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La ronde des boucles et la valse des mensonges

Il est très tentant d'établir un parallèle entre les structures élégantes de Madame de... et de La Ronde, les deux films procédant de manière similaire pour charpenter le récit, en se basant sur une série de boucles et de motifs répétés. Ils semblent raconter presque toujours les mêmes choses, qui plus est de la même façon. Si un tel dispositif paraît dans un premier temps plutôt artificiel, bien qu'il soit relativement irréprochable d'un point de vue purement technique, ces aléas et ces allers-retours centrés sur les fameuses boucles d'oreilles de la comtesse "Louise de…" prendront sens très progressivement.

On peut constater à quel point le mensonge structure la narration et finit par former un écheveau complexe de non-dits et de petits arrangements de la part de presque tous les personnages. On feint de perdre les boucles, on feint de les retrouver, on feint de trouver ça normal, etc. Le parcours (entre autres géographique) des boucles prendra de plus en plus de sens, engageant le film sur une pente dramatique alors que les débuts semblaient s'aventurer à la lisière de la comédie. L'ensemble des personnages gagne peu à peu en lucidité, ce qui conduira assez naturellement au duel final, étant donnée la nature des antagonismes et des inimitiés. Mais dans les premiers temps, on ne saisit pas l'étendue des dégâts, on ne mesure pas l'ampleur des conséquences, on ne sait pas vraiment si le mari s'amuse innocemment du mensonge de sa femme où s'il rumine furieusement en silence avec de la suite dans les idées.

Ces mouvements de va-et-vient des boucles et des personnages se chargent d'une signification de plus en plus intense et délicate à démêler, à mesure que les uns s'enfoncent dans une spirale de mensonges et les autres dans la passion, le vide ou la tromperie. Des mouvements captés toujours de manière élégante et millimétrée par Ophüls, même si l'ensemble peut apparaître un peu moins audacieux que des films comme Le Plaisir. Le milieu mondain est sondé de l'intérieur jusqu'à son explosion, dans un cadre magnifique, même si l'on ne saura jamais vraiment si les deux amants sont véritablement morts : le hors-champ, par exemple, laisse planer un certain doute (de la même façon que dans Liebelei, qu'il tourna 20 ans plus tôt). Je reste un peu en retrait de ce témoignage, entièrement dédié à l'observation d'un univers "superficiel uniquement en superficie", peut-être un peu lassé par les innombrables pertes de connaissance de Danielle Darrieux.

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