Indépendamment de toute qualité objective du film, je trouve intéressant l'idée de se pencher sur une telle œuvre réalisée par Paul Newman (troisième mise en scène de sa part, sortie peu après son adaptation de Le Clan des irréductibles), lui qui a tant incarné dans sa carrière d'acteur ce personnage d'homme cool, ce symbole du mâle flegmatique. Un produit du Nouvel Hollywood dont le casting est principalement concentré autour de trois personnages féminins — dont une interprétée par sa femme, Joanne Woodward, et une autre par leur fille, Nell Potts.
Un film qui passe difficilement inaperçu sur les radars cinéphiles avec son titre à rallonge, De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (pour l'écrire une fois), écrit par Alvin Sargent d'après la pièce de Paul Zindel — et au passage une adaptation réussie de pièce de théâtre, qu'il est bon de signaler tant on se concentre souvent sur les passages ratés au cinéma. C'est forcément un film dont on scrute la correspondance entre le contenu et le titre : le dommage collatéral, c'est qu'on accorde une attention démesurée à la métaphore au cœur des enjeux, et avec les 50 années de recul et de cinéma qui nous séparent, le geste pourrait paraître un peu lourd dans certains de ses recoins. De la même façon que Matilda étudie l'effet de l'exposition à une dose de radioactivité sur les fleurs (certaines sont rayonnantes et denses en bourgeons là où d'autres s'étiolent et meurent), Newman observe comment le climat toxique de la maison influe sur le comportement des trois femmes.
Il y a donc la mère, victime d'un certain déterminisme social, partagée entre l'empathie naturelle qu'on peut lui témoigner étant donnée sa rude condition d'existence (pauvreté matérielle, abandon du père, hantise d'un passé) et son comportement erratique avec son lot de passages désagréables pour tout son entourage. Et puis les deux filles, deux adolescentes cherchant à fuir chacune à leur façon la misère du foyer. Ruth démontrant une froide lucidité, prisonnière d'une certaine reproduction du schéma maternel, en dépit de sa prise de conscience aiguë des soucis de sa mère, et Matilda tournée vers les cours de sciences (anecdote amusante, Nell Potts deviendra une biologiste dans la vraie vie). Un même climat empoisonné pour des influences diverses sur la constitution des différentes protagonistes, le discours est limpide. Un peu trop, sans doute.
Cela n'empêche pas le film d'éviter les écueils classiques du drame familial trop appuyé. Les filles ne sombrent pas dans le rejet frontal, dans la crise existentielles, et font preuve d'une étonnante compréhension, avec des modalités de réaction très singulières, très personnelles — le "no mama, I don't hate the world" de Matilda résonne énormément, en parallèle du "My heart is full!" de Beatrice, souvent embarrassante. Dans cette perspective, il n'est pas totalement déplacé d'observer la composition de Joanne Woodward en parallèle de celle de Gena Rowlands de Une femme sous influence. Newman illustre de manière pertinente les fêlures de cette mère mal dans sa peau, abandonnée, impuissante mais volontaire pour essayer de vivre une vie décente. Au sein de cette maison asphyxiante, gangrénée par la honte de la classe moyenne, victime de la méchanceté des habitants (belle galerie de portraits de la lâcheté et de l'égoïsme), la lutte contre la morosité n'est pas éteinte.









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