sleeping_beauty.jpg

Julia Leigh, écrivaine australienne (The Hunter, roman paru en 1999 et adapté sur grand écran en 2011) « marrainée » par la néo-zélandaise Jane Campion (La Leçon de Piano en 1993, et Bright Star en 2009 : voir le billet de Gilles), se lance dans le cinéma avec Sleeping Beauty, œuvre fantasmagorique sur le thème de la soumission et de l'emprise. Vraie réussite sur la psychanalyse d'une classe sociale, ou faux chef-d’œuvre complaisant et prétendument transgressif ?

Le film dispose d'atouts indéniables : tout d'abord, derrière ce titre féerique, un travail d'esthète avec des plans soignés et une photographie qui ne laissent pas indifférent. La bande originale est elle aussi travaillée, avec en tête d'affiche les très bons Radio Birdman (australiens, of course). Ensuite, un thème pas vraiment inédit, à savoir la galère d'une étudiante qui enchaîne les petits boulots pour gagner de l'argent, mais traité de manière originale dans cette « fable perverse » (Télérama) ou l'érotique glisse vers le nécrophile. Et enfin une atmosphère digne de (empruntée à) Stanley Kubrick pour les beaux travellings et la symétrie dérangeante de certains plans, mais aussi Pier Paolo Pasolini et son très dérangeant Salò ou les 120 journées de Sodome pour le thème omniprésent de la soumission. Bien sûr, Julia Leigh ne se contente pas de bêtement recopier le travail de ses idoles : le contexte est mis au goût du jour, dans des environnements aseptisés et feutrés (aussi bien dans le laboratoire où elle sert de cobaye que chez les aristocrates où elle sert d'objet auprès de vieillards chics tout droit sortis de la partouze de Eyes Wide Shut), et où l'asservissement est volontaire.
emily_browning.jpgMalheureusement, malgré les – nombreux – atouts d'Emily Browning, baby doll au corps diaphane et héroïne de Sucker Punch (2011) de Zack Snyder, l'aspect dérangeant et ostensiblement lascif de la mise en scène se dégonfle et se dérobe derrière quelque chose de beaucoup plus lisse sonnant creux. Au final, un sentiment amer de transgression comme une fin en soi, pour un résultat plus insipide que transgressif (1). Comme le dit Jean-Baptiste Thoret dans Charlie Hebdo, « Un roulement de tambour prometteur qui s'achève par une grève de l'orchestre ».

N.B. : Cette semaine sort Shame, de Steve McQueen (non, il ne s'agit pas du célèbre acteur américain mort en 1980, mais bien du réalisateur britannique qui s'est fait connaître en 2008 avec Hunger), sur le thème de l'addiction sexuelle, avec Michael Fassbender (déjà présent dans Hunger) et Carey Mulligan (Irene, dans le très bon Drive de Nicolas Winding Refn). Peut-être de quoi se consoler, dans un registre pas trop éloigné...

(1) En référence à la prétendue censure (interdiction aux moins de seize ans) qui entacha la sortie du film. Julia Leigh a su habilement communiquer autour de cet événement en apposant sur l'affiche un large bandeau rouge portant la mention « CENSURÉ ».