nest.jpg, fév. 2021
"Things have dried up for me here."

Derrière le glacis légèrement inquiétant de la photographie très typée 80s, la décomposition de la famille guette. Sans jouer sur le terrain de la surenchère esthétique, Sean Durkin parvient à recréer un univers ancien sans en faire trop et à y inscrire la lente décrépitude du couple Rory / Allison formé par les très bons Jude Law et Carrie Coon. The Nest n'est cependant pas un modèle d'innovation dans le registre de la famille à la dérive : on voit très vite où l'ardeur de ce courtier entrepreneur va le mener, lui et ses proches, quand il quitte les États-Unis et impose à sa famille un déménagement vers sa terre natale, en Angleterre. Ses rêves de vie (encore plus) argentée, son insatisfaction vis-à-vis de la situation actuelle pourtant confortable, ses belles promesses à sa femme à travers une nouvelle vie dans un vieux manoir en pleine campagne pour qu'elle puisse poursuivre sa passion pour le cheval : sur ces aspects-là, le scénario est d'une prévisibilité qui entache tout le reste.

Pourtant, malgré tout, au-delà de ces faux-espoirs d'argent facile, The Nest est assez intéressant dans un sujet décentré, ce nouveau départ qui s'évanouit avant de s'être un tant soit peu concrétisé, et cet équilibre familial qui se fissure progressivement, à travers l'isolement de chacun de ses membres — le père, la mère, les enfants. Un récit noir, hanté, qui investit un registre proche du fantastique par moments, le meilleur sans aucun doute : les moments où Allison est seule à la maison, inquiète, dans ce lieu austère, sombre et froid, sont bien gérés avec des sursauts de phénomènes inexpliqués, une porte qui s'ouvre, une radio qui s'allume. Dans ces passages, c'est presque un film de maison hantée. Un film d'atmosphère, très clairement, sans éclat notable mais avec un sens diffus de l'hostilité, avec quelques symboles parfois un peu trop frontaux à l'image de la mort du cheval (très) frontalement annonciatrice, et quelques passages obligés sur le couple en crise (comme la séquence au restaurant par exemple) qui auraient pu être facilement évités.

En tous cas, l'Angleterre des années 80 perçue depuis ce manoir victorien et depuis les ambitions professionnelles aussi chimériques que démesurées qui pèsent sur la vie familiale, voilà un prisme original pour contempler l'image fanée d'un bonheur anéanti. On sent bien la volonté du personnage de Jude Law d'aller profiter du système européen tant qu'il en est encore temps. La détresse des personnages est au centre du film dans la seconde moitié, une détresse mortifère qui enveloppe l'ensemble d'un voile inquiétant, et qui accompagne le couple de désillusion en désillusion. Quelques petits effets de mise en scène sont à regretter, comme notamment ces très légers zooms avant qui essaient un peu maladroitement d'enrichir l'ambiance pesante, mais dans l'ensemble un sens de l'étrange qui brouille les repères et intrigue fortement.

allison.jpg, fév. 2021