avanti.jpg, juin 2020
Un moment d'égarement

Wilder trouve un joli point de bascule, entre romance et comédie, sur un canevas pour le moins improbable : l'ouverture aux autres d'un Américain aigri au contact de la terre italienne, lors d'un voyage pourtant funèbre à la recherche de la dépouille de son père qu'il doit rapatrier aux États-Unis. La dimension vaudevillesque peut apparaître dans un premier temps (qui peut durer plus ou moins longtemps, voire durant la totalité du film) relativement tirée par les cheveux, en s'appuyant un peu trop sur les clichés nationaux traditionnels, mais je dois concéder que l'évolution du personnage interprété par Jack Lemmon, couplé à cette vision très tendre et romantique de l'adultère à mi-chemin, a su former une histoire d'amour non-conventionnelle et à ce titre intéressante.

Pourtant, Wilder use et abuse à mes yeux de nombre de ressorts satiriques éculés, à commencer par les passages obligés du questionnement de la fidélité conjugale : on a ainsi droit à toute la panoplie de la critique en kit du puritanisme américain dans toute sa splendeur hypocrite. Ceci étant dit, la relation qui se tisse entre lui et Juliet Mills (traitée de "fat ass", mais bon, on n'y croit pas un instant et on est obligé d'imaginer des complexes imaginaires) n'est pas conventionnelle, elle. Cette lente dérive vers le bonheur simple, quand bien même il se calquerait sur un schéma pas folichon (une sorte de transfert du couple formé par leur parent respectif sur eux-mêmes), irrigue tout de même le film de tout son charme lumineux, sous le soleil italien. Sans qu'on n'y soit préparé, la voilà qui se fout à poil et se jette à l'eau, entraînant dans son sillage son semi-amant sans presque qu'il ne s'en rende compte. Jack Lemon est d'ailleurs lui aussi à poil, mais à une fréquence beaucoup plus élevée, de l'ordre d’une scène sur deux...

L'agitation des personnages autour de ce couple officieux ne produit pas vraiment de sensations désagréables, Avanti ! conservant un rythme relativement lent, comme si l'on était placé dans l'œil d'un cyclone. C'est un peu à l'image de ce général américain, autre caricature ambulante, dont la dimension grotesque (un peu trop appuyée, aussi) n'entame pas l'harmonie nouvelle du duo de tête par sa bêtise. Une comédie romantique qui se voit lancée autour de deux cercueils, cela pourrait sembler relever du défi. De même, l'évolution morale de Lemmon a de quoi rebuter de prime abord, un peu engluée dans la rigidité de sa trajectoire émancipatrice. Mais on peut aussi succomber au charme de cette farce qui oppose aux standards de l'Amérique une douce indolence européenne.

nus.jpg, juin 2020