Aujourd'hui, la poésie comme la nouvelle est boudée par le public au point que les éditeurs se risquent rarement à publier des recueils. Dans ce film réalisé par Jane Campion, le cinéma donne une résonance particulière à la poésie et, nous fait apprécier différemment un genre littéraire exigeant dont nous avons peut-être oublié les bienfaits.

Bright-Star.jpg

Je vous invite chaudement à vous détendre dans les champs attenant à cette maison de campagne dans laquelle Charles Armitage Brown, poète écossais, et John Keats, jeune poète anglais ont pris domicile. C'est aussi dans cette maison qu'habite Fanny Brawne, une jeune et talentueuse couturière au caractère bien trempé.

Jane Campion nous raconte comment John Keats s'entiche de la compagnie de Fanny, de sa petite sœur Toots, et de son jeune frère Samuel. Charles Brown, l'ami poète de Keats, est agacé par les distractions envahissantes de ces jeunes gens qui l'empêchent de jouir exclusivement de la présence, et de l'esprit de Keats. Pour justifier les moments où les poètes ne souhaitent pas être dérangés, Brown explique qu'ils sont en train de "poétiser" ("musing" en anglais). Avec un humour pince sans rire, Fanny ironise le trait grâce à un jeu de mot espiègle :

Mr Brown : - Musing, making one's mind available to inspiration.
/ Le poète attend que sa muse vienne le visiter.
Fanny : - As in amusing?
/ Le poète s'amuse?

Bright-Star2.jpg

A l'image des effronteries de Fanny, j'ai trouvé les dialogues savoureux, et les mots d'esprit délicieux. C'est parfois drôle, enfantin, naïf, ou simplement beau quand les dialogues se parent des vers obscurs de Keats. La mise en image est lumineuse, et les deux acteurs sont d'une admirable sensibilité. Nous nous laissons émerveiller par ce sincère et innocent amour comme seul de grands enfants peuvent le gouter. La fin m'incite à laisser le film agir sur moi comme un poème. Et, à songer avec une certaine amertume à un monde perdu.