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"Aren't there any ethics about letting poor little babies be murdered?"

Délicieuse époque que celle du Pré-Code, avec des films comme L'Ange blanc (Night Nurse) qui sans être sensationnels et parfaitement intègres 90 ans plus tard, délivrent néanmoins le parfum très singulier de cette licence, quelques années avant que tout comportement jugé amoral ne devienne interdit. Et ici, on peut dire que William A. Wellman ne tarde pas à montrer les infirmières en petites tenues, certes toujours de manière un minimum justifiée, mais on y va gaiment : on s'habille, on se déshabille, on rentre tard de soirée, on picole, on bastonne hommes et femmes indifféremment, etc. Symbole parfait d'une époque avec ses codes bien particuliers, l'espace de quelques années au début des 40s américaines.

Night Nurse recèle toutefois d'autres points de singularité, notamment dans les ruptures de ton qu'il entretient constamment en naviguant entre mélodrame, film noir et comédie, avec une certaine cohérence. La première partie est la plus légère, elle épouse une tonalité résolument humoristique pour décrire l'hôpital américain avec tous ses soucis d'organisation et ses rapports hiérarchiques. L'occasion de présenter le point de repère du film, Barbara Stanwyck et son personnage fondamentalement bon, bienveillant et intègre qui révèlera une affaire sordide. Dans sa seconde partie, le film change radicalement de ton pour suivre le microcosme bourgeois de quelques dépravés, alcoolisme par-ci et machisme violent par-là. On voit débarquer Clark Gable (à l'époque où il n'arborait pas encore sa célèbre moustache !) d'abord par ses pieds, avec un cadre volontairement tronqué qui fait comprendre la distribution de mandales en cours. Dans le temps suivant, il n'hésitera pas à cogner l'héroïne sous prétexte de non-coopération, séquence assez étonnante et choquante dans sa violence (qu'on ne voit plus trop au cinéma aujourd'hui non plus, d'un point de vue purement factuel). Un groupe sous l'emprise d'un manipulateur macho et violent, qui laissera progressivement apercevoir ses plans machiavéliques pour mettre la main sur un gros magot.

Sorti la même année que L'Ennemi public, le film est intéressant pour la place de la femme qu'il renvoie de la société de l'époque, perdue entre condescendance et brutalité, ainsi que quelques dispositions qui paraissent vraiment bizarres même avec un œil contemporain — en témoigne notamment le traitement réservé à Gable en toute fin, un happy end macabre qui se réjouit de la mise à mort d'un méchant. Le cas sordide de la malnutrition des enfants, entre une mère alcoolique, un chauffeur manipulateur et un médecin charlatan, ajoute encore une touche originale au tableau contrasté, fait de drames hospitaliers, de complots, d'escroqueries, et de moments comiques.

papier.png, avr. 2021 lit.png, avr. 2021 gable.png, avr. 2021