lundi 15 septembre 2025

L'Argent de la vieille (Lo scopone scientifico), de Luigi Comencini (1972)

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Le pouvoir de miser à l'infini

Avec L'Argent de la vieille, c'est la première fois (chez moi) que Luigi Comencini se positionne dans le fameux créneau de la comédie italienne sociale à forte charge caustique, très loin de l'ambiance sérieuse et tragique de films dramatiques célèbres comme L'Incompris (1966). Avec ce film, il ajoute un nouveau pôle dans mon référentiel sur le sujet, la comédie tendance lutte des classes, pas très loin du Dino Risi de Pauvres millionnaires (1959) — assez éloignée donc des approches plus sérieuses à la Main basse sur la ville (Francesco Rosi, 1963), Confession d'un commissaire de police au procureur de la République (Damiano Damiani, 1971), La Classe ouvrière va au paradis (Elio Petri, 1971), voire même La Grande Guerre (Mario Monicelli, 1959).

Dans ce film la violence de classe est amenée de manière très indirecte, par le truchement d'une comédie bouffonne aux aspérités marxistes (direct les grands mots mais le personnage du professeur est très explicite à ce sujet) : on considère d'abord deux pauvres gens vivant dans un bidonville de Rome qui s'amusent à jouer au jeu éponyme (en VO, le "scopone scientifico", une sorte de belote) avec une riche Américaine qui a l'air sympathique, dans un premier temps, puisqu'elle leur prête à chaque partie l'argent nécessaire pour miser... Mais petit à petit, l'envers du décor se dévoile, et on comprend que les enjeux sont d'un ordre de grandeur tout autre : la vieille fortunée passe chaque année dans le coin pour affronter la populace au jeu de cartes qui lui sert de démonstration pour sa supériorité — sous-entendu : économique, et donc intellectuelle, morale, etc. Et de l'autre côté, la plèbe toute entière soutient les deux joueurs sans le sou, dans l'espoir sans cesse déçu (mais sans cesse renouvelé, aussi) de soutirer à la vacancière argentée quelques millions de lires.

Comencini prend son temps, entre deux parties, pour décrire l'environnement quasiment insalubre des protagonistes interprétés par Alberto Sordi et Silvana Mangano, avec leurs cinq enfants et leurs innombrables problèmes d'argent. Le rituel de l'affrontement annuel avec la riche femme de passage (Bette Davis, très convaincante, partenaire de son chauffeur soumis, interprété par Joseph Cotten) leur permet d'envisager une vie meilleure, peut-être, qui sait... Sauf que face à eux, ils ont une richissime personnalité qui adopte une stratégie imparable : elle a la capacité (économique) de miser sans fin, autrement dit elle dispose de tentatives illimitées pour doubler la mise et récupérer celle de départ. L'allégorie émerge progressivement : jeu de cartes, certes, mais in fine jeu de pouvoir, dont l'issue est entièrement déterminée par la taille de la fortune. Mais cette inégalité fondamentale n'est pas accessible à la plupart des miséreux, obnubilés par la possibilité (impossible en réalité) de gagner une part du gâteau. Une image hautement satirique de l'affrontement entre dominants et dominés, du grand capital donnant quelques miettes au prolétariat pour donner l'impression que le système tourne correctement et que le succès est accessible à tous. La conclusion (la vérité ?) sortira de la bouche d'une enfant, étrangère au compromis, suggérant que la solution ne se trouvera jamais dans une énième tentative de négociation à la marge, une énième humiliation, mais plutôt au travers d'un bouleversement radical.

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vendredi 12 septembre 2025

Let’s Get Free, de Dead Prez (2000)

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Politique afro-américaine du rebelle Un des albums de Conscious Hip Hop les plus percutants et francs que j'aie écoutés, sans l'ombre d'un doute. Bizarrement, le duo Stic.Man / M-1 aligne les gros pamphlets politiques avec une pertinence acérée, que ce soit au travers de cette intro mémorable  […]

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mercredi 10 septembre 2025

Gare centrale (باب الحديد, Bab al-Hadid), de Youssef Chahine (1958)

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La Bête humaine au Caire Dix ans avant la très attachante coproduction russo-égytienne Un jour, le Nil structurée autour de la construction d'un barrage dans un territoire brûlé par le soleil, Youssef Chahine réalisait un film presque noir, mélodrame à connotation sociale, plongé dans son noir et  […]

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lundi 08 septembre 2025

L'Adultère (Измена, Izmena / Betrayal), de Kirill Serebrennikov (2012)

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Union des trompés L'Adultère est probablement le drame le plus sobre que j'aie vue de la part de Kirill Serebrennikov, loin des effets très visibles (mais réussis, en ce qui me concerne) d'un Leto, loin de la démonstration un peu poussive d'un Le Disciple, et loin de l'ambiance tapageuse d'un La  […]

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samedi 06 septembre 2025

Marquis, de Henri Xhonneux (1989)

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Dialogues avec le membre de Sade Difficile de faire plus bizarre que ce film belge des années 1980 dont la direction artistique, les dialogues et le scénario ont été assurés par Roland Topor, sur la base d'un récit librement inspiré de l'enfermement du Marquis de Sade à la Bastille, mélangeant des  […]

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jeudi 04 septembre 2025

Slam, de Marc Levin (1998)

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"The wind is the moon's imagination wandering. It seeps through cracks, ripples the grass, explores the unknown. My love is my soul's imagination." Slam (1998) de Marc Levin me donne l'impression d'être l'équivalent en plus authentique et plus confidentiel du très célèbre 8 Mile (2002) de  […]

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mercredi 03 septembre 2025

Un jour, le Nil (النيل والحياة, An-Nil oual hayat), de Youssef Chahine (1968)

un_jour_le_nil.jpg, 2025/08/18

Construction soviétique d'un barrage égyptien et inondation de terres nubiennes Très attachant film de Youssef Chahine, qui m'a davantage convaincu que son évocation de Dovjenko dans Al-Ard (La Terre, 1970) tout en travaillant la même veine collaborative entre les deux pays, Égypte et Union  […]

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mardi 02 septembre 2025

Themroc, de Claude Faraldo (1973)

themroc.jpg, 2025/08/18

Chaos anar, cru et gras Expérience totalement lunaire qui n'est pas tellement appréciable en soi (mise en scène minimaliste, esthétique vieillotte, zombies drogués en guise d'acteurs et d'actrices, pamphlet qui ne cherche pas la nuance, volonté de choquer à base d'inceste et d’anthropophagie,  […]

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