Je m'attarde - Mot-clé - Sydney Pollack le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLes Chasseurs de scalps, de Sydney Pollack (1968)urn:md5:1e6230fd591fe423602de8afafdfba492019-03-13T12:12:00+01:002019-03-13T12:53:51+01:00RenaudCinémaBurt LancasterEmancipationOssie DavisRacismeSydney PollackSégrégationWestern <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chasseurs_de_scalps/.chasseurs_de_scalps_m.jpg" alt="chasseurs_de_scalps.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="chasseurs_de_scalps.jpg, mar. 2019" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Stop talking like a Baptist preacher. If I had half the boots been stuck under my bed, I bet I could outfit the United States Cavalry!"</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>Les Chasseurs de scalps</ins> est un drôle de western progressiste, dont la violence supposée par le titre s'effacera en grande partie au profit d'un potentiel comique continu et singulier : une grande partie des péripéties se focalisera sur les étincelles générées par l'association parfois contrainte et forcée de deux personnages que tout oppose à première vue. D'un côté, <strong>Burt Lancaster </strong>en trappeur raciste sur les bords, dont les agissements semblent principalement motivés par un très lucratif chargement de peaux qui changera de main jusqu'à la fin du film. De l'autre, <strong>Ossie Davis </strong>en esclave fin lettré, voguant au gré des rapports de domination ambiants, aussi débrouillard grâce à sa supériorité culturelle que maladroit dans sa mise en pratique. Tous deux parcourront un bon bout de chemin ensemble, au cœur de magnifiques paysages de l'Amérique sauvage, qui se transformera peu à peu en un cheminement intellectuel sur le thème de l'émancipation.</p>
<p>Ce qui frappe quand on considère l'ensemble des personnages, c'est à quel point aucun d'entre eux ne peut être considéré comme fondamentalement bon. Tous naviguent allègrement de part et d'autre la frontière séparant bien et mal, chacun avec ses raisons. La troupe formée par <strong>Burt Lancaster</strong>, <strong>Ossie Davis</strong>, <strong>Telly Savalas </strong>(un chauve qui chasse des scalps, comme un vague écho du personnage de Del Gue dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Jeremiah-Johnson-de-Sydney-Pollack-1972"><ins>Jeremiah Johnson</ins></a>) et <strong>Shelley Winters </strong>(une greluche peu gracieuse portée sur l'astrologie) est joliment bigarrée, elle porte en elle une belle dynamique et ce à de nombreux titres. La dimension comique (voire rocambolesque) enfle au fur et à mesure de la progression du récit, jusqu'à occuper une place prépondérante (l'herbe folle utilisée pour droguer tout un régiment de chevaux étant sans doute le point culminant de la bouffonnerie), et peut à ce titre dérouter. Elle confère cependant au film une certaine légèreté bienvenue dans un tableau abordant (entre autres) le thème du racisme et quelques unes de ses excroissances. L'utilisation de l'ellipse pour illustrer l'échec du plan de <strong>Davis </strong>et <strong>Winters</strong>, punis (un œil au beurre noir pour elle, les mains liées pour lui) pour avoir fomenté un mauvais coup dont on ne verra pas le déroulement à proprement parler, est un exemple parmi d'autres de la redoutable efficacité de certains artifices de mise en scène.</p>
<p>Il y a une certaine finesse, aussi, dans la façon d'aborder la thématique prédominante, qui ne résume pas à la dénonciation "classique" de la ségrégation. Le Blanc un peu bourrin mais très à l'aise dans son environnement naturel, le Noir intellectuel dégainant ses maximes latines mais incapable de lutter contre les locaux : au final, deux antagonistes qui auront tout intérêt à travailler ensemble, comme le souligne (un peu lourdement certes) leur combat final, dans la boue, dont ils sortiront tous les deux de la même couleur (celle du bain de boue). En ce sens, on peut lire <ins>Les Chasseurs de scalps</ins> comme une version réactualisée et plutôt comique de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Chaine-de-Stanley-Kramer-1958"><ins>La Chaîne</ins></a> (The Defiant Ones, sorti 10 ans plus tôt) de <strong>Stanley Kramer</strong>, avec <strong>Tony Curtis </strong>et <strong>Sidney Poitier </strong>dans les rôles principaux.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chasseurs_de_scalps/.davis_lancaster_m.jpg" alt="davis_lancaster.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="davis_lancaster.jpg, mar. 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Chasseurs-de-scalps-de-Sydney-Pollack-1968#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/629Jeremiah Johnson, de Sydney Pollack (1972)urn:md5:c9eaeb1e2aab635633c4bcece2c930772019-02-06T12:24:00+01:002019-02-06T12:24:00+01:00RenaudCinémaAmérindiensNatureRobert RedfordSolitudeSurvieSydney PollackTrappeurWestern <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jeremiah_johnson/.jeremiah_johnson_m.jpg" alt="jeremiah_johnson.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="jeremiah_johnson.jpg, fév. 2019" /><div id="centrage">
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"He </strong></ins></span><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>said good-bye to whatever life was down there below."<br /></strong></ins></span>
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<p>L'histoire vraie de <strong>John Johnson</strong> (aussi connu sous les jolis noms de Johnson le mangeur-de-foie ou le tueur de Corbeaux), un trappeur américain qui choisit de vivre une grande partie de sa vie dans des montagnes enneigées peu chaleureuses, partagées avec plusieurs tribus d'Indiens, est une légende en soi. La page Wikipédia qui lui est consacrée (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Johnson_le_mangeur-de-foie" title="https://fr.wikipedia.org/wiki/Johnson_le_mangeur-de-foie">lien</a>) donne une idée assez intéressante du personnage, et montre que la version qu'en tire <strong>Sydney Pollack </strong>dans <ins>Jeremiah Johnson</ins>, à quelques détails près (à commencer par son prénom), est sans doute très peu éloignée de la réalité.</p>
<p>Je me rends compte, en revoyant cette épopée, que j'avais oublié à quel point Jeremiah Johnson est beau. Non pas forcément le personnage, interprété par un <strong>Robert Redford </strong>au sommet de son charme, cheveux blonds aux reflets dorés parfaits, regard magnifique, classe incroyable quelle que soit la longueur de sa barbe, quelle que soit la quantité de peaux qu'il arbore sur le dos ou sur la tête. Non pas uniquement les paysages, grandioses, capturés dans tout le lyrisme onirique des chaînes montagneuses de l'Utah, avec leurs forêts, leurs rivières, leurs immensités immaculées, leurs versants enneigés sur lesquels le soleil vient se lever et se coucher. Mais aussi, et peut-être surtout, les motivations du personnage, ou plutôt l'absence de motivations explicites qui seraient affichées continuellement tout au long du film.</p>
<p>On comprend bien les raisons qui ont initié ce voyage à la rencontre de la nature et de la solitude : la fuite loin de la guerre avec le Mexique, la fuite du monde civilisé, sans doute pour des raisons peu tangibles à l'origine, et avec une forme d'idéalisme un peu naïf qui sera rudement éprouvé lors de ses premiers contacts avec la vie dans les bois et dans le froid. La confrontation avec cet environnement hostile qu'il ne connaît pas bien, malgré les conseils et les enseignements des personnages bienveillants qui croiseront sa route (Bear Claw le vieux sage, Del Gue le trappeur) et le guideront dans sa quête initiatique, se fera dans un premier temps dans la douleur et dans l'échec. Del Gue, un personnage haut en couleur qui délivrera quelques beaux monologues : "<em>I ain't never seen 'em, but my common sense tells me the Andes
is foothills, and the Alps is for children to climb! Keep good care of
your hair! These here is God's finest scupturings! And there ain't no
laws for the brave ones! And there ain't no asylums for the crazy ones!
And there ain't no churches, except for this right here! And there ain't
no priests excepting the birds. By God, I are a mountain man, and I'll
live 'til an arrow or a bullet finds me. And then I'll leave my bones on
this great map of the magnificent.</em>"</p>
<p>L'occasion dans un premier temps de décrire les premières difficultés (se nourrir, se réchauffer) de manière relativement réaliste, en se cantonnant aux gestes basiques et élémentaires de la survie. Faire du feu avec du silex, chasser les animaux pour leur fourrure et leur viande, dépecer un bison, pêcher à mains nues dans les rivières glacées, dormir sur les cendres encore chaudes du feu, construire un abri à l'aide de troncs d'arbres et de torchis. De rencontres en découvertes, de blessures en échecs, Jeremiah Johnson passera très lentement de l'apprenti trappeur idéaliste à la légende unanimement respectée. Le mythe de la personne, autant que celui de l'Amérique, se construit sous nos yeux. La dimension initiatique de ce western (qui n'en est presque pas un), la lutte sans fin avec les éléments, lui confère sans doute sa dimension atemporelle et donc éternelle.</p>
<p>Une composante essentielle du film, et de la lutte contre la nature, est concentrée dans la figure multiple de l'Indien. Aucune condescendance, aucun manichéisme : les clichés sont gardés à bonne distance, et s'il est difficile de parler de réalisme (sur la base de quoi ?), <strong>Sydney Pollack </strong>parvient à trouver une excellente distance aux codes traditionnels. Les Indiens font partie intégrante des lieux, de la nature, ils peuvent être amicaux ou hostiles ("<em>you have done well to keep so much hair, when so many's after it</em>" dira Bear Claw à <strong>Redford</strong>), ils peuvent être aussi brutaux que des loups et aussi chaleureux qu'un compagnon de voyage. Une menace omniprésente, renforçant la dimension romantique du trappeur solitaire face à de nombreux défis, mais qui est elle aussi tirée de la vie de Johnson le mangeur-de-foie.</p>
<p>Il se dégage de tous ces éléments un désir absolu de liberté, dénué du folklore habituel qui sacraliserait son héros. Il n'y a pas vraiment de morale dans <ins>Jeremiah Johnson</ins>, très peu d'émotions communiquées de manière directe (et très peu de musique d'ailleurs). Il n'y a pas de véritable condamnation de la vie à la ville. Il n'y a qu'une sorte de poème bucolique mais grave, une ode à la solitude légèrement contrainte, à la frontière de la passion suicidaire. Et un magnifique signe de respect, à distance, comme ultime geste du film.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jeremiah_johnson/.redford_m.jpg" alt="redford.jpg" title="redford.jpg, fév. 2019" /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jeremiah_johnson/.enfant_m.jpg" alt="enfant.jpg" title="enfant.jpg, fév. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jeremiah_johnson/.fusil_m.jpg" alt="fusil.jpg" title="fusil.jpg, fév. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jeremiah_johnson/.pasteur_m.jpg" alt="pasteur.jpg" title="pasteur.jpg, fév. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jeremiah_johnson/.neige_m.jpg" alt="neige.jpg" title="neige.jpg, fév. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/jeremiah_johnson/.feu_m.jpg" alt="feu.jpg" title="feu.jpg, fév. 2019" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Jeremiah-Johnson-de-Sydney-Pollack-1972#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/614Out of Africa, de Sydney Pollack (1985)urn:md5:1708867f56c9f02d9eecff3a7caa46792012-05-13T16:05:00+02:002013-07-22T18:29:57+02:00RenaudCinémaAfriqueAmourColonialismeDrameLibertéMeryl StreepRobert RedfordSolitudeSydney Pollack <p><img title="Out of Africa.jpg, avr. 2012" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="out_of_africa.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/out_of_africa/.out_of_africa_m.jpg" /></p>
<p><ins>Out of Africa</ins>, sous-titré « <em>Souvenirs d'Afrique</em> » en version française, est un film américain réalisé en 1985 par <strong>Sydney Pollack</strong> d'après le roman autobiographique de <strong>Karen Blixen</strong>, <ins>La Ferme Africaine</ins>, paru en 1937.<br />Suite à une déception amoureuse, la jeune Karen Blixen (<strong>Meryl Streep</strong>) fuit son Danemark natal et s'installe au Kenya – alors colonie britannique – pour un mariage voué à l'échec. À l'aube de la première guerre mondiale, elle décide de se consacrer à la culture de caféiers sur les terres arides de sa ferme, faisant ainsi figure de pionnière en la matière, dans l'espoir de protéger la tribu Kikuyu qui y vit. Son amitié naissante et grandissante pour l'aventurier Denys Finch Hatton (<strong>Robert Redford</strong>) se transformera très vite en amour, mais il lui sera bien difficile de retenir cet homme quelque peu farouche, cet animal épris de liberté. </p>
<p>« <em>J'avais</em><img title="redford_streep.jpg, mai 2012" style="float: left; margin: 0 1em 0em 0;" alt="redford_streep.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/out_of_africa/.redford_streep_s.jpg" /><em> une ferme en Afrique, au pied de la montagne du Ngong.</em> » Tels sont les mots qui ouvrent le film et qui nous transportent dans les souvenirs éthérés de Karen Blixen, au soir de sa vie. D'une voix cassée, érodée par le temps, elle dessine les contours d'un passé radieux et révolu où son gramophone jouait du Mozart, la musique rythmant de paisibles journées ensoleillées en se mêlant aux horizons orangés de la savane africaine. C'était en 1914. Elle allait se découvrir une passion, pour une terre et pour un homme, aussi sauvages l'un que l'autre. Au plus fort du désir qui la porte vers cet aventurier incapable d'abandonner sa liberté d'homme solitaire, <strong>Meryl Streep</strong> murmure cette phrase troublante et émouvante, d'un lyrisme absolu : « <em>Si, dans ce moment, vous me disiez quelque chose, je le croirais.</em> »</p>
<p>Par bien des aspects, <ins>Out of Africa</ins> rappelle <ins>Sur la route de Madison</ins> (<em>The Bridges of Madison County</em>, sorti dix ans plus tard en 1995), de <strong>Clint Eastwood</strong>. Outre la présence de <strong>Meryl Streep</strong>, les deux films dépeignent une fresque sentimentale où la relation amoureuse, aussi intense que complexe, brille de mille feux avant de se consumer et de s'évanouir, telle une étoile filante. La beauté des paysages et de leur amour y est éblouissante ; la poésie des sentiments contrariés, bouleversante.<img title="steppes.jpg, mai 2012" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="steppes.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/out_of_africa/.steppes_m.jpg" /></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Out-of-Africa-de-Sydney-Pollack-1985#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/117