Je m'attarde - Mot-clé - Sorcellerie le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLa Lumière bleue, de Leni Riefenstahl et Béla Balázs (1932)urn:md5:8c7114afd7889355c11ddc154a00e7e12023-01-02T13:24:00+01:002023-01-02T13:24:00+01:00RenaudCinémaAllemagneFantastiqueFemmeItalieLeni RiefenstahlMagieMontagneSorcellerieSuisseTrahison <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lumiere_bleue/.lumiere_bleue_m.jpg" alt="lumiere_bleue.jpg, déc. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Conte des montagnes<br /></strong></ins></span>
</div>
<p><ins>La Lumière bleue</ins> est le tout premier film réalisé par <strong>Leni Riefenstahl </strong>après avoir passé quelques années devant la caméra de grands noms du cinéma comme <strong>Arnold </strong>ou <strong>Pabst</strong>. Très loin de ce qu'elle pourra produire à la fin des années 30 (comme par exemple les magnifiques <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Dieux-du-stade-de-Leni-Riefenstahl-1938"><ins>Dieux du stade</ins></a>), ce film de montagne niché dans les Dolomites italiennes prend la forme d'une sorte de conte à l'esthétique radicalement différente. Il flotte autour de cette montagne proche de la Suisse une ambiance vaguement fantastique, relevant presque de la magie, entièrement construite autour de la figure d'une jeune femme, Junta (interprétée par <strong>Riefenstahl </strong>elle-même), attirée par une étrange lueur bleue en haut de la montagne les nuits de pleine lune, entraînant derrière elle de nombreux hommes qui échouent à escalader, dévissent et périssent tragiquement. Les villageois, les femmes surtout, pensent à ce titre que c'est une sorcière et Junta échappera de peu à la lapidation grâce à l'intervention d'un peintre ayant récemment rejoint le village.</p>
<p> c'est sur la base de ce film qu'Hitler, impressionné par ses talents de formaliste, chargera la cinéaste allemande de faire les films de propagande du Troisième Reich. On est en droit de divaguer et de se demander ce que sa carrière aurait donné si elle n'avait pas pris ce tournant... On sent que 1932 est une époque charnière dans le cinéma allemand, au tout début d'un parlant encore bien maladroit dans ses codes pas tout à fait intégrés : le rythme est parfois aussi périlleux que l'escalade et fait se succéder des scènes de dialogue et des scènes d'ascension muettes sans trop de liant. Du bricolage qu'on peut très facilement excuser et oublier, à la faveur du rapport primitif, quasi mystique, qu'entretient la femme avec la montagne, ou encore la dimension tragique que revêt la dernière partie suite à la plus cruelle des trahisons.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lumiere_bleue/.img1_m.png" alt="img1.png, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lumiere_bleue/.img2_m.png" alt="img2.png, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lumiere_bleue/.img3_m.png" alt="img3.png, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lumiere_bleue/.img4_m.png" alt="img4.png, déc. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Lumiere-bleue-de-Leni-Riefenstahl-et-Bela-Balazs-1932#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1100Woodlands Dark and Days Bewitched: A History of Folk Horror, de Kier-La Janisse (2021)urn:md5:8f605f7f9086600bbebc0a392f3abe0a2022-02-20T10:51:00+01:002022-02-20T10:51:00+01:00RenaudCinémaDocumentaireHorreurKaneto ShindōMario BavaPaganismeSorcellerieSérie B <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/woodlands_dark_and_days_bewitched/.woodlands_dark_and_days_bewitched_m.jpg" alt="woodlands_dark_and_days_bewitched.jpg, févr. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Miscellanée folk horrifique<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Même si le sujet en soi ne m'intéresse pas au plus haut point, et malgré toutes les déconvenues expérimentées dans ce registre horrifique, <ins>Woodlands Dark and Days Bewitched: A History of Folk Horror</ins> est un documentaire extrêmement bien fourni et bien construit sur le cinéma d'horreur dans son sous-genre du folk horror. La Canadienne <strong>Kier-La Janisse </strong>aborde son sujet avec une connaissance évidente, digne d'un essai universitaire sur le sujet, avec des centaines de références cinématographiques et des dizaines d'intervenants d'horizons divers — cinéastes, critiques, historiens, scénaristes, acteurs, universitaires. Son documentaire couvre principalement 50 ans de cinéma horrifique, de la fin des années 60 (<ins>The Witchfinder General</ins>, 1968) jusqu'au cinéma récent (<ins>Midsommar</ins> et <ins>The Witch</ins> pour ses meilleurs représentants), mais ne s'interdit pas quelques sauts dans le passé en évoquant des grands films du muet comme le scandinave <ins>La Sorcellerie à travers les âges</ins> (Haxan, 1922).</p>
<p>Le film explore en premier lieu le phénomène de la folk horror à travers le prisme du cinéma britannique, avec des jalons comme <ins>The Wicker Man</ins> de <strong>Robin Hardy</strong>, en étayant son propos à l'aide d'une myriade de films beaucoup moins ambitieux (toutes les bisseries du type <ins>Blood on Satan's Claw</ins>) pour montrer la prolifération à l'œuvre dans les années 70, avant de bifurquer vers les cinémas américain, européen, australien et asiatique et de terminer en soulignant le revival de ces dernières années. Au milieu de tout ça, des dizaines et des dizaines de citations portant sur des bizarreries inconnues, d'obscurs courts-métrages, des scénarios étranges qui intriguent et d'autres qui ont l'air franchement douteux.</p>
<p>Le folklore horrifique passe ainsi autant par la peur des démons d'un <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Onibaba-de-Kaneto-Shindo-1964"><ins>Onibaba, les tueuses</ins></a> de <strong>Shindō </strong>que par le gothique italien dans <ins>Le Masque du démon</ins> de Bava, pour former un ensemble particulièrement ambitieux, s'étalant sur plus de trois heures avec une forte densité. C'est d'ailleurs le reproche qu'on pourrait formuler à l'encontre de ce morceau : malgré sa longueur conséquente, on a très souvent l'impression de ne pas avoir le temps de s'imprégner du propos, et de nombreuses pauses seront nécessaires pour prendre toutes les notes pour les intéressés. <strong>Kier-La Janisse </strong>passe en revue la littérature gothique à l'origine de ce courant, s'intéresse aux apparitions du genre aux quatre coins de la planète, et découpe son essai en 6 chapitres signifiants. Le folklore horrifique s'établit dans les récits à forte composante païenne pour rapidement s'élargir vers la sorcellerie, les rites indiens, les particularités brésiliennes, les zombies, et mêmes les rednecks. La rigueur du projet et la volonté d'exhaustivité en sont les plus gros points forts, en dépit de la masse conséquente d'information que cela représente.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/woodlands_dark_and_days_bewitched/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, févr. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/woodlands_dark_and_days_bewitched/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, févr. 2022" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/woodlands_dark_and_days_bewitched/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, févr. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Woodlands-Dark-and-Days-Bewitched-A-History-of-Folk-Horror-de-Kier-La-Janisse-2021#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1041Quand nous étions sorcières, de Nietzchka Keene (1990)urn:md5:9624c38300e60179befe5e7b2b9c174c2020-04-19T12:08:00+02:002020-04-19T12:08:00+02:00RenaudCinémaBjörkIslandeMoyen ÂgeNoir et BlancSorcellerie <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quand_nous_etions_sorcieres/.quand_nous_etions_sorcieres_m.jpg" alt="quand_nous_etions_sorcieres.jpg, avr. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"She became ashes and left with the wind."</strong></ins></span>
</div>
<p>L'austérité du conte de <strong>Nietzchka Keene </strong>(adapté des frères Grimm) se retrouve aussi bien dans la narration, extrêmement sporadique, dans les paysages, à travers un environnement insulaire épuré, dans la photographie, avec ce noir et blanc qui peut aussi être perçu comme la recherche d'une atemporalité, et bien sûr dans le contenu, avec ce récit minimal situé dans le Moyen Âge islandais et cousu autour d'histoires ayant trait à la sorcellerie. La dimension cruelle du conte est apparente en toute première instance, avec l'image macabre d'un corps flottant dans une petite marre, les mains liées dans le dos, tandis que le personnage de <strong>Björk </strong>et sa grande sœur s'enfuient après le procès en sorcellerie (suivi du bûcher de rigueur) de leur mère. Mais elle se trouvera sans cesse contre-balancée par une autre dimension, mystérieuse et poétique, dans les récits enfantins que l'enfant chante à voix basse tout au long du film, sur les pentes enherbées de ce bout d'Islande.</p>
<p>La beauté insulaire a beau ne pas être aussi frappante que chez <strong>Kaneto Shindō </strong>(<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-ile-nue-de-Kaneto-Shindo-1960"><ins>L'Île nue</ins></a>) ou chez <strong>Ingmar Bergman </strong>(l'intermède médian sur l'île d'Orno dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Monika-de-Ingmar-Bergman-1953"><ins>Monika</ins></a>), il se dégage tout de même quelque chose de particulier de ces contrées montagneuses, à la croisée de l'univers médiéval et du référentiel nordique. <ins>Quand nous étions sorcières</ins> adopte la simplicité de la fable, sans toutefois être efficace en toutes circonstances, principalement à cause de quelques longueurs (les contes et formules magiques, précisément) et quelques passages à l'emphase un peu trop appuyée. <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Source-de-Ingmar-Bergman-1960"><ins>La Source</ins></a>, pour rester chez <strong>Bergman </strong>et dans la thématique du conte nordique, peut dormir tranquille. La rencontre entre les deux sœurs et Jóhann, un paysan veuf accompagné de son fils Jónas, fera toutefois l'objet d'une description très attrayante, toujours austère, point de départ d'une ambiance mystérieuse tout en retrait, dans laquelle les rituels magiques et les apparitions morbides se manifestent aussi régulièrement que discrètement. La confrontation entre la grande sœur et Jónas, suspicieux et inquiet après qu'elle a séduit son père, diffusera une menace surprenante au bord d'une falaise.</p>
<p>Le symbolisme fantastique du film l'emporte cependant sur ses faiblesses, si tant est qu'on soit en mesure de dépasser son aridité et son ésotérisme certains. C'est dans une lenteur revendiquée qu'on évolue, de la poésie apaisante à la cruauté émancipatrice, entrecoupées de murmures tendrement menaçants.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quand_nous_etions_sorcieres/.montagne_m.jpg" alt="montagne.jpg, avr. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Quand-nous-etions-sorcieres-de-Nietzchka-Keene-1990#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/763Jour de colère, de Carl Theodor Dreyer (1943)urn:md5:61a1eca5c515064a5274c09fc4235ec22020-04-05T00:38:00+02:002020-04-04T23:44:29+02:00RenaudCinémaBûcherCarl Theodor DreyerDogmeEgliseInquisitionSorcellerieSouffrance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jour_de_colere/.jour_de_colere_m.jpg" alt="jour_de_colere.jpg, avr. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Rien n'est plus paisible qu'un cœur qui a cessé de battre."</strong></ins></span>
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<p><ins>Jour de colère</ins> commence un peu comme se terminait <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Passion-de-Jeanne-d-Arc-de-Carl-Theodor-Dreyer-1928"><ins>La Passion de Jeanne d'Arc</ins></a> 16 ans plus tôt, à savoir le procès en sorcellerie d'une femme dont l'obtention des aveux se fera dans une grande douleur. Si l'austérité formelle et narrative (c'est le moins qu'on puisse dire) caractérise aussi bien l'un que l'autre, la comparaison s'arrête là car ici cette exécution constituera un point de départ et non un point final.</p>
<p>Dans un cadre extrêmement rigoriste, <strong>Dreyer </strong>s'intéresse au foyer du pasteur Absalon dans un village danois du 17ème siècle, structuré autour de plusieurs pôles : sa mère Merete, sa femme et seconde épouse Anne, et son fils Martin issu d'un premier mariage, qui bouleversera l'équilibre relatif de la demeure à l'occasion de son retour, au même titre que la vieille Marte expiée de ses péchés par le feu en introduction. Au creux d'un récit âpre, lent, sec, froid, le caractère méthodique et décharné de la progression se verra toutefois régulièrement bouleversé par des séquences d'une très grande puissance émotionnelle.</p>
<p>Si l'on peut difficilement contester le fait que le film soit tout entier gouverné par une tonalité parmi les plus dures et les plus dépouillées qui soient, cela ne signifie pas nécessairement que l'émotion en soit exclue. Bien au contraire : quelques temps forts articulent solidement le récit, en brisant la dimension monotone et l'austère des échanges sur le sacré, et lui confèrent un rythme tout aussi indéniable.</p>
<p>C'est d'abord le sort de Marte, qui demande pardon à genou et en pleurs, moment terrible, qui révèle une part sombre du passé d'Absalon, et qui finira au bûcher en emportant avec elle ce secret au-delà de la séance de torture qui aboutit à sa confession.<br />
C'est ensuite cet instant lumineux et bucolique, cette parenthèse poétique enchantée au cours de laquelle Anne s'enfuira avec son amant l'espace de quelques scènes en forêt, dans les champs, en profitant des seuls rayons de soleil et des seuls courants d'air qui traverseront le film. L'espace d'un instant, c'est comme s'ils renouaient avec un Paradis perdu.<br />
C'est enfin ce dernier segment, glaçant, qui se terminera sur la procession funéraire d'enfants devant un cercueil, avec le geste accusateur terrible de la mère Merete et le renoncement in extremis du fils Martin quant à ses engagements.<br />
Il en résulte une peinture du dogme et de l'aveuglement, sur le chemin de l'idéal de pureté, entre intégrisme religieux, égoïsme et intolérance, construisant par petites touches successives le portait d'une souffrance et d'un mal terrifiant.</p>
<p>Étonnamment donc, les émotions et les sentiments sont omniprésents dans <ins>Jour de colère</ins>, latents, prêts à sourdre comme <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Source-de-Ingmar-Bergman-1960"><ins>La Source</ins> </a>de <strong>Bergman</strong>. Cela relèverait presque d'un symbolisme scandinave. Autant de passions, divergentes en soi, mais également soulignées par un travail de contraste permanent. À l'image du visage d'Anne, saisi au vif à de nombreuses reprises, comme emprisonné dans des clairs-obscurs sublimes.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jour_de_colere/.cercueil_m.jpg" alt="cercueil.jpg, avr. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Jour-de-colere-de-Carl-Theodor-Dreyer-1943#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/754La Sorcellerie à travers les âges, de Benjamin Christensen (1922)urn:md5:1efa4d24f853ff9375154e7ab16c5eae2020-03-27T12:14:00+01:002020-03-27T18:25:21+01:00RenaudCinémaCinéma muetDanemarkErotismeFemmeInquisitionJérôme BoschMoyen ÂgePieter BrueghelSatanismeSorcellerieSuperstitionSuède <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sorcellerie_a_travers_les_ages/.sorcellerie_a_travers_les_ages_m.jpg" alt="sorcellerie_a_travers_les_ages.jpg, mar. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Démons lubriques et décoctions de doigts de voleur</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>La Sorcellerie à travers les âges</ins>, aujourd'hui, au-delà du voyage à travers le temps et les pratiques relevant de la sorcellerie (ou supposées comme telle) raconté à l’origine par le réalisateur danois <strong>Benjamin Christensen</strong>, est un voyage qui revêt une toute autre dimension graphique. Une plongée intense dans une esthétique gothique et satanique, influencée par les années 20 germaniques, depuis la Perse antique jusqu’à l’époque contemporaine du film en passant par le Moyen Âge. En l’espace de 7 chapitres, on parcourt aussi bien le folklore des sabbats que les méthodes employées par l’Inquisition pour s’adonner à la chasse aux sorcières — dans une acception qui n’aura jamais été aussi littérale — au creux d’un style graphique terriblement envoûtant.</p>
<p>On peut d’emblée évacuer les petites rugosités accumulées avec le temps (un siècle quand même) qui rendent certaines dispositions tour à tour ridicules ou démesurément emphatiques : ce ton professoral, censé insuffler au film une composante documentaire, avec l’instituteur pédagogue qui montre le détail intéressant sur une illustration du bout de son crayon, ou encore cette ultime partie un brin poussive sur la réactualisation des superstitions à travers le traitement des pathologies mentales chez la femme (l’insensibilité dans une région du dos serait un symptôme de l’hystérie), constituent autant de bizarreries. Une ambition didactique qui écrase le film sous le poids de sa démonstration, mais allégée ailleurs par l’incroyable travail de composition (les silhouettes inquiétantes, les visages ridés, les démons lubriques, les décors en clair-obscur) rappelant le travail pictural de <strong>Pieter Brueghel</strong> ou <strong>Jérôme Bosch</strong>.</p>
<p>Car ce qui marque très fortement (la rétine, entre autres), ce sont ces sabbats de sorcières, ces mixtures concoctées à partir de crapauds, de doigts de voleurs ou de corps de nouveau-nés, ces foules entières converties au satanisme en embrassant la croupe du diable, ces envoûtements donnant lieu à des scènes incroyablement érotiques, ces reconstitutions de moments de torture d’une grande diversité. Toute l’artillerie technique disponible à l’époque est mobilisée, avec des surimpressions, des séquences en stop motion, des maquillages variés, des gros plans sur les visages burinés de vieilles femmes, pour alimenter une atmosphère horrifique (en prenant le parti des sorcières de toutes les époques) à la lisière du surréalisme, sous l’impulsion sans cesse renouvelée de la perspective documentaire. Ces éclats de violence, d’angoisse et de nudité, avec la lubricité des bacchanales et l’effroi des arrière-cuisines où sont préparés divers onguents, feront clairement date.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sorcellerie_a_travers_les_ages/.screenshot01_m.png" alt="screenshot01.png, mar. 2020" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Sorcellerie-a-travers-les-ages-de-Benjamin-Christensen-1922#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/751Les Sorcières de Salem, de Raymond Rouleau (1957)urn:md5:a01647272045f3c95c89e78e66d665f52018-06-04T21:08:00+02:002018-06-04T20:18:12+02:00RenaudCinémaEtats-UnisSalemSimone SignoretSorcellerieSuperstitionYves Montand <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sorcieres_de_salem/.sorcieres_de_salem_m.jpg" alt="sorcieres_de_salem.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="sorcieres_de_salem.jpg, juin 2018" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"L'ennemi est chez nous et dans nos propres foyers."</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>Les Sorcières de Salem</ins> est un objet étonnamment peu connu du cinéma français, une pépite non pas incontournable ou transcendante, mais un de ces films à l'originalité notable qui était resté relativement confidentiel. Il prenait tranquillement la poussière sur des étagères pour diverses raisons alors qu'il aurait mérité une plus grande visibilité. En l'occurrence, l'anecdote est assez croustillante puisque c'est l'auteur de la pièce dont le film est adapté, <strong>Arthur Miller</strong>, qui a freiné des quatre fers pour que le film de <strong>Raymond Rouleau </strong>reste invisible jusqu'à sa mort. La véritable raison, si l'on met de côté les explications officielles peu crédibles : il ne supportait pas la relation qu'<strong>Yves Montand </strong>a entretenu avec <strong>Marilyn Monroe</strong>, qui fut pendant un bref moment sa femme. Le cul et la production du cinéma, c'est toute une histoire.</p>
<p>Le film est une illustration allégorique de la chasse aux sorcières, au sens littéral, qui eut lieu en 1692 à Salem Village, sur la côte Est des États-Unis, dans le Massachusetts. Un moment clé de l'histoire coloniale du pays, empreint de paranoïa puritaine, qui se conclura par l'exécution d'une vingtaine de personnes et par l'emprisonnement d'un plus grand nombre. Au-delà du contenu purement informatif, le film entend dénoncer à travers ces procès en sorcellerie une autre chasse aux sorcières qui sévissait à la fin des années 50 aux États-Unis (le film est sorti en 1957), en plein maccarthysme. Le parallèle est assez évident, avec le recul, mais la démonstration ne se fait à aucun moment lourde ou emphatique. La richesse de l’univers en est d’ailleurs un parfait antidote.</p>
<p>L'effort de reconstitution est manifeste, et la retranscription de la vie comme de l'ambiance au sein de cette communauté est relativement naturelle. Un constat s'impose : les films en langue française (<strong>Raymond Rouleau </strong>est Belge) portant sur des événements anglais et américains ne sont pas légion (la catégorie inverse est au contraire bien fournie), et il y a une sorte de décalage idiomatique un brin bizarre dans cette configuration qui contribue au charme du dépaysement. <strong>Simone Signoret</strong> et <strong>Yves Montand </strong>sont à l'origine de cette adaptation et se fondent plutôt bien dans le décor. L'illustration aurait pu être un peu didactique sur l'origine de la légende qui donne son nom au film, mais certains personnages-clés parviennent à introduire d'étonnantes couleurs : c'est le cas du réalisateur <strong>Raymond Rouleau </strong>lui-même dans le rôle du procureur Danforth, avec son austérité et ses airs rigoristes et sentencieux, concentrant le propos du film dans ses condamnations et ses appels à la délation ("<em>L'ennemi est chez nous et dans nos propres foyers</em>"). <strong>Mylène Demongeot </strong>confère au personnage d'Abigail Williams une perversité saisissante, et porte sur ses épaules la propagation de l'hystérie religieuse dans la population, à la différence d'<strong>Yves Montand </strong>un peu en retrait dans le rôle de John Proctor dont le foyer sera détruit par l'affaire.</p>
<p>C'est surtout l'embrasement très progressif de la communauté qui fait des <ins>Sorcières de Salem</ins> une curiosité valant le détour, avec la bonne proportion de tragique et de malsain teintés de folie et de désir réprimé. Rien ne sera clairement établi pendant une très longue partie du film, sans que le film ne joue sur la rétention d’information, à l’aide de procédés artificiels comme des ellipses. Tout est dans la description. Un engrenage inéluctable qui carbure à la faiblesse d'esprit et à la superstition au sein d'un microcosme dépeint avec un soin rare, et à ce titre très appréciable.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sorcieres_de_salem/.repas_m.jpg" alt="repas.jpg" title="repas.jpg, juin 2018" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sorcieres_de_salem/.montand_m.jpg" alt="montand.jpg" title="montand.jpg, juin 2018" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Sorcieres-de-Salem-de-Raymond-Rouleau-1957#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/519The Witch, de Robert Eggers (2016)urn:md5:6ac0d86c311839dc2a09a79ce8aa21ad2016-03-22T20:51:00+01:002016-03-22T21:20:23+01:00RenaudCinémaColonialismeEtats-UnisNatureSorcellerie <p><img title="witch.jpg, mar. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="witch.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/witch/.witch_m.jpg" /></p>
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>Good is the thing that you favor, Evil is your sour flavor<br /></strong></ins></span></p>
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<p>Il y a un sens du détail historique plutôt appréciable dans ce conte situé au début du XVIIe siècle décrivant la lente désintégration d'une famille de colons en Nouvelle-Angleterre. La langue (Anglais d'époque), les coutumes, les habits, les croyances, les préoccupations : on rentre très vite dans cet univers singulier et silencieux par la porte que nous ouvre le film. Suite à leur excommunication (le père ayant été accusé d'un péché d'orgueil par l'église locale), les parents sont contraints de s'installer avec leurs cinq enfants loin de leur communauté, près d'une forêt aussi étrange que reculée. L'occasion pour <ins>The Witch</ins> de commencer à dérouler son programme, de tisser les fils de son intrigue et de son mystère, avec la disparition surprenante (et filmée comme telle, sans qu'on ne la comprenne) d'un nouveau-né.</p>
<p>Un loup ? Ou bien un sorcière ? Le film délaisse rapidement les préoccupations quotidiennes et naturelles de la famille pour se concentrer dans cette direction surnaturelle. Très vite, le titre trouve une illustration explicite à l'écran. C'est bien d'une sorcière dont il est question, et c'est là un des premiers reproches que je formulerais : tout le mal que s'est donné <strong>Robert Eggers </strong>à construire cette atmosphère si particulière est en quelque sorte annulé par la rapidité avec laquelle il lève le voile sur la source du Mal. Un Mal pernicieux et tapi dans l'ombre, qui s'attaque de manière explicite et extérieure à la famille, lors de plusieurs séquences mettant directement en scène la sorcière (une première séquence de rituel horrifique plutôt réussie, à base de sorcellerie et autres "<em>flying ointments</em>", mais qui survient à mon sens trop tôt dans le récit), mais aussi à l'intérieur du cercle familial, de manière plus implicite, au détour d'un comportement étrange, d'un regard déplacé et vaguement incestueux. Une atmosphère pesante que vient magnifier la photographie irréprochable du film, en décors naturels autour de leur maison ou à l'intérieur à l'aide de précieux éclairages à la bougie.</p>
<p><img title="fille.jpg, mar. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="fille.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/witch/.fille_m.jpg" /></p>
<p>Assez paradoxalement, ce n'est pas sur ces aspects liés à la sorcellerie et au surnaturel que <ins>The Witch</ins> me semble le plus pertinent, mais plutôt sur la description d'une famille, d'un mode de vie, d'une pratique religieuse, et des failles qui se dessinent peu à peu. À ce titre, saluons la prestation du père de famille (le britannique <strong>Ralph Ineson</strong>, sa voix caverneuse et sa présence impressionnante) mais surtout des enfants (<strong>Anya Taylor-Joy </strong>en tête, mais aussi le deuxième enfant pour quelques scènes mémorables) qui parviennent à jouer en dépit de leur âge dans les limites du crédible et de l'effrayant. Le fait que le Mal gangrène peu à peu la famille en s'attaquant d'abord aux enfants est un choix judicieux, et instaure un climat de plus en plus étrange à mesure qu'ils en deviennent à la fois les victimes et les vecteurs.</p>
<p>Si <ins>The Witch</ins> s'en était tenu à ce programme, on tenait là une vraie pépite en guise de premier film. Mais le problème quand on dévoile la scène de sorcellerie décrite plut tôt de manière prématurée (alors qu'elle est en soit réussie, encore une fois), c'est que le mystère envoûtant de l'implicite laisse trop vite sa place à l'horreur frontale de l'explicite. Et on prend le risque de décevoir une partie du public, après en avoir déjà déçu une bonne partie via le cœur du matériau majoritairement anti-spectaculaire, en ratant les apparitions à l'écran de la figure du Mal. Que ce soit dans la forêt sous une forme jeune et attractive, ou plus tard dans la cabane sous des traits repoussants, ces irruptions maléfiques ne fonctionnent pas. Ou plus. Et sur cette pente glissante, la présence répétée du bouc (tiens tiens, qu'est-ce qu'il représente ?) et de jump scares hors de propos ne jouent pas en sa faveur.</p>
<p><img title="priere.jpg, mar. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="priere.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/witch/.priere_m.jpg" /></p>
<p>Enfin, terminer <ins>The Witch</ins> sur une telle image, offrir une telle vision explicite avant le générique, est pour moi une faute directe (à mettre éventuellement au compte d'un premier film). À trop vouloir marquer les esprits, à trop vouloir se substituer à l'imagination du spectateur qui fonctionnait plutôt bien jusqu'à ce moment, le film fait une magnifique sortie de piste dans le tout dernier virage. D'une part, terminer sur la silhouette nue de l'enfant s'avançant dans les bois obscurs aux côté du bouc aurait été magnifique ; d'autre part, ce genre de folie païenne renvoie inexorablement à d'autres séquences marquantes du cinéma, et la comparaison avec les derniers instants de <ins>The Wicker Man</ins> ou même <ins>Kill List</ins> gâche un peu le plaisir teinté de fascination que ce premier film s'était donné tant de mal à nous délivrer.</p>
<p><img title="table.png, mar. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="table.png" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/witch/.table_m.png" /></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Witch-de-Robert-Eggers-2016#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/312