Slam (1998) de Marc Levin me donne l'impression d'être l'équivalent en plus authentique et plus confidentiel du très célèbre 8 Mile (2002) de Curtis Hanson, dans lequel le mi-rappeur mi-poète afro-américain interprété par Saul Williams aurait remplacé l'ouvrier joué par Eminem. J'ai beaucoup aimé la description de l'environnement (un peu détaillé mais pas tant que ça) et surtout de la personnalité du protagoniste, Ray Joshua, dans un cadre qui pourrait rappeler celui de la série The Corner, c'est-à-dire contenant les mots-clés quartier défavorisé des États-Unis, drogue, violence, avec la prison en plus et la toxicomanie en moins. On peut assez facilement dire que le rappeur et poète Williams porte le film sur ses épaules tant la caméra très mobile et très docu-fiction de Marc Levin gravite autour du personnage, que ce soit dans son quotidien des quartiers noirs de Washington, ses démêlés judiciaires liés à une deal ayant mal tourné, son passage en prison et sa découverte du slam — sorte de compétition de poésie sous la forme de joutes oratoires orientées hip hop.
Si j'ai beaucoup aimé le type de captation donnant à Slam des allures de semi-documentaire, avec cette impression constante de saisir l'action sur le vif, sans montage invasif, j'ai été un peu moins séduit par la trajectoire racontée. Le trait me paraît un peu épais, le mec des quartiers difficiles qui se fait arrêter en possession de drogue et jeter en prison, qui survit en milieu carcéral grâce à sa passion, son talent de rhéteur, et sa rencontre avec une enseignante travaillant dans la prison (Sonja Sohn, elle aussi arrimée à un lourd passif mêlant proxénétisme et drogue), pour finalement sortir grâce aux faveurs d'un dealer tombé sous le charme de son éloquence ayant payé sa caution, et trouver un nouveau sens à sa vie désormais placée sous le signe de la poésie. L'idée derrière tout ça n'est pas déplaisante, mais j'ai trouvé l'exécution un peu trop sommaire, pas forcément programmatique mais en tous cas orné de coutures un peu trop visibles et prévisibles.
La rime et la tchatche comme arme de combat pour rivaliser intelligemment avec les poings ou les flingues habituellement dégainés dans la rue, les talents en poésie entravés par les conséquences de l'appartenance à un milieu social : le décor joue toujours à la lisière de la surcharge, et quelques séquences sombrent fatalement dans un didactisme un peu gênant — l'exemple typique étant les retrouvailles entre Ray et le pote blessé lors du deal à l'origine de son incarcération (ce dernier voulant buter ses agresseurs) au cours desquelles il lui fait la morale sur le thème "brisons ensemble le cycle infernal de la violence" digne d'un manuel. Malgré tout, la figure du slam comme lien de solidarité entre deux codétenus ou comme rempart contre la violence carcérale (peut-être pire que la violence des rues) conserve une certaine beauté et une certaine sensibilité que Williams véhicule avec force et détermination.
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