Ralph Nelson est principalement connu pour son western critique Soldat bleu de 1970, dénonçant violemment le massacre historique de Sand Creek, mais finalement ce sera cette série B ...Tick... tick... tick... sortie la même année qui aura ma préférence, bien qu'elle souffre de limitations évidentes. Une plongée crasseuse dans les États-Unis du sud où des restes du passif esclavagiste infusent encore dans la société, où la ségrégation a gangrené toutes les strates de la ville. Mais malgré son emballage de série B, il faut ici reconnaître à Nelson un sens étonnant de la mesure (un peu trop par moment, clairement, à trop vouloir équilibrer les choses une forme de symétrie trop parfaite prend le dessus) pour aborder le sujet brûlant et éternel du racisme. Franchement, 55 ans plus tard, les signes d'évolution paraissent bien timides.
On peut voir cette chronique des forces de l'ordre dans le comté de Colusa comme un récit cousin de l'australien Wake in Fright, dans lequel la chaleur écrasante fait ruisseler les gouttes de sueur sur les corps, et où l'on aurait substitué au personnage de l'instit paumé dans un village de fous furieux tueurs de kangourous celui d'un shérif noir au milieu d'une petite ville dans laquelle le KKK gagnerait haut la main des élections. Il n'empêche : Jim Brown incarne cet homme qui s'est imposé face à son rival George Kennedy à l'élection du shérif local, et débarque dans ce coin miné par la défiance.
Et là où on attend une grosse série B qui tache avançant ses pions sur un échiquier de la morale convenue, Ralph Nelson fait preuve d'une mesure et d'une subtilité tout à fait surprenantes. Surprise : les gentils et les méchants ne sont pas répartis selon les camps des blancs ou des noirs, les rapports entre personnages qu'on pensait bassement conflictuels et uniquement articulés par un exercice quelconque de la violence se révèlent beaucoup plus complexes et nuancés, et la toile des relations et des contraintes structurant le microcosme forme un réseau très étonnant dans la dynamique des rapports de force.
Cela n'empêche pas le scénario d'arborer des grosses ficelles et de se faire un peu bourrin pour placer ses arguments : on a droit au personnage du parvenu méprisable fils de riche notable se croyant tout permis (y compris sortir de prison après avoir tué une fille dans un accident de voiture), au revirement de situation final qui permet de boucler l'histoire sur une note positive, aux bons et mauvais points distribués presque méthodiquement des deux côtés blancs / noirs. Malgré tout, la provocation bien pesée que le film cultive sur le terrain des tensions raciales parvient à maintenir un niveau de tension (et d'attention) constant. On voit des gens changer d'avis là où d'autres s'obstinent dans leur bêtise, on voit des comportements parfaitement cyniques essayant de tout faire pour ne pas se mouiller dans cette situation explosive. Un thème que Nelson reprendra (moins habilement) dans Le Vent de la violence (1975), mais qui se situe bien plus du côté du célèbre Dans la chaleur de la nuit (1967).
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