'OTAN après la guerre, décide de traquer coûte que coûte l'ennemi et d'attendre qu'il remonte à la surface pour son ravitaillement en oxygène pour le coincer — quitte à ce que cette traque pousse l'équipage adverse à l'asphyxie et l'équipage allié à l'exténuation, au bord de la rupture.</p>
<p>Le contexte historique, situé peu après la crise des missiles de Cuba, confère à l'approche un caractère réaliste particulièrement immersif : qui plus est a posteriori, lorsqu'on connaît l'histoire du sous-marin soviétique B-59 dont les officiers supérieurs, se croyant attaqués, envisagèrent de tirer une torpille nucléaire. Tous les éléments d'un conflit entre blocs sont là : les provocations, la dissuasion, la peur des conséquences, l'attente insoutenable. Avec en prime ici une conclusion hallucinante, d'une sobriété rêche et d'un pessimisme total. Une pépite très peu connue du cinéma paranoïaque typique durant la période de la Guerre froide.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/postes_de_combats/.arrivee_m.png" alt="arrivee.png, déc. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/postes_de_combats/.poitier_m.png" alt="poitier.png, déc. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/postes_de_combats/.pont_m.png" alt="pont.png, déc. 2020" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Aux-postes-de-combat-de-James-B-Harris-1965#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/888La porte s'ouvre, de Joseph L. Mankiewicz (1950)urn:md5:427bf08a4b2d83cdec0b391a807ebe2e2017-12-04T15:22:00+01:002017-12-04T15:34:00+01:00RenaudCinémaHôpitalJoseph L. MankiewiczRacismeRichard WidmarkSidney PoitierSégrégation <div id="centrage">
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/porte_s_ouvre/.porte_s_ouvre_m.jpg" alt="porte_s_ouvre.jpg" title="porte_s_ouvre.jpg, déc. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/porte_s_ouvre/.no_way_out_m.jpg" alt="no_way_out.jpg" title="no_way_out.jpg, déc. 2017" /><br />
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Don't cry, white boy. You're gonna live."<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p>De la part de <strong>Mankiewicz </strong>qui en est déjà à son huitième long-métrage en 1950, on était en droit d'attendre un peu plus de finesse en termes d'écriture, et plus particulièrement dans celle des personnages au sein d'une histoire cristallisant plusieurs thématiques ayant trait au racisme dans les États-Unis d'après-guerre. <ins>La porte s'ouvre</ins> (drôle de traduction, presque en opposition avec le titre original "<em>No Way Out</em>" qui implique une absence de porte de sortie...) prend d'ailleurs presque l'aspect d'un conte, avec tout ce que cela peut compter de stéréotypes et de manichéisme, sans pour autant produire les arguments qui légitimeraient une telle approche. En l'état, un constat s'impose assez rapidement : ce n'est pas vraiment un modèle de subtilité.</p>
<p>Mais sans doute que ce constat ne s'appliquait pas aussi facilement en 1950 qu'aujourd'hui : c'est le premier rôle du jeune <strong>Sidney Poitier </strong>alors âgé de 23 ans, c'est l'un des premiers films (sinon le premier, même si ce genre d'assertion est très souvent contestable) mettant en scène un personnage noir dans un rôle "normal" (ie. qu'un blanc aurait pu occuper, en omettant les contraintes évidentes qu'une telle disposition peut laisser suggérer dans les sociétés d'alors), qui plus est dans la peau d'un docteur fraîchement diplômé exerçant à l'hôpital. On peut regretter, avec le recul des 70 années dont on peut difficilement se départir, que le racisme soit aussi grossièrement symbolisé, concentré et entièrement personnifié par <strong>Richard Widmark</strong>, très convaincant au demeurant dans la haine qui se dégage de son rôle de connard raciste de service, mais qui finit par lasser dans ses attaques incessantes envers le personnage de <strong>Poitier </strong>et sa couleur de peau. Le message contre la haine raciale qui en ressort, très explicite, paraît un peu lourd et poussif vu d'aujourd'hui (une remarque dont ne sont pas exempts tous les films contemporains sur le sujet, bien évidemment).</p>
<p>Le personnage du docteur interprété par <strong>Sidney Poitier </strong>ne brille pas non plus par sa profondeur ou son ambivalence : aucune ambiguïté à l'horizon, on est face à un monolithe de vertu, en proie au doute, certes, lorsqu'une potentielle erreur médicale est relevée, mais réagissant de la plus raisonnable et réfléchie des manières en toutes circonstances. Il discerne les signes avant-coureurs d'une tumeur cérébrale alors qu'on lui amène dans l'urgence deux malfrats blessés au cours d'un braquage, il reste globalement insensible ou disons serein face aux attaques racistes répétées, il n'hésite pas à se rendre à la police pour s'accuser d'un meurtre qu'il n'a pas commis (ou qu'il ne pense pas avoir commis) et ainsi faire avancer l'enquête plus efficacement, et il ne tergiverse pas au moment de porter assistance à la personne qui a pourtant tenté de le tuer la minute précédente, symbole d'une fidélité absolue (pour ne pas dire surhumaine) au serment d’Hippocrate. Le film pousse le vice jusqu'à lui faire utiliser l'arme qui l'a blessé pour faire un garrot qui sauvera la vie de son propre agresseur, et terminer sur un "<em>don't cry, white boy, you're gonna live</em>" percutant.</p>
<p>Si le film ne portait pas la mention de son réalisateur, on pourrait être tenté de le qualifier de film d'exploitation haut de gamme, empêtré dans ses bons sentiments (qui ne devaient, encore une fois, pas être aussi évidents en 1950 et au contraire dénoter un certain courage) et dans des dialogues un peu trop explicatifs. De la relativité des jugements... On n'est toutefois pas dans le registre de la caricature permanente, mais simplement dans celui de la charge virulente, quelque peu aveuglée. Et on peut tempérer ce jugement en gardant à l'esprit la séquence du film (beaucoup moins manichéenne) dans laquelle une partie de la communauté noire, partageant avec son équivalent du côté blanc la dureté de la vie dans les quartiers pauvres, prend les devants et se lance dans un règlement de compte à grande échelle, dans un registre voisin de la guerre des gangs.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/porte_s_ouvre/.hopital_m.jpg" alt="hopital.jpg" title="hopital.jpg, déc. 2017" /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/porte_s_ouvre/.home_m.jpg" alt="home.jpg" title="home.jpg, déc. 2017" /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/porte_s_ouvre/.pistolet_m.jpg" alt="pistolet.jpg" title="pistolet.jpg, déc. 2017" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-porte-s-ouvre-de-Joseph-L-Mankiewicz-1950#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/460La Chaîne, de Stanley Kramer (1958)urn:md5:cc07a50d69c083761d00362dc99056b32016-01-17T16:18:00+01:002016-01-17T16:26:27+01:00RenaudCinémaEtats-UnisRacismeSidney PoitierStanley KramerSégrégationTony Curtis <p><img title="chaine.jpg, janv. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="chaine.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chaine/.chaine_m.jpg" /></p>
<p>En lisant le pitch d'un tel film, on peut craindre principalement une chose : un traitement trop prévisible dans sa métaphore de l'opposition entre Blancs et Noirs. Mais ce serait sans compter sur la surprenante écriture de <ins>The Defiant Ones</ins> (titre original) et l'excellent duo formé par <strong>Tony Curtis </strong>et <strong>Sidney Poitier </strong>qui prouve, très vite, qu'il n'en est rien en laissant pleinement s'exprimer l'originalité et la subtilité du scénario.</p>
<p><img title="enchaines.jpg, janv. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="enchaines.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chaine/.enchaines_m.jpg" /></p>
<p>Scénario qui tient en une phrase (un Blanc et un Noir prisonniers enchaînés l'un à l'autre sont en fuite dans l'Amérique rurale des États du Sud) mais qui s'avèrera être d'une étonnante efficacité sur au moins deux tableaux.</p>
<p>D'une part, le clivage Blanc / Noir est très rapidement dépassé. Face à l'épreuve d'une fuite dans une telle configuration, les deux buddies réalisent vite qu'ils ont tout intérêt à coopérer. Se nourrir et fuir la police qui est à leurs trousses nécessite de fait une certaine entente et concourt à des discussions aussi imposées que fructueuses. Cette collaboration naissante se voit également renforcée de manière plutôt originale par une solidarité inattendue, puisqu'ils prendront conscience d'un dénominateur commun supplémentaire (au-delà de leur condition de prisonniers en fuite) : Noir comme Blanc, ils n'étaient que des employés de seconde zone. Le premier comme homme de ménage condamné à rentrer dans les hôtels par la porte de derrière, et le second comme voiturier devenu esclave de son pourboire et de formules de politesse comme "Thank you Sir" devenues obligatoires.<br />
Le film casse d'ailleurs cette opposition raciale très vite en montrant les deux compagnons dans une posture vraiment très étonnante (imaginons un instant la scène en 1958 !) : assoupis au terme d'une dure journée à courir dans la nature, on retrouve <strong>Poitier </strong>dans les bras de <strong>Curtis</strong>, sous un arbre les abritant de la pluie, tous deux profondément endormis. Une image doublement "choc" (deux hommes, deux couleurs de peau) du meilleur effet.</p>
<p><img title="amitie.jpg, janv. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="amitie.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chaine/.amitie_m.jpg" /></p>
<p>D'autre part, <ins>The Defiant Ones</ins> prend le soin de cultiver une certaine diversité de genre, en alternant les séquences centrées sur les deux prisonniers et celles consacrées aux recherches effectuées par la police, avec des officiers uniformément Blancs mais finalement bien différents dans leurs psychologies et leurs méthodes de travail. Le leitmotiv musical (tout comme celui lié aux chiens) avec ces morceaux rock 'n' roll crachés par un transistor, agaçant les uns et ravissant les autres, confère à ces séquences une dimension définitivement comique.<br />
Mieux, le "truc" du scénario (qui sera récompensé par un Oscar en 1959, en dépit des foudres du maccarthysme qui s'étaient abattues sur leurs auteurs, <strong>Nedrick Young </strong>et Harold <strong>Jacob Smith</strong>), le fait que deux hommes a priori si différents se retrouvent enchaînés et en cavale, ne se repose pas sur son statut de "bonne idée" et enchaîne les péripéties vraiment réussies : sortir d'un puits d'argile sous une pluie battante, se bastonner d'une main suite à un différend, ou encore se sortir d'un village guère plus accueillant qu'une prison. Toute ces aventures pour terminer sur une réponse pleine d'espoir et de tendresse à la question essentielle qui sous-tend le film : que faire une fois la chaîne brisée ? Maintenant que l'on a appris à vivre ensemble et à s'apprécier, on continue sur cette voie, bien entendu.</p>
<p><img title="table.jpg, janv. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="table.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chaine/.table_m.jpg" /></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Chaine-de-Stanley-Kramer-1958#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/299