demon_des_armes.jpeg
"It's just that some guys are born smart about women and some guys are born dumb. You were born dumb."

Le Démon des armes se situe sans doute plus du côté de la curiosité à être découverte par les cinéphiles amateurs du film noir que du côté du film à voir dans l'absolu, pour ses qualités intrinsèques. Dans la perspective de la première option, si l'on considère le fait qu'il fut produit sous le Code Hays et en plein maccarthysme, et si l'on se focalise sur l'originalité manifeste dont il fait preuve en 1950, comme un avant-goût de Bonnie and Clyde qui sortira tout de même 17 ans plus tard, il vaut assurément le détour.

Il est souvent difficile de situer avec précision la frontière entre un film de série B et un film que l'on qualifierait de "normal", mais quelle que soit la catégorie la plus convenable dans le cas présent, Joseph H. Lewis a su utiliser son budget à bon escient pour bien dissimuler les coutures. Cela se sent principalement dans la configuration de certains décors, mais les très bonnes idées de mise en scène sont très fréquentes au sein du film. La créativité qui naît de la contrainte, encore une fois... La caméra posée à l'arrière d'un véhicule pendant une longue scène de pré-braquage, ce final onirique dans un marécage brumeux (dont l'ambiance nous sort énergiquement du cadre du cinéma américain de cette époque), ou encore les nombreux sous-entendus induits par la censure alors à l'œuvre aux États-Unis (Bart astiquant son révolver quand Laurie sort de la douche et enfile des collants...) : les fulgurances ne manquent pas en moins d'une heure et demie.

De par son sujet et son traitement, Gun Crazy s'écarte cependant assez vite des sentiers battus du film noir. Les nombreuses idées de mise en scène presque baroques et le regard concentré sur cette romance un peu détraquée, à travers une relation aux armes à feu vaguement fétichiste qui trouve son origine dans l'enfance, donnent au film une couleur singulière, presque anticonformiste. On peut noter quelques faiblesses, notamment dans l'association à la dialectique un peu forcée entre l'homme fragile et bon, fondamentalement incapable de tuer, et la femme vénale, obsédée par l'argent et la transgression. Ce n'est pas ici le ressort classique de la femme fatale, sophistiquée, celle qui fait chavirer les cœurs, mais plutôt celle qui sert de contrepoids narratif, dans la construction purement mécanique de son personnage, pour que la balance morale penche de temps en temps du mauvais côté et insuffle ainsi du rythme à l'ensemble.

chambre.jpg