À elle seule, la photo ci-contre exprime journalistes1.jpg parfaitement l'ambivalence qui peut exister au sein de la profession, frisant parfois le ridicule. Le métier exige une certaine proximité avec le pouvoir (au sens littéral du terme, comme le montre ces journalistes agglutinés sur un tracteur, symbole de la presse « embarquée »), mais quelle distance (ici, dans tous les sens du terme) adopter afin de préserver son indépendance ? En ces temps qui fleurent bon l'échéance électorale, et quelques mois après le battage médiatique autour de l'affaire DSK, Télérama s'est amusé à dresser les cas de conscience auxquels les journalistes politiques sont confrontés.

  1. Être dans le bus (le train, l'avion, le tracteur, etc.) ou pas.
    « La vacuité du voyage [du président en Libye] et les détails donnés sur l'hôtel et les repas ont déclenché un flot de commentaires furieux, fustigeant ce journalisme de salon. Ces voyages organisés, vite consanguins, personne ne les assume vraiment. »
  2. Être politiquement engagé ou pas.
    « Miroirs d'une société de plus en plus apolitique, les jeunes journalistes débarquent d'ailleurs dans les services politiques de plus en plus par hasard. Côté positif : ils ont plus de distance. Côté négatif : moins de culture politique. Enfin, c'est ce que grognent les anciens... »
  3. Briser le off ou pas.
    « Longtemps, le off a été l'objet d'un accord tacite, policé, entre politiques et journalistes politiques. Attention, le off est "fait pour être brisé, avec élégance. La question étant de savoir quand, et comment [souvent dans un livre]", explique Nicolas Domenach. Mais depuis quelques années, notamment avec les médias du Web et les téléphones portables permettant de tout filmer et enregistrer, les règles explosent. »
  4. Raconter la vie privée (et le reste) ou pas.
    « On a souvent reproché aux journalistes politiques de garder leurs petits secrets entre eux. De Mazarine à DSK, les lignes ont pourtant bougé. "Il faut sortir l'info si elle a un impact sur la vie publique", entend-on de plus en plus. Mais à partir de quel moment une info privée touche-t-elle la vie publique ? »
  5. Se fâcher ou pas.
    « "Le politique et le rubricard forment un vieux couple", constate Françoise Fressoz (Le Monde). En France, contrairement aux Etats-Unis, les deux populations se renouvellent peu. Pendant des mois, des années, on voyage, dîne, discute, s'épuise, côte à côte. Avec un jeu complexe : le journaliste est un agent double, qui doit entrer en empathie, pour comprendre et se faire accepter, mais aussi trahir, alors que l'autre cherche à vous manipuler. »

D'une manière certes consensuelle, Télérama se joue des contradictions qui habitent beaucoup de professionnels du journalisme politique, qui oublient peu à peu la signification des mots « éthique » et « déontologie ». C'est au profil d'informations dont la rapidité n'a d'égal que la vacuité qu'ils sont prêts à sacrifier leur pertinence sur l'autel de la sacro-sainte modernité. Et soyons réalistes : cela ne va pas en s’arrangeant...

Article à lire dans le Télérama n°3221 du 8 au 14 Octobre 2011 et sur Télérama.fr.