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"Nuclear attack within one hour" à l'école

Une pépite largement méconnue, capsule temporelle idéale pour se replonger dans (une vision de) la crise des missiles de Cuba en 1962 — Ladybug Ladybug étant sorti l'année suivante. Deux points originaux en font tout le sel : le cadre narratif et le point de vue. Le postulat de départ est on ne peut plus simple : dans une école élémentaire située dans un coin de campagne américaine, une alarme se met soudainement en route. C'est le "Air Raid Warning System" qui clignote de sa lumière jaune, et le protocole est très clair : "nuclear attack within one hour". Une fois passée une courte période d'insouciance, une fois éliminée la possibilité d'un exercice ou d'une erreur, le personnel éducatif doit se rendre à l'évidence : il s'agit d'une véritable menace nucléaire.

Le film embraye alors sur la dispersion des enfants en plusieurs groupes, chacun emmené par un adulte en charge de les accompagner chez eux à pied. L'occasion de remarquer le deuxième point intéressant développé par le couple Frank et Eleanor Perry (réalisation et scénario), à savoir le point de vue adopté, essentiellement à la hauteur des enfants. Une grande partie du récit sera ainsi racontée à travers la perspective des différents écoliers, avec autant de réactions que d'individualités et de groupes formés. L'occasion de tisser les fils d'une histoire à base de peur, de paranoïa, et d'une certaine contemplation de la mort.

La toile de fond de Ladybug Ladybug est un commentaire sur les effets psychologiques de la Guerre froide, directement inspiré d'un incident survenu à l'époque dans une école du Midwest. Le but n'est donc pas tant de jouer sur la tension d'une hypothétique bombe qui s'apprêterait à tomber (la réponse sera donnée bien avant la fin) que d'observer l'effet de cette incertitude sur les enseignants et les enfants, à mesure que le sentiment de catastrophe nucléaire s'infiltre dans les esprits et conditionne les comportements.

Certains paniquent, certains s'enferment dans des sous-sols, certains se mettent à genoux et prient, certains ne s'intéressent pas à cette information. Un petit groupe d'enfants, en l'absence totale des parents (une absence très remarquée, ce qui peut rapprocher le film de l'histoire de Sa Majesté des mouches dont l'adaptation au cinéma sort la même année, en 1963), s'enferme dans un abri anti-atomique et commence à édicter quelques règles drastiques — conduisant notamment à rejeter une fille, qui demandait seulement à entrer, sous le prétexte fallacieux que l'air et la nourriture viendraient à manquer. L'image d'une fille s'enfermant dans un congélateur à ciel ouvert et d'un garçon criant "stop" tandis qu'une déflagration fend l'air restera assez intense. Le comportement des enfants, entre crainte et résilience, balaie un spectre assez large de réactions avec une subtilité non-négligeable.

Ladybug Ladybug, c'est un peu le chaînon manquant entre les spots éducatifs "Duck and Cover" et le film catastrophe Appel d'urgence.

instit.jpg, déc. 2020 vieille.jpg, déc. 2020 enfants.jpg, déc. 2020