garbage_warrior.jpg, juin 2020
"I'm just glad I didn't fry a baby or something."

Garbage Warrior est le portrait d'un flibustier des temps modernes, un eco-warrior pragmatique en croisade contre l'institution américaine et contre l'architecture conventionnelle qui revendique corps et âme son droit de construire des maisons résilientes à l'aide — entre autres — de pneus, de bouteilles en verre et de canettes de bière.

Michael Reynolds est un architecte américain partagé entre une forme d'idéalisme hippie et une obstination farouche, animé par la volonté chevillée au corps de construire des bâtiments autonomes baptisés "earthships". Leur design singulier et leur architecture écologique largement anti-conventionnelle, à base de recyclage de matériaux très divers, ainsi que son allure de troubadour alliée à la communauté expérimentale qu'il souhaite établir à Taos (Nouveau-Mexique) en fait un personnage tout à fait unique. Si l'on ajoute à cela son combat contre la législation du code de l'urbanisme qui dura plusieurs années (et qu'il perdit à plusieurs reprises, malgré l'empathie créée par l'ouragan Katrina), passées à rédiger des projets de loi pour qualifier son projet aussi farfelu en apparence qu'incroyable en pratique de "sustainable building test site", on a là un documentaire autant surréaliste que passionnant.

Bien sûr Oliver Hodge ne s'attarde pas sur le bien-fondé technique et les détails architecturaux de ses errements constructivistes : on ne saura jamais dans quelles mesures les dernières créations de Reynolds sont effectivement habitables, durables, et résistantes au temps. Au-delà de la beauté du geste, on ne saura pas si son incursion (avec toute son équipe de constructeurs) dans les îles Andaman au lendemain du séisme et du tsunami de 2004 dans l'océan Indien aura réellement porté ses fruits. Le récit fait de l'aide apportée aux populations locales est aussi beau qu'une publicité pour Greenpeace ou WWF, même si le geste reste le même (c'est-à-dire très beau).

Mais ces décades passées à expérimenter dans l'architecture, au grand dam de l'institution qui lui révoqua sa licence et qui lui valut une pléthore de procès, force le respect. Le genre de portrait de passionnés jusqu'au bout des ongles, mêlant en l'occurrence une certaine mystique bohème à de solides connaissances techniques. Reynolds insiste beaucoup sur la dimension "trial & error" de son œuvre, en nous emmenant dans nombre de ses anciennes constructions, imparfaites mais toujours viables. Il en a fallu, des fuites à travers le toit, des maisons trop exposées au soleil (au point de faire fondre le plastique à l'intérieur : "I'm just glad I didn't fry a baby or something" dira-t-il), et autres problèmes d'évacuation des eaux usées avant de parvenir à ses fins. Resteront son enthousiasme d'une touchante sincérité et sa détermination apparemment sans borne — le voir en costard et les cheveux attachés pour aller plaider sa cause auprès de l'institution, au sein d’une autorité de régulation labyrinthique et cauchemardesque, est d'ailleurs aussi drôle qu’insensé.

reynolds .jpg, juin 2020