tresor.jpg
Il était une fois en Transylvanie

Voilà un genre d'humour que je ne connaissais pas dans l'absolu, pas sous cette forme précise, et encore moins dans le cadre du cinéma d'Europe de l'Est, plus connu (en France en tous cas) pour ses drames glaciaux que pour ses francs moments de rigolade. Ceci étant dit, on est bien loin de la comédie franche, mais cet humour pince-sans-rire roumain qui inonde une bien étrange tragicomédie aura eu un effet inattendu.

Au tout début du film, d'ailleurs, on ne dispose d'aucun véritable repère pour savoir si on s'embarque dans un drame social, mais l'idée d'une quelque forme de comédie que ce soit paraît tout aussi éloignée. En faisant se rencontrer deux voisins de palier au sujet d'un hypothétique trésor enfoui dans un jardin, Corneliu Porumboiu se lance dans une rhétorique de l'excavation aux sens multiples : les deux compères creusent la terre à la recherche d'un trésor quand le réalisateur farfouille dans l'histoire de son pays. Des enjeux beaucoup moins anodins que ce qu'on aurait pu penser dans un premier (ou second, une fois que le registre de la comédie est plus ou moins clairement établi) temps. Seront convoquées, au fil des zones scannées et des trous creusés dans une jolie symphonie burlesque très nuancée, toujours dans les environs de la même villa aujourd'hui abandonnée : la révolution roumaine de 1848 (une composante du Printemps des peuples assez peu évoquée dans les manuels, me semble-t-il), la présence communiste après la Seconde Guerre mondiale, l'ère post-communiste avec une boîte à strip-tease à la fin des années 1980, et l'ère actuelle avec ces ruines comme vestiges de la crise de la fin des années 2000. Un sacré voyage temporel.

Porumboiu parsème son film de questionnements divers, principalement liés à l'histoire de la Roumanie, sur fond de chasse au trésor radicalement adulte dans les faits, mais étrangement enfantine dans l'intention, bien sûr. Le Trésor est garni de séquences cocasses, un genre de burlesque froid et décalé, tout en sobriété, donnant aux élucubrations des deux pieds nickelés un caractère presque surréaliste. Des dialogues confinant à l'absurde quant au mode opératoire optimal à suivre pour la recherche du trésor, les disputes qui s'ensuivent, un sens du sérieux qui vire au comique quand il est poussé à l'extrême dans des situations apparemment anodines, un voleur qui aide les policiers à ouvrir le coffre déterré alors qu'eux-mêmes vont ponctionner (légalement) leur part du butin... Et bien sûr le contenu du trésor, qui relativise les histoires familiales et ancre le film dans le présent. L'occasion pour le père d'enfiler les habits de Robin des bois, de héros et de menteur sur fond d'espoir et de contes à enseigner aux nouvelles générations.

boite.jpg