lundi 17 novembre 2025

De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (The Effect of Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds), de Paul Newman (1972)

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"My heart is full!"

Indépendamment de toute qualité objective du film, je trouve intéressant l'idée de se pencher sur une telle œuvre réalisée par Paul Newman (troisième mise en scène de sa part, sortie peu après son adaptation de Le Clan des irréductibles), lui qui a tant incarné dans sa carrière d'acteur ce personnage d'homme cool, ce symbole du mâle flegmatique. Un produit du Nouvel Hollywood dont le casting est principalement concentré autour de trois personnages féminins — dont une interprétée par sa femme, Joanne Woodward, et une autre par leur fille, Nell Potts.

Un film qui passe difficilement inaperçu sur les radars cinéphiles avec son titre à rallonge, De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (pour l'écrire une fois), écrit par Alvin Sargent d'après la pièce de Paul Zindel — et au passage une adaptation réussie de pièce de théâtre, qu'il est bon de signaler tant on se concentre souvent sur les passages ratés au cinéma. C'est forcément un film dont on scrute la correspondance entre le contenu et le titre : le dommage collatéral, c'est qu'on accorde une attention démesurée à la métaphore au cœur des enjeux, et avec les 50 années de recul et de cinéma qui nous séparent, le geste pourrait paraître un peu lourd dans certains de ses recoins. De la même façon que Matilda étudie l'effet de l'exposition à une dose de radioactivité sur les fleurs (certaines sont rayonnantes et denses en bourgeons là où d'autres s'étiolent et meurent), Newman observe comment le climat toxique de la maison influe sur le comportement des trois femmes.

Il y a donc la mère, victime d'un certain déterminisme social, partagée entre l'empathie naturelle qu'on peut lui témoigner étant donnée sa rude condition d'existence (pauvreté matérielle, abandon du père, hantise d'un passé) et son comportement erratique avec son lot de passages désagréables pour tout son entourage. Et puis les deux filles, deux adolescentes cherchant à fuir chacune à leur façon la misère du foyer. Ruth démontrant une froide lucidité, prisonnière d'une certaine reproduction du schéma maternel, en dépit de sa prise de conscience aiguë des soucis de sa mère, et Matilda tournée vers les cours de sciences (anecdote amusante, Nell Potts deviendra une biologiste dans la vraie vie). Un même climat empoisonné pour des influences diverses sur la constitution des différentes protagonistes, le discours est limpide. Un peu trop, sans doute.

Cela n'empêche pas le film d'éviter les écueils classiques du drame familial trop appuyé. Les filles ne sombrent pas dans le rejet frontal, dans la crise existentielles, et font preuve d'une étonnante compréhension, avec des modalités de réaction très singulières, très personnelles — le "no mama, I don't hate the world" de Matilda résonne énormément, en parallèle du "My heart is full!" de Beatrice, souvent embarrassante. Dans cette perspective, il n'est pas totalement déplacé d'observer la composition de Joanne Woodward en parallèle de celle de Gena Rowlands de Une femme sous influenceNewman illustre de manière pertinente les fêlures de cette mère mal dans sa peau, abandonnée, impuissante mais volontaire pour essayer de vivre une vie décente. Au sein de cette maison asphyxiante, gangrénée par la honte de la classe moyenne, victime de la méchanceté des habitants (belle galerie de portraits de la lâcheté et de l'égoïsme), la lutte contre la morosité n'est pas éteinte.

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jeudi 13 novembre 2025

Bande-son pour un coup d'État (Soundtrack to a Coup d'Etat), de Johan Grimonprez (2024)

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Kaléidoscope géopolitico-jazz Coïncidence cinématographique, en l'espace de quelques mois deux films documentaires croisent ma route : ils sont consacrés au même sujet, la figure de Patrice Lumumba comme marqueur de l'indépendance du Congo et son assassinat aux prémices de la décolonisation, et ils  […]

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jeudi 06 novembre 2025

Le Sifflement de Kotan (コタンの口笛, Kotan no kuchibue), de Mikio Naruse (1959)

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Le sort des Aïnous sur Hokkaidō Dans la filmographie de Mikio Naruse, Le Sifflement de Kotan est du genre à détonner : il ne s'agit pas d'un mélodrame urbain en lien avec des tourments amoureux, la source des conflits ne provient pas à proprement parler de l'intérieur du cercle familial, et le  […]

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lundi 03 novembre 2025

Saving Face, de Alice Wu (2004)

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"Don't come back until you have a husband to match the child." Pour son premier long-métrage, Alice Wu réalise en 2004 une comédie romantique focalisée sur une communauté sino-américaine de New York en brassant un large éventail de thématiques à la fois peu courantes à l'époque et  […]

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mardi 28 octobre 2025

Le Passager nº4 (Stowaway), de Joe Penna (2021)

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"To be honest, this isn’t where I thought I would end up. I guess you never know where life’s going to take you." Impossible de ne pas être froissé par les quelques maladresses que le scénario de Stowaway nous lègue sur son passage. Et ça commence très fort : dans le décor d'un vaisseau  […]

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dimanche 26 octobre 2025

L’homme semence (2006) et L’enfant don (2023) de Jean Darot

À la parution de l’enfant don, Jean Darot a révélé qu’il était aussi l’auteur de L’homme semence, paru initialement sous le pseudonyme de Violette Ailhaud. Cette dernière était censée être une institutrice des Basses-Alpes (actuelles Alpes-de-Haute-Provence) et aurait écrit ce court texte sur la  […]

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vendredi 24 octobre 2025

Affaire Sarkozy-Kadhafi : le procès

Par Fabrice Drouelle, dans l'émission Affaires sensibles (48 minutes). Et la collusion s’effrite…

jeudi 16 octobre 2025

Le dernier homme, de Margaret Atwood (2003)

Margaret Atwood est surtout connue pour son chef-d'œuvre La servante écarlate (1985), dans lequel elle raconte les agissements d'une société fondamentaliste qui persécute les femmes, et narre la révolte de l'une d'entre elles. L'ultime chapitre du roman qui recontextualise la république de Gilead  […]

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