L'externalisation et la délocalisation au cinéma, on a beau savoir que ça existe forcément sur le plan théorique (comme pour tout autre secteur industriel), le choc n'en reste pas moins violent lorsqu'on se retrouve nez à nez avec les figurants marocains de grands films internationaux, en immersion dans les conditions de tournage (recrutement, habillage, répétitions, etc.) de films comme Gladiator, Kundun, La Momie, ou encore... Astérix & Obélix - Mission Cléopâtre. Et on imagine malheureusement que ces conditions n'ont pas évolué de manière drastique dans la ville-cinéma de Ouarzazate depuis la réalisation de ce documentaire d'Ali Essafi en 2001.
Ouarzazate Movie montre avec beaucoup de pragmatisme comment sont recrutés les figurants dans le cadre de productions très renommées : c'est très simple, des centaines de candidats placés derrière des grillages attendent toute la journée dans l'hypothèse d'une sélection (par des inconnus les montrant du doigt), en espérant avoir l'honneur de revêtir un costume de soldat romain ou de croisé — voire même d'avoir droit à une petite réplique, dans le meilleur des cas. Seulement une fraction minime est sélectionnée chaque jour, avec des directives énoncées assez brutalement au mégaphone (du genre "les femmes, pas la peine de rester aujourd'hui" ou encore "les noirs et les peaux foncées, revenez demain"). Un travail qui sera évidemment payé une misère, mais qu'on espère malgré tout obtenir dans l'espoir de pouvoir payer la réparation d'un toit. Les principaux intéressés ne verront quasiment jamais le résultat final de leurs contributions.
La caméra d'Essafi se contente de capter tous ces événements, de manière très neutre, l'attente interminable des uns, l'espoir cinéphile des autres, mais tous logés à la même enseigne, c'est-à-dire une humiliation quotidienne. On est loin de l'ambiance bon enfant autour de Salim Shaheen en Afghanistan dans Nothingwood... Le film ne verse cependant jamais dans la morale bas du front et la condamnation frontale, il préserve une tonalité comique avec beaucoup de dérision, ce qui lui permet de ne jamais sombrer dans la lourdeur du film à message. Mais le constat sur l'aboutissement cinématographique de l'impérialisme reste très grinçant, sur ce territoire où David Lean avait tourné une partie de Lawrence d'Arabie et où l'on croise un figurant (El Haj Nacer Oujri) qui avait à l'époque côtoyé Pasolini — L'occasion de nous gratifier de quelques excellentes anecdotes.
Dernières interactions
Ah je serais très heureux d'avoir ton avis là-dessus ! C'est mon gros coup de…
24/06/2025, 11:54
Merci pour cette chronique sensiblement enthousiaste. Il est fort parfois le…
24/06/2025, 10:49
Ouch ou encore Civil war d’Alex Garland (2024)
12/06/2025, 16:03
Décidément, on se rapproche de l'introduction d'un prochain volet d'American…
12/06/2025, 10:19
Ah je trouve La Jetée beaucoup plus immédiatement appréciable que The Stalker…
09/06/2025, 11:21
Je suis mauvais élève, je n’ai pas vu le film. Mais j’ai ouï dire que le sens de…
08/06/2025, 22:50