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Réhabilitation des non-alignés

Drôle de personnage, ce Helmut Käutner. Tourné durant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Sous les ponts étonnait par son ton extrêmement doux et poétique, dénué de toute idéologie et bien loin du bruit des bombes qui résonnait dans le Berlin d'alors. Dix ans après la fin du conflit, le voilà à la réalisation d'un film de guerre frontalement anti-nazi adapté d'une "histoire vraie" basée sur la vie d'Ernst Udet, héros de l'aviation allemande depuis la Première Guerre mondiale qui se suicida en 1941. Le contraste est surprenant.

Au centre du film, Curd Jürgens aka le général Harry Harras, tandis que les SS chercheront à punir son indépendance intellectuelle et son non-alignement avec le pouvoir (alors qu'il n'est pas fondamentalement un opposant au régime) par tous les moyens. De son côté, il aura toujours simplement cherché à s'accommoder du pouvoir sans souscrire à ses idéaux, conscient que toute autre forme de pensée est proscrite. Le but des SS : lui faire payer cet écart et effacer toute volonté d'opposition au sein de l'armée en faisant un exemple de son cas. La gradation de la répression à ce sujet est d'ailleurs très marquée : tentative de persuasion cordiale, puis intimidation, humiliation, et enfin arrestation arbitraire. C'est là que Le Général du diable exhibe un peu trop ses faiblesses didactiques, en adoptant une telle perspective sur une figure populaire n'ayant jamais adhéré à l'idéologie nazie.

Je ne sais pas si l'on peut parler d'académisme, sur ce thème et à cette époque, mais on sent clairement la volonté de réhabiliter tous les Allemands qui se sont opposés au nazisme durant la guerre, comme par allégorie au-delà de la figure du général Harras. Deux points restent toutefois très intéressants. Le premier, c'est ce pacte avec le diable signé par le héros national, chose qu'il ne réalisera que plus (trop ?) tard, alors qu'il occupe un poste à haute responsabilité au sein d'un régime auquel il n'adhère, semble-t-il, en aucun point. Le second, c'est cette image finale de l'absorption de l'opposition par le pouvoir et de l'écriture manuelle de l'Histoire. Alors qu'il avait lancé un avion contre un bâtiment nazi en se suicidant, son acte de rébellion sera complètement phagocyté par le régime lorsque Himmler ordonnera des funérailles nationales suite à un regrettable "accident".