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Lonely are the brave

Man without a Star est avant toutes choses un film de cowboy, au sens propre : un film sur le métier de garçon vacher au sein des grands espaces américains, avec les problématiques qui y ont trait au centre du film. Même si de nombreux aspects ne m'ont pas paru très convaincants, à l'instar de la figure-clé de la riche propriétaire terrienne frisant la caricature de femme forte et vénale et quelques autres passages censément comiques, il propose une vision des barbelés dans cet Ouest vaste et sauvage plutôt intéressante.

Kirk Douglas est un peu le cavalier solitaire qu'il incarnera dans Lonely are the brave (lire le billet) avant l'heure : c'est un ilot d'indépendance et de liberté qui se laisse porter par le vent et parcourt les terres encore vierges de la campagne américaine. Les thématiques classiques du western sont bien là : le duo masculin qu'il forme avec un jeune cowboy en apprentissage, le duo féminin contrasté, la présence d'un lourd passé sur les épaules du héros, et la question des grands espaces et de fin d'une ère. C'est ici que le film de King Vidor trouve son principal intérêt, dans la description d'une terre de liberté sur laquelle on introduit des barbelés : un peu comme le début de La Chevauchée des bannis (1959, lire le billet), l'opposition des points de vue à ce sujet sera le moteur d'une partie de l'intrigue.

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Sauf qu'ici, la délimitation de certains espaces ne vient pas légitimer le principe de la propriété privée comme dans beaucoup d'autres films typiquement américains. Les barbelés sont ici le symbole de la défense des cowboys détenant de petits troupeaux contre les propriétaires plus importants, qui avaient tendance à laisser leur bétail raser toute l'herbe fraîche. Le rapport de Kirk Douglas aux barbelés évoluera ainsi dans cette direction, d'une opposition déterminée (ils contraignent sa liberté) à une tolérance mesurée (il comprend leur utilité mais va rejoindre les espaces encore vierges à la fin). C'est une illustration nostalgique mais consciente d'une époque en passe d'être révolue, même si cette thématique précise sera sans doute mieux exploitée dans Seuls sont les indomptés.

Kirk Douglas est encore une fois très à l'aise dans ce rôle, même si certains passages à l'humour forcé peuvent être désagréables. Autant son interprétation est saisissante dès qu'il serre la mâchoire et devient menaçant, autant elle perd en profondeur quand il se laisse aller à certaines chansons (celle dans le bar au début de La Captive aux yeux clairs [cf ce billet] est cent fois mieux) et certains réflexes propres au récit initiatique. Son personnage profondément indépendant, contradictoire, presque libertin et anarchiste, sans attache et sans étoile à suivre (comme l'indique le titre), reste relativement bien mis en valeur dans cet espace peu à peu gangréné par l'argent et la propriété. Son acceptation des barbelés n'est pas un reniement de ses idéaux, elle se fera au terme d'un long travail de réflexion et caractérise plutôt une compréhension de l'oppression subie par certains de ses semblables et un refus d'une forme aliénante et agressive de liberté.

N.B. : Kirk Douglas a dû s'entraîner des semaines entières pour manier des révolvers avec une telle aisance et pour les faire tournoyer avec une telle dextérité !

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