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Bradley, brutal et bestial

Après un coup d'éclat aussi marquant que Bone Tomahawk (lire le billet), on attendait S. Craig Zahler au tournant. Dans un premier temps, on aurait bien du mal à déterminer une continuité de style dans un tel changement de registre, en abandonnant le western au profit d'un genre qui reste très incertain au début. Et Vince Vaughn, à contre emploi total dans le rôle de Bradley Thomas, un ex-boxeur vaguement incontrôlable, doté d'une force et d'une carrure impressionnantes, à l'instabilité psychologique (apparente) menaçante, alimente l'incertitude que l'on peut nourrir quant à la direction dans laquelle on s'embarque.

Pourtant, tout est dans le titre, Brawl in Cell Block 99 : tout, absolument tout converge vers un gros moment de baston dans le fameux Cell Block 99.

Et c'est là une illustration évidente de la profonde nature de série B (en dépit d'un budget qu'on imagine assez conséquent) que le film empoigne avec force et abnégation. Une de ces séries B dans lesquelles le scénario n'est qu'un prétexte, mais qui s'accepte comme tel, avec uniquement quelques points de repère pour baliser très évasivement le chemin de son protagoniste dans sa descente aux enfers. La façon de rendre compte de son état d'esprit et de ses pulsions violentes pour se défouler est vraiment l'attraction du film, tant elle est intrigante, originale, viscérale. Vince Vaughn dégage quelque chose de vraiment très particulier dans ce film, du haut de ses quasi 2 mètres et derrière son masque taciturne ne laissant transparaître que très peu d'émotions. Une intériorisation qui risque de péter à tout moment.

Toute la première partie attachée à la description de son couple et des raisons qui l'enverront en prison fait craindre le pire, par son manque d'intérêt propre, par son esthétique bleutée dévitalisée. Mais à partir du moment où l'on entre dans la (première) prison, Brawl in Cell Block 99 abat ses cartes et se livre à un joli jeu de massacre et à une jolie démonstration de cinéma bis dont l'absurdité, la violence, et le grotesque iront crescendo jusqu'à la toute fin. Exactement comme dans Bone Tomahawk, le film joue en outre beaucoup sur un travail de bruitage particulièrement soigné et sur ses accès de violence aussi soudains qu'insoutenables, en accentuant ici leur composante jusqu'au-boutiste à la limite du loufoque. La fin atteint à ce titre des sommets de mauvais goût et de grotesque gore — mais parfaitement assumés.

L'excès de gore et de violence se trouve concentré dans quelques scènes-clés, au risque de friser le ridicule, entre surprise et écœurement. En dehors de ces séquences très violentes, la mise en scène adopte un style étonnamment calme pour illustrer indifféremment les bastons courantes avec gardiens et détenus ou la déambulation du protagoniste dans les différents lieux, couloirs et chambres de la prison. Le style est d'une sobriété notable, et l'esthétique évolutive à l'intérieur de la prison porte un vrai sens en accompagnant Vaughn dans sa trajectoire vers le Cell Block 99 qui s'apparente à un univers médiéval (couloirs fait de grosses pierres, lumières faiblardes, instruments de tortures, etc.). La gradation dans la violence enferme évidemment le film dans un exercice de style au périmètre réduit, mais dans son détachement, dans sa noirceur comique et dans sa nonchalance, Brawl in Cell Block 99 constitue une jolie pépite de série B (pour brutale) régressive.

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