mercredi 09 juillet 2025

Approach To Anima, de maya ongaku (2023)

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Ballades psychédéliques des forêts japonaises

Un album de folk psychédélique japonaise absolument pas dans mes zones de confort mais qui est malgré tout devenu une source de relaxation intense. Je l'ai tellement écouté que l'album s'est peu à peu transformé en un bruit de fond tranquille, avec petits oiseaux et bruits de rivière... Dit comme ça on pourrait s'attendre à un cliché de musique générique pour séance de yoga en entreprise mais maya ongaku déploie ses nappes musicales avec une douceur assez incomparable dans mon référentiel. Psychédélique parfois mais très légèrement, avec une sensation apaisante de balade musicale en forêt. Le groupe a depuis sorti en 2024 un EP intitulé Electronic Phantoms, moins trip relaxant et plus orienté Neo-Psychedelia.

Extrait de l'album : Description Of A Certain Sound.

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À écouter également : Nuska, Melting, et une session live de KEXP.

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lundi 07 juillet 2025

Le Royaume, de Julien Colonna (2024)

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La violence en héritage

Le Royaume sera avant tout pour moi le film de deux acteurs, non-professionnels en l'occurrence : Ghjuvanna Benedetti (étudiante en école d'infirmière) et Saveriu Santucci (agriculteur), dans les rôles respectifs de la fille et du père. J'ai trouvé d'une part leurs interprétations individuelles particulièrement convaincantes, et d'autre part la relation très attachante qui s'esquisse peu à peu entre les deux. En tous cas, deux éléments-clés dans cette fiction façonnée autour de la guerre entre mafias corses, située au milieu des années 1990 — le réalisateur Julien Colonna a apparemment puisé dans ses souvenirs et sa relation avec son père pour esquisser le portrait au cœur du film.

Derrière la façade des conventions (que l'on pourrait résumer aux caractéristiques d'un drame familial en Corse) s'affirment assez rapidement de nombreuses touches originales qui vont bien au-delà de la seule présence d'acteurs non-professionnels locaux et de la façon qu'à Colonna de jouer avec la suggestion ou le retard dans la diffusion d'informations qui permettent de comprendre les enjeux. La première heure restera globalement assez évasive, en ne montrant les tentatives d'assassinat qu'au travers du filtre de la télévision (au même niveau que la protagoniste, donc), en refusant de présenter explicitement les rôles des différents personnages qui tournent autour de Lesia et Pierre-Paul. C'est d'ailleurs en adoptant le point de vue de l'adolescente, découvrant peu à peu le passif de son père, que l'on pénètre dans ce milieu et que les grandes lignes se dévoilent. Une jeune femme subissant largement les contraintes imposées par ce groupe d'hommes (sans aucune lourdeur explicative néanmoins), qui se montrent dans l'ensemble très bienveillants avec elle, sans pouvoir pour autant la préserver des conséquences inévitables lorsqu'on parle de fusillades à répétition entre clans rivaux.

La relation intime père-fille se mêle de manière très fluide à l'intérieur d'un tableau de plus grande envergure, duquel émergera périodiquement une violence brute captée tout d'abord avec beaucoup de distance, puis de manière très réaliste — le film dans son ensemble joue cette carte pragmatique de l'immersion au sein d'un groupe social très particulier, sans expliciter l'ensemble des codes d'entrée de jeu, et l'opération m'a semblé plutôt réussie. Il parvient à alimenter une tension récurrente, soit par le manque d'information créant une certaine angoisse, soit par l'irruption d'événements violents. On reconnaît certains tics caractéristiques d'un premier film (la première séquence qui essaie d'en mettre plein la vue notamment, avec ce long travelling révélant une identité féminine au sein d'un groupe de chasseur avant qu'un gerbe de sang ne souille le visage de l'héroïne de manière extrêmement allégorique). La main du scénariste est parfois un peu lourde, surtout dans la matérialisation de quelques figures symboliques, mais j'ai beaucoup aimé la vision donnée de ce groupe d'hommes autour duquel gravite une jeune femme, leurs rapports intimes, les préparatifs de vengeance, les passages en cachette, épiés pour nous par l'adolescente.

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mercredi 02 juillet 2025

Mirrored, de Battles (2007)

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Battles est un groupe new-yorkais évoluant dans une direction qui ne correspond pas vraiment à mon genre de prédilection ni même à des inclinations cachées, mais je dois reconnaître qu'il y a une dimension ludique dans Mirrored, sans doute propre à l'univers math rock. Un côté expérimental qui régulièrement me crispe pas mal, notamment lorsque des voix sont convoquées (je trouve ça raté, et dommage y'en a pas mal), avec même des morceaux qui concentrent le meilleur et le pire (Leyendecker par exemple, avec sa voix insupportable mais sa charpente rythmique très aguicheuse). Des assemblages de textures que je n'avais jamais entendu auparavant, avec cette recherche novatrice et constante de breaks improbables.

Extrait de l'album suivant, Gloss Drop : Futura (parce que je le trouve plus représentatif, même si l'album est dans l'ensemble moins bon que Mirrored).

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À écouter également : Tonto, Leyendecker, Race : Out.

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lundi 30 juin 2025

Ouarzazate Movie, de Ali Essafi (2001)

ouarzazate_movie.jpg, 2025/05/21
L'envers du décor de la figuration

L'externalisation et la délocalisation au cinéma, on a beau savoir que ça existe forcément sur le plan théorique (comme pour tout autre secteur industriel), le choc n'en reste pas moins violent lorsqu'on se retrouve nez à nez avec les figurants marocains de grands films internationaux, en immersion dans les conditions de tournage (recrutement, habillage, répétitions, etc.) de films comme GladiatorKundunLa Momie, ou encore... Astérix & Obélix - Mission Cléopâtre. Et on imagine malheureusement que ces conditions n'ont pas évolué de manière drastique dans la ville-cinéma de Ouarzazate depuis la réalisation de ce documentaire d'Ali Essafi en 2001.

Ouarzazate Movie montre avec beaucoup de pragmatisme comment sont recrutés les figurants dans le cadre de productions très renommées : c'est très simple, des centaines de candidats placés derrière des grillages attendent toute la journée dans l'hypothèse d'une sélection (par des inconnus les montrant du doigt), en espérant avoir l'honneur de revêtir un costume de soldat romain ou de croisé — voire même d'avoir droit à une petite réplique, dans le meilleur des cas. Seulement une fraction minime est sélectionnée chaque jour, avec des directives énoncées assez brutalement au mégaphone (du genre "les femmes, pas la peine de rester aujourd'hui" ou encore "les noirs et les peaux foncées, revenez demain"). Un travail qui sera évidemment payé une misère, mais qu'on espère malgré tout obtenir dans l'espoir de pouvoir payer la réparation d'un toit. Les principaux intéressés ne verront quasiment jamais le résultat final de leurs contributions.

La caméra d'Essafi se contente de capter tous ces événements, de manière très neutre, l'attente interminable des uns, l'espoir cinéphile des autres, mais tous logés à la même enseigne, c'est-à-dire une humiliation quotidienne. On est loin de l'ambiance bon enfant autour de Salim Shaheen en Afghanistan dans Nothingwood... Le film ne verse cependant jamais dans la morale bas du front et la condamnation frontale, il préserve une tonalité comique avec beaucoup de dérision, ce qui lui permet de ne jamais sombrer dans la lourdeur du film à message. Mais le constat sur l'aboutissement cinématographique de l'impérialisme reste très grinçant, sur ce territoire où David Lean avait tourné une partie de Lawrence d'Arabie et où l'on croise un figurant (El Haj Nacer Oujri) qui avait à l'époque côtoyé Pasolini — L'occasion de nous gratifier de quelques excellentes anecdotes.

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samedi 28 juin 2025

Sujud, de Senyawa (2018)

sujud.jpg, 2025/01/29

Un duo d'avant-folk indonésienne largement indéfinissable, en tous cas les mots me manquent pour décrire une telle expérience. Un album d'ambiance, constitué d'incantations et de percussions essentiellement, une bizarrerie qui explore des territoires souvent angoissants, à forte consonance tribale, et probablement des improvisations qui expérimentent du côté de la dissonance. Hypnotisant au dernier degré, avec son lot de percussions amélodiques (je sais pas si le terme existe) générées à partir d'instruments fabriqués par l'un des membres et sur un chant parfois presque chuchoté. Difficile de s'extasier sur la durée, mais sur cet album (à la différence de Acaraki et Alkisah par exemple) les sonorités alimentent une ambiance tribale nourrie par une production moderne qui conserve une bonne part de brut. Les registres fluctuent entre le drone, le doom metal, et l'ambient — le tout étant mélangé dans le chaudron d'une musique sombre jusqu'au menaçant par moments. Senyawa constitue en tous cas une expérience assez unique en son genre.

Extrait de l'album : Tanggalkan Di Dunia.

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À écouter également : Sujud et Kembali Ke Dunia.

Pour prolonger le délire, pour les amateurs, un petit extrait live.

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lundi 23 juin 2025

Past Lives – Nos vies d'avant (Past Lives), de Celine Song (2023)

past_lives_nos_vies_davant.jpg, 2025/05/22
"The evil American husband standing in the way of destiny."

Past Lives n'est certainement pas le premier film sur le thème des histoires d'amour contrariées, impossibles sous certains aspects, jouant la carte de la mélancolie existentielle avec force. Mais c'est un premier film étonnant de maîtrise et de mesure. Évidemment il y a dans le geste de Celine Song un potentiel hautement clivant puisque il s'agit d'un cinéma très allusif, travaillant presque exclusivement la veine de la suggestion, du genre où "il ne se passe rien" pour peu qu'on ne soit pas pris dans le tourbillon des sentiments qui sont évoqués — alors que dans le cas contraire, ce sera l'exact inverse au travers des nombreuses dimensions des tourments sentimentaux esquissés ici et qui pourront entrer en résonance avec ceux qu'on a tous vécus dans notre vie. Il y a très clairement une orientation minimaliste dans cette romance impossible, et Song utilisera de nombreux leviers pour produire ces effets de litote, au sens où les dialogues sont à 90% basés sur des conversations anodines en apparence et où les non-dits structurent l'essentiel des communications. Le procédé peut agacer, il pourrait même laisser de marbre, on peut le concevoir assez facilement : en revanche, il peut également emporter tout sur son passage et exprimer un puissant déchirement au travers de simples souvenirs et de simples regrets.

L'ellipse est probablement l'artifice le plus évident dans le film : Song nous rend intelligible la situation réunissant Nora et Hae Sung (Greta Lee et Yoo Teo, tous deux excellents dans leurs rôles respectifs) à l'aide d'un découpage net en trois temporalités. 1) L'enfance, leur relation d'amour platonique, leurs angoisses à l'idée d'être séparés suite à l'annonce du projet d'émigration au Canada par la famille de Nora ; 2) la fin de l'adolescence, une dizaine d'années plus tard, où les deux se retrouvent sur Internet un peu par hasard, à la faveur d'une brève reconnexion ; 3) l'âge adulte, qui sera celui des retrouvailles à New York, mais aussi celui du bilan. Spoiler : tout ne sera pas facile.

Sans surprise, l'inventaire des ressentis se fera dans la douleur. Il n'est pas forcément nécessaire de recourir au concept du "fil du destin" (inyeon) au cœur du film, un terme sud-coréen intraduisible renvoyant aux liens et aux connexions émotionnelles qui unissent deux personnes. La romance malmenée aborde de nombreuses thématiques qui se suffisent à elles-mêmes, indépendamment de cette grille de lecture, d'une part du côté du déracinement subi (émigration, séparation, choix des parents qui s'imposent aux enfants, reconstruction d'un tissu social dans un autre pays), et d'autre part du côté des occasions romantiques manquées (avec tout ce que l'on peut imaginer en termes de conjectures sentimentales, à partir d'un début de relation brisé et des scénarios qui auraient pu défiler si les circonstances avaient été différentes). Song tisse sa mise en scène dans une forme d'épure efficace, très précise, élaborée tout en restant pragmatique — ce qui est notable pour une première réalisation, très bien équilibrée entre sobriété et exaltation — et parvient très bien à faire communiquer (à faire se confronter serait plus juste) les aspirations de l'enfance alimentées par une forme d'idéalisme naïf avec la dure loi de l'univers adulte, ses contraintes, ses marges de manœuvre réduites, son champ des possibles limité.

Past Lives emprunte ses thématiques à une large collection de films (Minari pour le déracinement d'une famille coréenne, In the Mood for Love pour l'évolution contrariée de rapports intimes, Before Sunrise pour la notion du temps compté pour vivre un moment privilégié) mais parvient malgré tout à préserver une grande originalité dans la formulation de la synthèse, traitant autant des rapports amoureux que des effets du temps. De prime abord le personnage secondaire du mari de Nora (John Magaro) peut paraître assez faible comparé aux deux autres, mais il se fait in fine le témoin impuissant de cette relation tardive ("In the story, I would be the evil white American husband standing in the way of destiny" dira-t-il avec beaucoup de lucidité) dont il peine à saisir les contours (et pour cause : sa femme aussi), qui envahit soudainement sa vie, mais qu'il accepte pour permettre à sa femme de faire le deuil de son ancien et premier amour (ce qu'il espère, en tout état de cause). Par son biais les deux composantes qui façonnent la personnalité de Nora, mi-Coréenne mi-États-unienne, entrent presque en conflit, comme deux parties qui n'avaient jamais réellement communiqué (encore une fois, son mari explicitera cela : "You dream in a language that I can't understand, it's like there's this whole place inside of you where I can't go"), deux parties que personne n'appréhendera jamais véritablement de manière simultanée.

Il y a donc bien une fascination pour le vide dans Past Lives, mais le vide consubstantiel aux regrets des actions que l'on n'a pas entreprises, à la cruauté des souvenirs qui blessent quand ils sont confrontés à la réalité — Hae Sung l'évoquera à Nora, "I didn't know that liking your husband would hurt this much". Amer constat qui n'aidera pas beaucoup à cicatriser les plaies, et magnifié par le plan final, entrecoupé par deux travellings latéraux somptueux, dans lequel les deux protagonistes échangent difficilement leurs derniers mots.

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jeudi 19 juin 2025

Souvenirs d'Halifax

Souvenirs photographiques d'un voyage au Canada en 2023, quelques fragments de mémoire éparpillés autour de Halifax (anciennement Chibouctou en français), capitale de la province de Nouvelle-Écosse.

On y avait débarqué un 1er avril, après une crise d'appendicite et une course à travers tout Heathrow qui ne nous avait pas empêché de rater la correspondance, nous laissant lost in translation pendant un jour dans un coin paumé de la banlieue ouest de Londres. On avait eu notre dose de poissons d'avril pour l'année.

Fun fact : c'est ici que survint le 6 décembre 1917, l'événement baptisé explosion d'Halifax. Dans le port, par un matin brumeux, la plus grande explosion d'origine humaine avant les armes nucléaires : l'Imo, un bateau norvégien, heurte le Mont Blanc, un bateau français bourré de munitions, qui explose et fait plus de 2 000 morts et entre 3 000 et 9000 blessés, 3 000 immeubles détruits, 25 000 sans abris. La détonation est entendue à plus de 400 kilomètres. Pour remercier New York de de l'aide médicale apportée à l'époque, la Nouvelle-Écosse offre chaque année un grand sapin de Noël à la ville américaine.

Dans l'ordre :

  1. Une boutique de Fisherman's Cove.
  2. Une surfeuse quelque part entre Cow Bay et Rainbow Haven Beach.

  3. Un bout de côte près de Peggys Cove.
  4. Une image iconique du Canada, le phare du même coin.
  5. Un bout de village dans le contrechamp.

  6. Une navette-ferry de Halifax appelée un traversier (une bouée géante métallique).

  7. Un écureuil surpris en randonnée à Cape Split.
  8. Un bout de forêt en cette période tristounette.
  9. Une vue sur le bassin des Mines, une baie séparée de la baie de Fundy à l'ouest.
  10. Un chipmunk (tamia en français) surpris au même endroit, appartenant à la même famille que les écureuils.
  11. Le bout du bout de Cape Split.
  12. Une crique sur le côté Sud, probablement Gentleman Cove.

  13. Matière indéterminée #1 (probablement Evernia prunastri, mousse de chêne ou lichen fruticuleux).
  14. Un tronc sculpté de l'intérieur.
  15. Petit bout de côté sur la rando de Delaps Cove.

  16. Encore un écureuil, mais cette fois-ci du côté de New Ross.
  17. Les mésanges ne sont pas franchement farouches, près des cottages.

  18. Les blue jays, eux, sont carrément des goinfres et peuvent se caler deux énormes gousses de cacahuètes dans le gosier avant de s'envoler pour les cacher.

Émilie et Renaud.


N'hésitez pas à cliquer sur les images pour les afficher en plein écran et les faire défiler.


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mardi 17 juin 2025

L'Or noir de l'Oklahoma (Oklahoma Crude), de Stanley Kramer (1973)

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"If I had both sex organs, I could just screw myself, couldn't I?"

Avec son histoire de ruée vers l'or noir américain au début du XXe siècle bercée par un ton improbable oscillant entre comédie et romance (sur fond de western, malgré tout, même si ce n'est absolument pas le registre principal auquel on s'attend), Oklahoma Crude constitue avant tout une petite sucrerie à destination des amateurs de films sans prétention issus de la décennie 1970s. Un scénario minimal mais original, une empreinte graphique singulière (tout se passe autour d'une petite colline sur laquelle une femme et son père essaient de creuser pour trouver du pétrole), une petite bande d'acteurs et d'actrices qui fonctionne (George C. Scott, Faye Dunaway, John Mills, et Jack Palance), et le tour est joué.

Manifestement Stanley Kramer ne recherche pas le chef-d'œuvre : on est vraiment dans le domaine de la presque série B qui joue avec seulement quelques cartes en mains. Parmi les principales, il y a la tonalité féministe toujours étonnante dans ce contexte (le cinéma états-unien du milieu du XXe siècle, grosso modo, qui ne brille pas particulièrement par sa considération, très souvent englué dans ses clichés même dans ses courants les plus progressistes), mettant Dunaway au centre d'un jeu presque entièrement masculin — toutes les figures du mâle sont là, le père, le gardien, l'antagoniste roublard, etc. Elle est en outre à l'origine d'une tirade parfaitement improbable pour l'époque, sur un thème connexe : "You don't like men much, do you? / No. / Maybe you're the kind who prefers women. / No. Women are even worse; they try to be like men, but they can't cut it. I'd like to be a member of a third sex. / Third sex? Mmm-hmmm. Well, which article would you have - the one that goes in, or the one that goes out? / Both. / Well, which one would you favor? / Both. If I had both sex organs, I could just screw myself, couldn't I?". La tête de Scott à ce moment-là est vraiment collector.

Pour le reste L'Or noir de l'Oklahoma se maintient à bonne distance de toute créativité débordante, et une fois les psychologies posées et la situation inextricable établie, le film se transforme au sens littéral en une situation de siège avec d'un côté les propriétaires de la colline pétrolifère perchés sur leur butte, qui essaie de survivre et de tenir tête, et de l'autre le représentant de l'ordre industriel capitaliste entouré de ses chiens de garde, qui campent autour armés jusqu'aux dents. Mais la dynamique qui structure les relations au sein du groupe considéré comme "les gentils" contient beaucoup d'éléments non-conventionnels, réfutant tout manichéisme et s'avérant plus intéressant que ce qu'on imagine de prime abord.

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samedi 14 juin 2025

PeteStrumentals, de Pete Rock (2001)

petestrumentals.jpg, 2025/01/29

Hip Hop presque entièrement instrumental en provenance du Bronx, dans des variations jazz clean and chill. PeteStrumentals est le quatrième album de Pete Rock, et c'est une vraie grosse bonne surprise, surtout après la déception franche du précédent Soul Survivor. Largement de quoi démontrer voire confirmer les talents de production de son auteur, qui étaient déjà évidents sur ses premières œuvres au début des années 1990, Mecca and the Soul Brother et The Main Ingredient (des albums plus typés conscious rap, à recommander aux amateurs de groupes comme A Tribe Called Quest). Il y a bien un petit côté répétitif, sans doute en lien avec une signature rythmique presque constante à travers les morceaux, mais pour peu qu'on soit bon client l'expérience devient vite hypnotisante. Une heure tellement fluide, tellement classe...

Extrait de l'album : Pete's Jazz.

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À écouter également : A Little Soul, Something Funky, The Boss, et For The People.

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jeudi 12 juin 2025

Vivre et aimer (Sadie McKee), de Clarence Brown (1934)

sadie_mckee.jpg, 2025/05/12
Vertus et limites de l'ascension

Ce portrait tenu tout du long par Joan Crawford d'une femme issue des classes très modestes en pleine ascension sociale, au sein d'un environnement particulièrement perturbé et tumultueux, reflet des États-Unis des années 1930, appartient à cette étrange catégorie des films du Pre-Code tardif, sortis sans doute quelque temps seulement avant la mise en application de la censure en 1934. Cette dimension-là n'est absolument pas prédominante et ne conditionne en aucune manière le contenu de Sadie McKee (parfois connu sous l'appellation "Vivre et aimer" en France), mais elle contribue à créer une atmosphère assez bizarre, un peu décalée, classique au sens premier mais légèrement borderline en termes d'allusions sexuelles. Crawford incarne une fille de cuisinière, servante auprès de riches aristocrates, reconvertie en rabatteuse dans un bar après avoir démissionné suite à l'humiliation de trop, qui connaîtra diverses aventures romantiques avec des profits très différents.

Le plus remarquable, c'est celui du personnage interprété par Edward Arnold, un milliardaire faisant preuve d'une surprenante bienveillance à son égard sur son lieu de travail, et dont l'alcoolisme sera révélé un peu plus tard dans le récit. La façon de décrire son rapport à l'alcool comme une maladie terrible est particulièrement originale — et l'investissement de la protagoniste dans son rétablissement, suggérant qu'il aurait perdu la vie sans son soutien inconditionnel, rajoute une couche d'originalité dans leurs rapports. Un précédent à The Lost Weekend (1945, Billy Wilder), à ce titre. C'est avec beaucoup de douceur que le film dévoile les limites de la réussite sociale à laquelle elle aspirait profondément, en contrechamp d'un amour déçu suite à la rupture avec son premier fiancé. Le mélodrame prend le pas dans le dernier temps, en la faisant se rapprocher de ce dernier dans un sanatorium — sous le regard bienveillant de son riche mari tiré d'affaire, situation assez singulière encore une fois —afin de colorer la narration d'un filtre amer un peu précipité. Mais ces formes scénaristiques rigides sont compensées par quelques traits d'esprit, quelques répliques saillantes pour l'époque (une femme disant à deux amants non-mariés recherchant une chambre "if you've lost your marriage certificate, don't worry, very broad minded, this landlady").

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