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Justice factice et paix sociale

Quel drôle d'effet que de se lancer dans ce Lautner, réalisé une année avant le film pour lequel il est aujourd'hui célèbre (Les Tontons flingueurs), en y attendant une comédie gentillette et gouailleuse mais en se prenant en retour une petite claque dans la gueule. Claque qui prend pour forme une sorte d'étude de mœurs visant à critiquer l'ersatz de paix sociale qui arrange bien tous les habitants d'une petite ville, suite à un meurtre dont le procès fut pour le moins expéditif et orienté. Une bonne conscience que les habitants entretiennent, à commencer par la haute société, commissaire, patron de bar, et autres médecins.

Le film n'est pas centré sur l'enquête policière autour du meurtre : le coupable est identifié dès la première séquence. Ce n'est pas non plus un film de procès, même si Le Septième Juré compte une telle séquence, filmée de main de maître (une science du montage et du cadrage radicalement efficace). Non, il s'agit surtout d'adopter la perspective de la satire sociale pour faire un tout autre procès, celui d'une communauté repliée sur elle-même, sûre et fière de ses valeurs. Une horde de petits bourgeois se fiant uniquement aux apparences. Alors forcément, à leurs yeux, un honnête pharmacien, qu'ils côtoient depuis de nombreuses années, ne peut en aucun cas être l'auteur du meurtre d'une jeune fille. Même quand ce dernier avouera la vérité, de manière totalement désespérée, personne ne le croira. Personne ne voudra ni ne se risquera à le croire.

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Car le croire, admettre qu'un proche, qu'un ami, qu'un partenaire de jeu, qu'un honnête commerçant du quartier soit coupable d'un tel acte, cela nécessiterait une remise en question de leur mode de vie dont ils sont fondamentalement incapables. C'est le pas de côté et le regard sur leur propre condition impossibles. L'acquittement du suspect tout désigné, un jeune aux mœurs "légères", n'aura aucune valeur à leurs yeux. Il restera l'accusé et même le coupable. Ils ne pourront évidemment pas envisager de juger l'un des leurs, a fortiori après qu'il se soit assis sur le banc des jurés, du côté des bonnes personnes : il est tellement plus simple et confortable de le considérer comme fou...

Le Septième Juré propose en outre une vision intéressante de la culpabilité, de manière introspective, à l'aide d'une voix off omniprésente qui contraint à s'identifier au personnage de Bernard Blier. Un personnage de Français moyen, pétri de lâchetés et de désillusions, mais qui reste attachant. Sa position d'assassin obligé de juger l'accusé pour son propre crime est vraiment bien exploitée. Mais il s'agit d'une justice partiale, orientée, destinée à servir certains intérêts précis, une machine qu'il ne peut pas enrayer. Il y a bien ici ou là quelques effets de style un peu trop appuyés, mais la charge reste féroce et redoutablement efficace dans l'ensemble.

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