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Le petit théâtre des expérimentations managériales

Burning Out ne propose dans le fond rien qu'on n'ait déjà vu, lu ou entendu ailleurs sur le sujet. Rien de nouveau sous le soleil de la destruction d'un service public ou de l'organisation de la désorganisation (qui ne se limite évidemment pas au cas de l'hôpital), et le constat ne change pas d'un iota : on en sort toujours dans le même élan de déprime. Les seules variations portent sur l'angle d'attaque, sur le ton, sur l'exacerbation de tel ou tel détail. Sauf qu'ici, l'origine même du documentaire constitue à elle seule un incontournable, dans le registre du comique caustique involontaire : Jérôme Le Maire se rendait à une conférence sur le syndrome du burn-out et il découvrit sur place qu'il n'était pas question du point de vue des patients hospitalisés à Saint-Louis mais plutôt de l'épuisement professionnel des praticiens, eux-mêmes victimes et impuissants.

Le mal-être qui se dégage à tous les niveaux de l'hôpital, dans toutes les strates du moteur qui le fait tourner, est à la fois évident, omniprésent et désespérant. Chirurgiens, anesthésistes, et les infirmiers de toutes les catégories se débattent dans une mélasse organisationnelle et administrative, au sein d'un tissu dense d'injonctions absurdes découlant d'un management totalement décorrélé du pragmatisme quotidien. Jérôme le Maire a passé deux ans en immersion dans ce service et cela se ressent énormément à travers son interaction avec le personnel de l'unité chirurgicale et dans l'air malicieux de ses interventions. La tension qui ressort de l'organisation en flux tendu sur quatorze salles d'opération est immédiatement tangible. Et lorsque les conditions de travail ne sont pas bonnes, comme partout ailleurs, les hostilités deviennent monnaie courante.

Le pire dans ce témoignage, ce sont sans doute ces réunions au terme d'un audit où un représentant de la direction explique aux équipes au bout du rouleau qu'il faudrait qu'ils travaillent plus et plus vite. L'optimisation des plannings comme seul et unique graal, en faisant fi de tous les problèmes qui découlent d'une telle organisation stressante et éreintante — dans un cadre, le médical, où l'on souhaiterait j'imagine en voir encore moins qu'ailleurs. Voir ces gens souffrir dans l'exercice de leur travail a quelque chose d'inhumain, tant on les sent contraints de ne pas laisser l'objet de leur travail pâtir de la situation. Ils ne semblent bénéficier d'aucun véritable levier d'action pour peser dans la balance et contribuer à l'évolution de leurs conditions de travail. Ils finissent forcément par se taper les uns sur les autres, ça paraît presque inévitable. Une belle diversité d'opinions émerge peu à peu des couloirs de l'hôpital, de l'infirmière en charge du ménage qui doit se battre pour exister aux yeux des autres au chirurgien qui a vu les conditions se dégrader à petit feu. La hiérarchie institutionnelle se ressent beaucoup, aussi.

Et si ce cas de figure est loin d'être une exception, il y a de quoi rester stupéfait qu'une telle structure tourne aussi "bien" dans une configuration aussi chaotiquement catastrophique.

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