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Un hôpital de fortune au cœur de la guerre d'Afghanistan

À ciel ouvert est un très bon complément vidéo à l'expérience Le Photographe, un reportage photo parsemé de bandes dessinées (ou l'inverse : une bande dessinée parsemée de photos) dans lequel les dessins et les couleurs d'Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier venaient combler les vides entre les photos argentiques et autres extraits de pellicules en noir et blanc de Didier Lefèvre. Il en était à sa première mission au Moyen-Orient, dans des conditions aussi difficiles de guerre et de très haute altitude. Alors que la BD offrait principalement le point de vue du photographe, le documentaire propose celui de Juliette Fournot, responsable des programmes afghans de Médecins Sans Frontières et à la tête de la mission qui était l'objet du reportage. Trois mois de 1986 entre le Pakistan et l'Afghanistan, en pleine occupation soviétique, au milieu des caravanes et des moudjahidines, pour organiser un hôpital de fortune et soigner les blessés de tous horizons. Trois mois, c'est le temps de la BD : l'équipe de MSF restera dans ces lieux et se relaiera pendant des années.

De par son format, de par son point de vue complémentaire, il est préférable voire nécessaire d'avoir lu les trois tomes du Photographe avant de se lancer dans ce conflit et ces opérations à ciel ouvert. Et, de toute façon, le DVD se trouve à l'intérieur du second tome ou de l'édition intégrale...

L'objectif de Juliette (aussi connue sous le nom de Jamila là-bas) à travers ce témoignage : médiatiser un conflit et rendre compte d'une réalité qui parvenait péniblement aux frontières occidentales à l'époque. Quarante minutes qui documentent cette guerre, à l'écart des lignes de front mais de manière frontale avec les blessés de guerre aux corps charcutés et autres petits bobos de la vie quotidienne. De manière plus indirecte, aussi, par des chemins de traverse tels que les trajets en haute montagne avec leurs cols enneigés à 6000m d'altitude ou encore la difficulté à organiser des missions humanitaires dans de telles enclaves. L'abnégation de l'équipe soignante qui se lance dans des opérations de chirurgie réparatrice au milieu de nulle part, avec le strict minimum en matière de matériel médical, est littéralement incroyable.

C'est aussi un voyage temporel qui permet de remonter aux racines d'une certaine géopolitique actuelle : les bombes de l'URSS qui ravageaient les populations en ces lieux et cette époque trouvent bien sûr un écho tragique, 30 ans plus tard, avec celles qui ravagent le Moyen-Orient aujourd'hui. Le documentaire se termine d'ailleurs sur des images d'enfants en plein apprentissage et Juliette se demandant ce qu'ils deviendront, d'ici 20 ans, dans de telles conditions matérielles et idéologiques. Une guerre, froide, se terminait ; une autre, religieuse, naissait. Et au milieu de ce magnifique bordel militaire, politique et idéologique, au cœur de ces zones périlleuses, l'équipe soudée autour de Juliette, assistée par les populations locales, anesthésie et opère sans relâche. Ce témoignage est à ce titre, en proposant un troisième regard (après ceux qu'offraient la bande dessinée et le reportage photo) sur une même histoire, tout simplement bouleversant.

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