meurtre_sous_contrat.jpg, mar. 2021

"Instead of price-cutting he does throat-cutting."

Murder by Contract est une curiosité assez incroyable des années 50, un film aux contours insaisissables qui reprend les codes classiques et les contraintes inhérentes à certains registres (film noir et série B, notamment) pour en faire quelque chose de totalement inattendu et original. On est à la fois en terrain connu, avec sur le fond un homme qui devient un tueur à gages efficace pour le simple attrait financier de cette spécialisation professionnelle, et dans le même temps en terrain inclassable, avec un traitement extrêmement détaché de son activité, avec une musique en contraste absolu (et néanmoins excellente), et surtout avec un protagoniste hors catégorie, faisant preuve d'un détachement émotionnel parfait (jusqu'à un certain point notable), d'une froideur absolue, le tout de manière décontractée, désinvolte, et même enjouée, à tel point qu'on en oublierait presque qu'il est question d'assassinats sur commande. Vince Edwards, sous ses faux airs de Mark Ruffalo, avec sa mâchoire musclée et serrée, son professionnalisme maniaque allié à son air de-ne-pas-y-toucher, alors qu'il aurait pu nourrir un stéréotype désagréable, est vraiment extraordinaire.

Sans doute que ce qui fonctionne aussi bien tient au fait que Irving Lerner est parvenu à mêler adroitement le sérieux absolu du film noir, avec ses meurtres en série retranscrits froidement, et un certain détachement qui ne s'interdit pas des recoins comiques — c'est notamment le cas lorsque Claude, le tueur, se verra imposé un duo de malfrats en charge de le surveiller, source de nombreux semi-gags en demi-teinte. Quelque part, il y a dans les motivations mêmes du protagoniste un certain décalage, avec ce sérieux et ce dévouement à la tâche qui le fait passer de l'assurance de systèmes mécanographiques au meurtre de sang froid : on passe ainsi du "price-cutting" au "throat-cutting"... Sur le papier, il n'y voit qu'une différence : la deuxième option paye beaucoup mieux. On retrouve le même sérieux dans sa réaction, lorsqu'il découvre qu'un contrat vise une femme : pendant un instant on peut penser que son hésitation est liée à l'apparition d'une conscience soudaine, d'un dilemme moral, avant de réaliser qu'il s'agit d'une question bêtement pragmatique, réalisant qu'il aurait dû demander une somme d'argent plus importante pour cette spécificité non présentée dans le contrat.

La sobriété du style et la décontraction du ton font de ce film largement méconnu une curiosité très appréciable, un de ceux pour lesquels on aurait du mal à assigner un genre ou une époque. Une ambiance très singulière qui est amenée presque immédiatement, doublée d'une sorte d'étude de caractère dépouillé à la Delon dans Le Samouraï de Melville. Un avant-gardisme qui saute aux yeux sans pour autant être affiché et revendiqué, incarné par un homme au charisme et à l'opiniâtreté franchement insolites.

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