Le feu écrivain japonais Akira Yoshimura (1927 - 2006) a dépeint la mort et le deuil dans des nouvelles et des romans extraordinaires. On peut trouver moult points communs entre ses histoires insolites.
La novela fantastique, La Jeune Fille suppliciée sur une étagère, en est la plus frappante des représentations avec un récit post-mortem. Nous y suivons les pensées d’une jeune fille de seize ans tout juste décédée chez elle. Son cadavre est vendu à la science par ses parents contre une somme d'argent. Commence une suite d'aventures posthumes plus ou moins désagréables pour elle. Elle observe calmement son corps transporté du tatami où elle repose jusqu'à la table d’autopsie d'un laboratoire. L’acuité de l’observation, des sens et de l’esprit étonne vivement.
Les personnages de ses histoires ne sont pas toujours aimables jusqu'à parfois mettre mal à l’aise. Prenons le narrateur du roman Le Convoi de l’eau, il s’émeut d’une enfant pendue sous ses yeux par un groupe de villageois aux abords du hameau étrange où il est venu travailler. Lui-même n’a pourtant eu par le passé aucun scrupule à tuer sa femme sauvagement après la découverte de son adultère. Et au lieu d’une volonté de repentance, il poussa plus loin les sévices après sa sortie de prison en exhumant le cadavre de sa femme.
Cinq petits morceaux d'os des doigts du pied de ma femme... Posséder une partie d'elle me donnait le plaisir de profaner son cadavre. Il était impensable que je les jette, mais si je les jetais, ce serait uniquement en les lançant dans un égout d'eau croupie.
Ce vil narrateur s’est fait embaucher dans l’équipe de treize ingénieurs et soixante ouvriers chargés de construire un barrage hydroélectrique là où un village séculaire d’une centaine d’habitants a été découvert par hasard en fouillant les montagnes à la recherche d’un avion écrasé. La suite est stupéfiante.
Nous retrouvons l’environnement hostile et l’isolement géographique dans Naufrages. Cette fois-ci, nous quittons la montagne pour le bord de mer. Le héros est un enfant prénommé Isaku qui va faire ses premières expériences, participer à son tour aux tâches quotidiennes et perpétuer les cérémonies qui rythment la vie au village. La survie s’élabore devant nos yeux de lecteur éberlué face aux confrontations sidérantes sur la côte. Une histoire de résilience fascinante.
Il avait encore en mémoire la sévère recommandation de son père qui, avant de partir, leur avait fait promettre, à sa mère et à lui, de ne pas laisser les enfants mourir de faim.
Akira Yoshimura a une écriture épurée qu’il a mis au service d’une imagination singulière. Je suis ressorti de ces lectures comme si j’avais glissé dans un interstice de la littérature : amoral, ancestral et lointain.
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