Petit retard dans le Diplo de ce mois-ci. En cause : boulot, rando et Roumanie...

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Victor Hugo peintre
« Les arc-en-ciel du noir »
Gilles Lapouge (écrivain)

Un jour, Annie Le Brun se voit proposer par Gérard Audinet, directeur de la Maison de Victor Hugo, place des Vosges à Paris, et de celle de Hauteville House, à Guernesey, une « exposition carte blanche ». Cette carte blanche la fascine. Elle va la remplir de noir — ces « arcs-en-ciel du noir » que les dessins de Hugo font lever et qui ont donné son titre à une exposition saisissante.

Annie Le Brun remarque que Victor Hugo, admiré et méprisé tour à tour pendant des décennies, longtemps mal lu, réduit enfin au statut d'icône, a été redécouvert quand ses dessins furent présentés dans les années 1950. Ce qui n'entraîna pas, curieusement, une lecture nouvelle. C'est à regretter. Ces dessins nous auraient aidés à lire avec des yeux plus perçants les amours, l'érotisme fou, les invectives, les inventions de Hugo : sa poésie, dans toute ses dimensions.

« L'infini masqué de noirceurs, voilà la nuit. [...] La nuit est-elle sereine ? C'est un fond d'ombre. Est-elle orageuse ? C'est un fond de fumée. L'illimité se refuse et s'offre à la fois, fermé à l'expérimentation, ouvert à la conjecture. D'innombrables piqûres de lumière rendent plus noire l'obscurité sans fond. Escarboucles, scintillations, astres, présences constatées dans l'ignoré ; défis effrayants d'aller toucher à ces clartés. »

Victor Hugo, Les Travailleurs de la Mer, 1866.

De ces dédales et de ces dangers, de ces effrois, Hugo est le guide et l'explorateur. « On dirait par moments, écrit-il dans William Shakespeare (1864), que Shakespeare fait peur à Shakespeare », et sans doute, ce jour-là, parlait-il de lui-même. Mais « il faut que le songeur soit plus fort que le songe » (Le Promontoire du songe). Les encres de la place des Vosges sont, quelque part, la forme de ce songe.

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Ma Destinée
Plume et lavis d'encre brune, gouache, sur papier vélin, 1987.
Maison de Victor Hugo, Paris.


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L'Ermitage
Plume encres brune et noire et lavis, crayon de graphite, fusain, grattages, pochoir 1885.
Maison de Victor Hugo, Paris.

Peugeot, choc social et point de bascule
Pour en finir avec la crise
Frédéric Lordon (écnomiste)

Plusieurs centaines de milliers de manifestants ont défilé dans toute l’Espagne, en juillet, pour dénoncer le durcissement de l’austérité. Au point d’inquiéter le président du Parlement européen, M. Martin Schulz. « Une explosion sociale menace », a-t-il prévenu. En France, la crise se rappelle brutalement au bon souvenir du monde politique, jusqu’ici accaparé par les échéances électorales, avec une vague de fermetures d’usines. Le gouvernement, qui a fait de la réindustrialisation l’une de ses priorités, se trouve désormais dos au mur.

C'est donc pour Frédéric Lordon l'occasion d'occuper une pleine double-page au centre du Diplo, et d'imaginer — en détails ! — un pays qui saurait s'opposer au diktat des marchés financiers et de leur sacro-saint « libre échange », euphémisme insidieux qu'il préfère reformuler en « concurrence terriblement distordue avec des pays à standards socio-environnementaux inexistants, prolongée en libéralisation extrême des délocalisations. »

Plutôt que de diriger notre colère vers M. Philippe Varin (actuel PDG de PSA) et la famille Peugeot, il faudrait mieux se tourner vers ces choses plus lointaines, plus abstraites et moins tangibles que sont les structures du capitalisme mondialisé, entités imperceptibles et impersonnelles mais vraies causes de la condition salariale présente — et qui réunissent pour leur infortune les PSA comme les Doux, les Technicolor ou hier les Conti.

Il faut désormais s'abstraire de la stupide fatalité des règles européennes : le socialisme de nettoyage, ça suffit. « Sans doute les causes sont-elles à l'œuvre depuis longtemps, disons depuis deux décennies. Mais c'est leur intersection avec la crise financière de 2008, aggravée depuis 2010 en crise européenne, qui produit cette déflagration. M. Hollande ne devrait donc pas tarder à s'apercevoir que dire "croissance" et obtenir des cacahuètes au dernier sommet européen (un plan grandiose de relance de... 1% du PIB) pouvait faire illusion cosmétique par beau temps, mais pas en pleine décapilotade. »


À écouter : L'émission de Daniel Mermet sur France Inter, Là-bas si j'y suis (http://www.la-bas.org), en vacances cet été mais de retour en septembre.
À farfouiller : Le site du Monde diplomatique (http://www.monde-diplomatique.fr).