strategie_choc_film.jpg

Un individu confronté à une situation de traumatisme collectif (guerre, catastrophe naturelle, crise économique ou encore, plus récemment, attaque terroriste) est plongé dans un état de choc. Ces chocs détournent l’attention générale vers l’urgence apparente de la situation et créent un consensus temporaire et artificiel. Beaucoup redeviennent alors des enfants, incapables de porter un jugement sensé, calme et responsable sur les décisions politiques des dirigeants et se retrouvent ainsi plus enclins à suivre les leaders qui prétendent les protéger. S'il est une personne à avoir compris ce phénomène avant les autres, c'est bien Milton Friedman, prix Nobel d'économie (1) en 1976. Grand apôtre de l'ultralibéralisme, Friedman conseilla pendant de nombreuses années aux hommes politiques d'imposer immédiatement après une crise des réformes économiques douloureuses avant que les gens n'aient eu le temps de se ressaisir. Il qualifiait cette méthode de « traitement de choc ».
En 2007, Naomi Klein publiait La Stratégie du choc (Actes Sud), un essai à la croisée de la politique et de la sociologie sous-titré « la montée d'un capitalisme du désastre » (voir le site officiel).

strategie_choc_livre.jpeg naomi_klein.jpg

Naomi Klein, journaliste activiste canadienne, publiait déjà en 2001 un manifeste altermondialiste de référence : No logo : la tyrannie des marques. Six ans plus tard, La Stratégie du choc livre une analyse méticuleuse de la démarche de ces papes de l'économie qui profitent des situations de crise pour passer à l'action. Michael Winterbottom et Mat Whitecross, réalisateurs en 2009 du documentaire du même nom, illustrent cette stratégie cynique en décortiquant soigneusement sa mécanique perverse.
De la Russie post-perestroïka à la Nouvelle-Orléans après le passage de l'ouragan Katrina, en passant par l'Irak au lende­main de la chute de Saddam Hussein, le « capitalisme du désastre » se nourrit depuis longtemps des guerres comme des catastrophes naturelles pour mettre la main sur l'économie d'un pays. Rien de tel qu'un petit coup d'État, fomenté par la CIA et porté au Chili par Augusto Pinochet et sa junte militaire, pour renverser le très – trop – progressiste Salvador Allende. Appliquer les théories économiques des Chicago boys, les disciples de Friedman, ne sera par la suite qu'une simple formalité... Ou comment un économiste à col blanc provoqua indirectement dix-sept ans de dictature.

Ce documentaire est un exemple en matière de narration. Peu à peu, les points se relient et forment un ensemble d'où jaillit la vérité, évidente et étincelante. Très clair sans être simpliste, il invite à une vigilance civile de tous les instants. À méditer, par les temps qui courent.

N.B. : Documentaire disponible en intégralité. Faites circuler !

(1) Petit précision : le prix Nobel d'économie n'existe pas. Il s'agit plus précisément du « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel ». Encore une entourloupe ! (retour)