vacances.jpg, juil. 2020
"The trouble with me is that I never could decide whether I wanted to be Joan of Arc, Florence Nightingale, or John L. Lewis."

Difficile de placer avec exactitude le film dans l'un des innombrables sous-registres de la comédie, sans doute est-il plutôt proche de la screwball comedy, mais Holiday passe beaucoup plus agréablement que Bringing Up Baby (aka L'impossible monsieur Bébé) qui voyait déjà — la même année en réalité — chez Hawks le couple Katharine Hepburn et Cary Grant dans un numéro de comédie sentimentale très typé 30s. George Cukor est d'une évidente élégance dans le style et d'un classicisme net dans la forme, faisant de cette comédie enlevée une douceur qui se mangerait en soi sans faim. La seule chose que je lui objecterais, malheureusement, c'est d'une certaine manière la désuétude un peu trop béante du "message" dans lequel le film s'embourbe, à savoir "vis ta vie et sois heureux". Certes, la crise de 1929 est encore présente à l'époque du tournage, l'avènement de la Seconde Guerre mondiale pointe le bout de son nez, et dans ces conditions le choc des classes sociales n'est pas tout à fait inutile ou facile et déjà vu. Mais quand même...

Quand même, Grant l'homme de condition modeste qui pénètre l'univers guindé du père de sa dulcinée, un richissime banquier quelque peu réticent au projet de mariage, on voit venir l'histoire à des kilomètres. Même l'attitude de Katharine Hepburn, la sœur de la potentielle future mariée, est prévisible dès le premier regard doux qu'elle pose sur Grant. L'étouffement du protagoniste dans cet univers figé dans ses conventions, comme un carcan intellectuel délétère, avec le goût pour la liberté que cette disposition peut engendrer, voilà un schéma doté d'un vrai potentiel tout autant que de dangereux écueils. On est en plein âge d'or hollywoodien donc Holiday est très agréable à regarder, mais les étincelles suscitées par la confrontation entre la haute société new-yorkaise et un jeune aventurier ne sont pas à la hauteur de l'étude de mœurs annoncée. Certes très piquant de manière globale, mais un peu mou sur l'épanouissement individuel qu'on sacrifie sur l'autel des convenances familiales antédiluviennes, tableau du grand-père dans le salon à l'appui. La trajectoire de Julia Seton, la promise de Grant, paraît à ce titre bien trop malléable, comme assujettie aux obligations dramatiques du scénario — son revirement final ne passe pas.

Mais bon, ce tissu en fond qui porte la marque de l'aliénation à la frontière entre volontaire et involontaire, et ce afin de se maintenir dans une existence dorée... C'est un écrin intéressant qui ferait presque oublier l'union artificielle de Grant et Hepburn, le sans le sou et la brebis galeuse, et la célébration de la victoire de la vie sur les conventions. Finalement, sous les coutures de l'élégance de la comédie raffinée, il reste tout de même une certaine gravité. Un pessimisme sur la nature humaine, dans cette famille qui semble presque enfermée dans l'anachronisme de ses valeurs, affiché avec beaucoup de clarté. Un peu moins de caricature dans la lutte des classes, un peu moins de "les pauvres et leur joie de vivre simple" et de "les riches paumés dans leur tristesse et leur égocentrisme, et il y avait là matière pour quelque chose d'une toute autre envergure, un classique à la Lubitsch.

grant_hepburn.jpg, juil. 2020