La résistante Madeleine Riffaud, alias Rainer
, est morte le 6 novembre 2024 à l'âge de 100 ans, alors que les projecteurs étaient braqués sur la réélection de Donald Trump.
Madeleine Riffaud a tardé à raconter son enfance et son adolescence, ce qu’elle a finalement fait en 2015 dans une série d’entretiens découpée en dix épisodes pour la radio (podcasts de France Culture) et en 2017 pour les oreilles attentives du scénariste de bande dessinée Jean-David Morvan.
Dis donc, Rainer… Tu vas enfin l’ouvrir, ta gueule, oui ? Cette année, ce sont les cinquante ans de la Libération. On doit raconter la vérité, dire comment ça s’est passé… Si tu continues à la fermer, tous nos camarades morts à dix-sept ans, personne ne s’en souviendra. C’est ça que tu veux ?
La lecture de ces trois bandes-dessinées qui retracent son parcours pour rejoindre la Résistance à Paris et se battre au péril de sa vie contre les occupants nazis, est une véritable respiration. La BD développe une narration à la fois sentimentale, politique et poétique qui fait drôlement du bien en ces temps où les « mots morts » des communicants de tous bords asphyxient notre pensée.
La reconstitution des évènements est captivante et les planches à l’aquarelle par le dessinateur Dominique Bertail sont magnifiques. Le lecteur y suit donc Madeleine Riffaud, cette jeune femme qui n’avait que seize ans lorsqu’elle a rejoint la Résistance en 1942. Elle tissa des liens forts avec des hommes et des femmes qui ont œuvré dans l'ombre contre l'occupant nazi. Le lecteur entrevoit une partie du maillage que forme la Résistance et les notes de bas de page apportent les précisions historiques nécessaires à notre connaissance. Parfois le présent de l'entretien durant la période Covid - entre Riffaud et Morvan - ressurgit comme pour rappeler l'importance que revêt l'oralité dans la transmission du passé.
Cette première partie permet de mieux comprendre les germes de sa révolte. Née le 23 août 1924 à Arvillers dans la Somme elle grandit dans une famille républicaine d’instituteurs originaires du limousin. Petite fille Madeleine part avec ses grands-parents et leurs paquetages pour fuir la guerre, se greffant aux colonnes de civils en plein exode sur les routes, des avions de combat, les Stuka, les survolent et font feu sur eux. Au milieu de ce cortège perdu et désarmé, Madeleine est une première fois survivante. On y découvre aussi l’importance de la lecture, de la poésie et de l’amour de sa famille dans la construction de sa personnalité. Quand elle tomba malade de la tuberculose à cause du froid et de malnutrition, son père réussit à organiser son départ vers le sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet, situé entre la Dent de Crolles et la vallée du Grésivaudan. Ce centre médical sur les contreforts de la Chartreuse doit beaucoup au docteur Daniel Douady qui préserva ce havre de paix pour les malades durant l’Occupation allemande et en fit un lieu secret de la Résistance (ce que Madeleine apprit des années plus tard). Même si la mort est toujours prégnante au sanatorium, le séjour de convalescence de Madeleine est doux. Ses premiers émois amoureux et ses transgressions adolescentes sont signe d’une santé retrouvée. Elle convint son amoureux Marcel Galiardi de partir avec lui pour Paris, sans en parler à ses parents, avec la vive intention de prendre part à la Résistance. Elle fut aussitôt engagée au sein du Front national de lutte pour la Libération et l’indépendance de la France, organisation d’obédience communiste.
Le rythme de ce second volume est différent car elle raconte comment elle se forma aux tactiques d’actions et de discrétions dans Paris. Elle participa aux affichages, aux tractages et à la protection de familles juives. Elle veilla à la clandestinité de son réseau dans l’angoisse qu’à tout moment un des leurs fut arrêté et torturé. Un éclat de couleur ensanglante les teintes bleutées de ce volume : la célèbre Affiche rouge des fusillés du Mont-Valérien, que Madeleine vit sur les murs de la capitale. Le rouge, c’est aussi la couleur de l’édredon qui donne son titre à ce volume, c’est sous son imposant linge de lit qu’une vieille dame courageuse cacha Madeleine pourchassée par la Feldgendarmerie. L'année 1944 est un tournant tragique pour Madeleine. Elle apprit avec horreur le drame d’Oradour sur Glane où elle eut passé des vacances. Après la mort brutale de son ami Picpus, amoureux de la poésie comme elle, elle fut arrêtée pour avoir abattu un officier allemand et fut conduite directement au siège de la Gestapo.
Ce troisième volume est le plus éprouvant car elle est tabassée plusieurs jours au cours des interrogatoires menés par les Brigades spéciales de la police de Vichy, puis torturée par la Gestapo, rue des Saussaies. Elle ne lâcha rien : ni un lieu, ni un nom. Elle nia tout lien avec un réseau de résistance. Elle fut finalement condamnée et par trois fois elle échappa à une mort certaine. Elle fut sauvée grâce à la complicité de femmes qui voulurent « sauver la môme ». Elle ne tarda pas à reprendre sa place aux côtés des Francs-tireurs en vue de l’insurrection parisienne. On est en 1945, Madeleine a tout juste 20 ans et elle a déjà trompé la mort plusieurs fois, au terme d’une résistance héroïque.
Une œuvre indispensable à mettre dans toutes les mains dès les premières années de collège, ce serait ma prérogative si j'étais documentaliste dans un CDI, professeur ou directeur de collège ou encore ministre de l'éducation (si peu). Comme ce n'est pas le cas, je me contenterai de la chronique et d'un stock pour les cadeaux.
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