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"I'm the king of silent movies hiding out till the talkies blow over."

Il y a des films dans lesquels il faut savoir lâcher prise. Sentir que toutes les clés liées à la narration pure ne nous seront pas données et qu'il serait sans doute vain de tenter de mettre de l'ordre dans cette fragmentation. Ou du moins sentir qu'il sera impossible de retrouver une chronologie agréablement linéaire et sans zone d'ombre : de cet inconfort narratif caractéristique de Mickey One peut naître quelque chose d'aussi dérangeant qu'intéressant.

Sans doute que l'influence totalement anachronique de Bonnie and Clyde, seconde collaboration entre Arthur Penn et Warren Beatty, contribue à fausser les pistes. L'un est parfaitement intelligible quand l'autre entretient un côté obscur, l'un fut un succès retentissant et annonciateur du Nouvel Hollywood quand l'autre constitua un dur revers après deux réussites pour Penn (Le Gaucher et Miracle en Alabama). Mickey One est construit autour d'une intrigue dont on ne connaîtra jamais tous les éléments : est-ce une peur paranoïaque ou bien le résultat d'une véritable traque organisée par la mafia qui agite tant le protagoniste ? Dans sa fuite à Chicago, dans sa tentative de construire une nouvelle vie loin de Detroit, Warren Beatty donne corps à un objet hybride entre le polar jazzy et le film noir typiquement américain, sous influence de la Nouvelle Vague française. Un objet multiple, faussant les pistes, qui rappelle en ce sens La Poursuite Impitoyable (lire le billet), du même réalisateur.

L'enveloppe visuelle (magnifique noir et blanc captant les recoins de la ville, des allées sombres et vaseuses aux intérieurs feutrés des cabarets) et sonore (avec son saxophone omniprésent) du film colore la peur du protagoniste, la vraie force motrice du film, de manière singulière. Sa fébrilité est palpable, tout comme ses tentatives d'y faire face. Si la menace atomique semble être à l'origine du film, d'après les intentions d'Arthur Penn qui eut carte blanche, on peut y voir le résultats de beaucoup d'autres préoccupations dans les États-Unis des années 60.

Une intrigue aussi étrange que parcellaire, un Warren Beatty totalement en phase avec le thème (ses répliques comme "I'm guilty of not being innocent" ou encore "I'm the king of silent movies hiding out till the talkies blow over" en font un personnage très particulier), et des ambiances vraiment originales (les casses, le personnage japonais récurrent, les rues sombres et incertaines, etc.) : autant de choses à savourer à condition de renoncer à tout élucider.

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